Cette chronique sera déjantée, en effet tout commence au bal, jeune prétentieux en blazer bleu marine, chemise blanche ouverte, pantalon gris clair, mocassins, où, lors d’un slow langoureux, draguant outrageusement celle qui, bien plus tard, deviendra ma première épouse, je lui déclare sur un air faussement décontracté : « Un jour je serai Ministre ! » Plus petit con, tu meurs…
Par bonheur, je ne fus jamais doté d’un maroquin ministériel, je ne fus qu’un homme de l’ombre, une « éminence grise »trônant dans le magnifique bureau d’angle au 1er étage de l’hôtel de Villeroy. Jamais donc, le mercredi, je ne me suis rendu à l’Élysée pour le traditionnel Conseil des Ministres présidé en ce temps-là par Tonton. Je n’ai pas connu le destin d’Henri Nallet, conseiller du Prince, propulsé au petit matin Ministre de l’Agriculture.
« Tout ça pour en venir où camarade ? » me demanderaient les censeurs implacables de LFI.
À la nouvelle TABLE de Macron !
Sous laquelle je ne glisserai jamais mes pieds chaussés de VEJA.
Par Olivier Faye
Publié le 14 septembre 2022
RÉCIT
Ce week-end, les Français pourront découvrir la nouvelle table destinée à accueillir chaque semaine le gouvernement. Une pièce conçue par le Mobilier national, à la demande d’Emmanuel Macron, désireux d’imprimer sa marque dans le monde de la création.
« Top chrono ! » La voix d’Hervé Lemoine retentit sous la verrière de l’imposante réserve Perret, au siège du Mobilier national, dans le 13e arrondissement parisien, où sont exposés quatre siècles de goût des hommes de pouvoir (rarement des femmes) pour les arts décoratifs, de Louis XIV à nos jours : le lit de Murat, le bureau de Valéry Giscard d’Estaing ou de Vincent Auriol, le fauteuil de Jack Lang… Autant d’objets symboliques de cet établissement, héritier républicain du Garde-Meuble de la couronne créé en 1663 par Louis XIV et Colbert, dont le but est de travailler à la conception et à la conservation de dizaines de milliers de pièces de mobilier et d’objets pour les édifices publics.
En ce 8 septembre, le président du Mobilier national assiste au montage du « patrimoine de demain ». Des ouvriers s’affairent à poser les pieds puis encastrer les modules d’une table de 13,40 mètres de long appelée Medulla, « moelle », en latin. Elle sera le témoin muet d’un des plus célèbres huis clos français : le conseil des ministres. Lieu hebdomadaire de fantasmes, de secrets et souvent d’ennui. Elle devait être présentée à Emmanuel Macron, mercredi 14 septembre, à l’Elysée, en amont des Journées du patrimoine, les 17 et 18 septembre, où elle sera visible par le public.
Monté et démonté en 30 minutes
Suivant le cahier des charges, le meuble peut être installé ou démonté en moins de trente minutes. Le ballet des réunions et des réceptions au palais suppose une disponibilité maximale des salles. Hervé Lemoine stresse. Medulla a été créée sur son initiative. Au bout de cinq minutes, le pari est remporté : la table tient de tout son long, prête à l’emploi. « Je vais devoir payer le champagne à tout l’atelier… », sourit le haut fonctionnaire devant l’aboutissement d’un projet lancé en 2019, un an après son arrivée à la tête de l’institution.
À l’époque, le président du Mobilier national s’émeut auprès d’Emmanuel Macron de l’allure fruste de la « table juponnée » du conseil des ministres : de simples planches recouvertes d’une nappe, posées sur des tréteaux. Depuis Charles de Gaulle, personne n’a songé à en créer une dédiée. « Ça fait un peu tache », souffle Lemoine. « Je suis d’accord. Le Mobilier national ne m’a jamais proposé mieux », le pique Macron.
Un concours est lancé auprès de jeunes élèves d’arts appliqués pour imaginer la première table du conseil des ministres de l’histoire. Le Mobilier national est un lieu de création, pas seulement un conservatoire ; en 1964, André Malraux, à l’époque ministre de la culture, avait créé en son sein l’Atelier de recherche et de création afin de damer le pion au tout-puissant design italien. Des générations de designers ont participé à l’ameublement des bâtiments publics, à commencer par le designer Pierre Paulin, à l’Elysée, à l’époque de Georges Pompidou, puis de François Mitterrand.
Un cahier des charges strict
L’Elysée dessine un cadre strict au concours. Les matériaux doivent provenir de « circuits courts », manière polie (et légale, au regard du droit de la concurrence) de dire qu’il faut acheter français. La table doit être modulable afin de s’adapter au nombre de ministres présents, avec un maximum de quarante convives. Sachant que le gouvernement d’Elisabeth Borne compte quarante-deux membres, il va falloir se serrer… Emmanuel Macron, néanmoins, n’a pas pour habitude de convoquer les ministres délégués et les secrétaires d’Etat qui ne sont pas concernés par l’ordre du jour.
L’objet, précise l’Elysée, doit épouser l’esthétique des pièces où il pourrait être installé. Le salon Murat, bien sûr, lieu traditionnel du conseil des ministres, mais aussi le salon Napoléon III, celui des ambassadeurs ou encore le salon vert, au premier étage, près du bureau du président de la République. En clair, mieux vaut ne pas jurer avec les dorures du « Château ». La table, enfin, doit permettre l’organisation de réunions en visioconférence, avec tout ce que cela suppose de câbles et de prises. Et anticiper les évolutions technologiques des prochaines décennies : à quoi bon prévoir des ports USB si ces derniers disparaissent tels de vulgaires CD-ROM ?
Vingt-deux projets, conçus par près de cent soixante étudiants, parviennent au jury composé par le Mobilier national. Certains frappent par leur originalité. Un groupe d’élèves imagine une table gonflable, dérivée de la technique du paddle, cette planche à la fois dure et légère qui sert aux promenades aquatiques des plus de 30 ans. Un autre souhaite la recouvrir d’un cuir irisé, dont la texture changerait de couleur en fonction de la lumière et de l’ambiance de la pièce.
Quatre élèves âgés de 22 à 25 ans
Ce sont finalement Misia Moreau, Lucille Poous, Julien Roos et Étienne Bordes, quatre élèves de l’Ecole nationale supérieure des arts appliqués et des métiers d’art, à Paris, âgés de 22 à 25 ans, qui l’emportent avec le projet Medulla. Un meuble en bois, recouvert de béton taloché, qui dégage une impression de légèreté. Ses liserés en laiton, sur lesquels s’alignent les sous-mains et les porte-noms, répondent aux dorures élyséennes. « Nous voulions faire quelque chose de très fonctionnel et en même temps infuser une sémantique : celle de la colonne vertébrale, explique Misia Moreau. Les éléments s’encastrent comme des vertèbres. En s’ajoutant les uns aux autres, ils créent quelque chose de fort. »
Tout est symbole en République. Même lorsqu’il s’agit d’accueillir des gouvernements en proie à la zizanie ou en période de cohabitation. Deux petites tables s’ajoutent à l’ensemble – l’une pour le secrétaire général du gouvernement, l’autre pour le secrétaire général de l’Élysée, qui assistent au conseil des ministres –, ainsi que des chaises gaufrées « RF » (pour République française). Des initiales dorées sont réservées aux assises du chef de l’Etat et de la première ministre. Enfin, des casiers sécurisés contre les attaques informatiques ont été créés pour que les membres du gouvernement déposent leurs smartphones et tablettes avant le début du conseil.
L’héritage de Georges et Claude Pompidou
Le projet, dont le coût ne nous a pas été communiqué, s’inscrit dans la droite ligne de la politique de renouvellement du patrimoine élyséen voulue par Emmanuel Macron. Depuis 2017, des travaux ont été menés dans différentes pièces du palais. Les lourdes tentures rouges de la salle des fêtes ont été abandonnées au profit d’un gris plus neutre. L’artiste Daniel Buren a revu la verrière du jardin d’hiver afin d’y apposer des panneaux bleu, blanc, rouge.
Le chef de l’Etat a aussi fait remplacer son bureau Louis XV – utilisé en son temps par le général de Gaulle – par une création en bois noirci signée du designer Thierry Lemaire. Il en a profité pour glisser au-dessous un tapis de Victor Vasarely. Brigitte Macron a quant à elle récupéré un bureau conçu en 2005 par la créatrice Matali Crasset. En la matière, le couple présidentiel revendique l’héritage de Georges et Claude Pompidou, qui, les premiers, firent entrer l’art et le design contemporains sous les lambris de l’Elysée. C’est « la vitrine de la France et on n’y avait plus investi depuis des années », justifiait Emmanuel Macron auprès du Monde, en 2018. « Le président souhaite que l’Elysée soit le reflet de la création contemporaine, même s’il n’a pas de goûts très arrêtés en matière d’arts décoratifs », reconnaît Hervé Lemoine.
Déambulant devant les œuvres réunies au Mobilier national, ce dernier philosophe : « La France est sans doute le pays au monde qui a créé le plus de styles distinctifs. Chaque monarque a voulu marquer son règne. » Ce qui reste le plus sûr moyen de laisser une trace.
TABLE
Pour clore cette chronique il est une autre TABLE que j’ai inaugurée avec ma copine Isabelle. Je l'ai beaucoup fréquenté. Ainsi le :
14 novembre 2013
Vendredi soir il pleuvait sur un Paris déserté. Le ballet des essuie-glaces de ma petite auto rythmait mes pensées. J’allais récupérer mon allocation de sponsor de C.B à Coinstot Vino. Je ruminais l’idée d’une chronique sans trop savoir par quel bout j’allais la prendre. Une fois mon précieux paquet récupéré je m’en suis retourné via la place de la Bastille. Tiens si j’allais serrer la pince, en passant par la rue de Prague, à l’ami Bruno Verjus le taulier inspiré du restaurant TABLE. En quelques tours de roues j’y étais. On s’y afférait. Comme un parfum de bonne maison et si j’y dînais à la table d’hôte. L’heure n’étant pas encore parisienne j’ai porté mes pas du côté d’Agrology qui est en amont au 15 rue de Prague. Accueilli par des sourires, c’est agréable, le hasard fit qu’une dégustation impromptue de vins méditerranéens me permit de rejoindre l’heure très agréablement. Bonne maison !
De retour à Table emplit d’un chaleureux brouhaha je prenais place en un lieu stratégique où je pouvais observer la geste de ceux qui allaient de leurs mains préparer nos assiettes, Bruno en tête. Je reviendrai sur ce repas dans une toute prochaine chronique. J’aurais pu me laisser distraire par « la trop belle pour moi »* référence au film de Bertrand Blier, Carole Bouquet qui se tenait elle aussi dans ma ligne de mire mais les 5 hommes aux fourneaux occupèrent mes pensées. C’est en observant ma mère cuisiner que j’ai pris le goût à faire le manger.
Et puis, petit à petit, les étoiles du petit livre rouge aidant, 2 au compteur, TABLE c’est fini, j’ai dû lui dire adieu, comme l’écrit Stéphane Durand-Souffland in Figaro La très chère cuisine de Bruno Verjus ICI
Chez Table, à Paris, le chef autodidacte met en vedette des produits d’exception, cuisinés avec douceur. Assurément bon, mais astronomiquement facturé.
«La façon dont on se nourrit décide du monde dans lequel on vit»: plusieurs autocitations de Bruno Verjus, prolifique fourbisseur d’apophtegmes, ornent la carte de son restaurant, Table (Paris 12e). Le montant auquel on facture la nourriture n’est pas neutre non plus dans l’évolution du monde, étant entendu qu’une addition astronomique en dit autant sur l’estime de soi du chef qui l’émet que sur la naïveté ou le snobisme du client qui accepte de l’acquitter.