J’ai enfin trouvé comment concilier, sur un blog officiellement consacré au vin, mon goût immodéré pour la lecture et celui, tout aussi immodéré, pour les vins nu : c’est LIVRESSE.
Je ne suis pas un modéré !
Je m’en explique après vous avoir indiqué pourquoi je rajoute à ma panoplie, déjà si variée, la profession d’éditeur.
J’étais à Aix, j’avais épuisé mon stock de livres, alors je suis allé piocher dans les piles de la maison du Grand Port, une maison où il y a, un peu partout, des piles de livres, est une bonne maison.
Dans l’une d’elle, coincée au milieu de gros volumes, je repérai une mince reliure noire. Vous connaissez mon goût immodéré pour les petits livres, ceux que je peux glisser dans ses poches pour en faire des compagnons des instants où, en tout lieu, me prend l’irrésistible envie de lire.
Blessure de guerre Gérard Aimonier-Davat
Enfoncé dans un fauteuil, les nanas avaient piscine, je l’ai lu d’une seule traite.
De Gérard Aimonier-Davat, dans une chronique ICI à propos de son recueil de nouvelles : Les Galets du Chéran j’écrivais :
Je partage cette approche de la nouvelle et, Gérard Aimonier-Davat y excelle y excelle ; la nouvelle de lui que j’ai choisie : le cloppet m’a touché au cœur, j’y ai retrouvé ma part d’enfance, ce vécu dans sa simplicité dépouillée, sans afféteries ni fioritures. De la belle ouvrage, sincère, emprunte de vérité, qui aurait dû être reconnue par un éditeur de notre Paris où tout se joue...
Alors, je me suis dit je vais me faire éditeur.
En 11 tableaux, comme au temps où les auteurs publiaient dans les journaux, sous forme de feuilletons (1) vous allez à partir de lundi découvrir ce roman que j’ai beaucoup aimé.
(1)« Dans une affiche de l’automne 1849 engageant les lecteurs parisiens à s’abonner ou à se réabonner au journal dumasien Le Mois, trône, en majuscules grasses et comme premier argument de vente, Une Nouvelle Troie.
Ce roman-feuilleton du « si populaire Dumas [1] » narre les exploits garibaldiens lors des guerres d’indépendance sud-américaines, contemporaines du Printemps des peuples européens.
Depuis ses premières apparitions sous forme de chroniques puis de fiction, et surtout après l’immense et retentissant succès des Mystères de Paris d’Eugène Sue – publié entre le 19 juin 1842 et le 15 octobre 1843 dans Le Journal des Débats –, le feuilleton, né de la rencontre entre un genre littéraire appelé à devenir dominant et un médium, le journal [2], a investi une grande partie de la presse, politique comme spécialisée. »
Je reviens sur mon immodération :
Prôner la modération c’est vouloir faire de nous des individus éloignés de tous les excès, but certes louable mais qui comporte sa part de risque : celui de l’affadissement de la vie.
En effet qu’est-ce donc qu’un « modéré » ?
Un individu qui, en permanence, préfère le un tout petit peu, se bride, se contraint, se retient, craint la spontanéité, calcule, arrondi les angles, fuit donc toute forme d’aspérités, compose en permanence, cherche toujours à se situer dans un inatteignable juste milieu, adore par-dessus tout le consensus mou. « Si le sel s’affadit avec quoi le salera-t-on ? »
Pour autant je ne prône pas l’excès, les excès de vitesse, de table, de langage, mais je souhaite que, dans nos sociétés soi-disant encadrées, la porte reste ouverte à l’expérience, à l’apprentissage de la vie, à l’enthousiasme de la jeunesse, aux échappées belles, aux coups de cœurs, aux passions…
Peut-on aimer avec modération ?
Non !
Vivre une passion, amoureuse ou non, être sur son petit nuage, c’est prendre le risque d’en tomber, mais c’est le charme de la vie, ses joies ses peines. Dans notre sphère privée, qui se rétrécit de jour en jour, assumer notre part de risque c’est rester en capacité de choisir sa ligne de vie personnelle. Ce choix individuel ne débouche en rien sur l’individualisme, bien au contraire, avoir main sur sa vie personnelle, la gouverner autant que faire ce peu, reste une bonne école de la citoyenneté.
L’excès est privatif de liberté, il débouche sur « la dictature » des purs et durs. La modération nous annihile alors, que faire ?
Faut-il comme le clamait Vergniaud, le girondin, à la tribune de la Convention en 1793, « si, sous prétexte de révolution, il faut, pour être patriote, se déclarer le protecteur du meurtre et du brigandage, je suis modéré ! » être un modéré ?
Je veux bien le concéder, mais sans grand enthousiasme, pour la bonne cause, face aux ayatollahs de l’hygiénisme et aux prohibitionnistes : « je suis un modéré ! » mais avec beaucoup de modération.
L’acteur Jean-Luc Bideau
« Pourquoi la fête a-t-elle besoin d’alcool ?
Pourquoi l’alcool a-t-il besoin de la fête ?
Quel rôle joue l’alcool dans la société ?
D’où vient son importance dans les mœurs, dans nos vies, dans ma vie ?
Pourquoi marquer les passages, les victoires et les réussites avec de l’alcool ? »
L’Ivresse, un champ de bataille (extrait d'Ivresse page 23)
« Depuis l’industrialisation, la consommation de boissons alcoolisées est la cible de violentes controverses. Ces affrontements mettent en lumière les conceptions morales des protagonistes par rapport au fonctionnement de la société. Derrière les mots et les images de l’ivresse affleurent les représentations sociales et les fins économiques.
Les discours répressifs expriment le plus souvent une tentative de civiliser les buveurs, de discipliner la grande masse des amateurs de bières industrielles, d’infâmes schnaps, de petits vins pépères ou de gros rouges qui tachent. L’histoire des mouvements de tempérance est relativement facile à raconter. Il est bien plus difficile en revanche de relier ces discours à la réalité quotidienne, d’en mesurer les conséquences au plan individuel. On sait que la consommation d’alcool a chuté d manière constante et régulière durant tout le XXe siècle. Mais que sait-on de l’ivresse ? Comment la mesurer, d’ailleurs ? Étalonner l’ivresse est une gageure ; boire est toujours un acte solitaire. Même dans l’instant convivial et amical du « boire ensemble », il y a asymétrie entre les partenaires. Ils ne partagent pas la même expérience gustative, ils n’ont pas les mêmes références, ils n’ont pas le même plaisir. Le plaisir de l’ivresse constitue un aspect essentiel de la consommation de boissons fermentées, en même temps que son élément subversif. La cuite qui insulte le moraliste, est un affront pour l’esthète qui nie son existence. La répression de l’ivresse est telle que ce plaisir ne se communique plus, ou alors très indirectement. Il se dérobe au parler officiel, fuit la lumière du jour. La cuite, depuis de nombreuses années, emprunte les voies souterraines. »