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11 octobre 2022 2 11 /10 /octobre /2022 06:00

 

Le ciel parfois dans sa cruauté va au devant de ce que l’humain aurait pu souhaiter.

Vois-tu Martha, au fond, je me suis réjoui de cette série de malheurs qui peu à peu, jour après  jour m’ont apporté  ce que jamais je n’aurais su ou même osé prendre par moi-même.

Des années plus tard, dans ses mémoires qu’il confiait à un journal local, un journaliste sincère écrira : « Au cours d’une halte inopinée dans la station, des éléments FTPF incontrôlés de la Brigade Rouge du Chablais exécutèrent dix soldats allemands sur la place de l’église avant leur départ. »

C’est tout.

 

 

    Tout ce qui devra rester dans la mémoire des hommes.

Un entrefilet qui n’incite à aucune émotion.

Je ne veux plus être le seul à garder de ce jour le terrible ressentiment qu’il a eu sur ma vie, su notre vie, Martha.

Je pense qu’il est temps que tu saches ce que furent les jours qui précédèrent ta naissance, même si la connaissance entraîne une part de désespoir.

Il y a dans ces événements se quoi stimuler le désir de vivre, ce même désir qui m’a animé jusqu’à ce jour, ce  désir d’être père.

 

Ce que je désespérais d’être un jour.

Tout ça, c’était avant qu’ils tombent.

Avant que la haine ne les ait foudroyés.

 

Le monde chantait encore pour moi, les fleurs avaient encore une odeur et le rire des gens invitait à rire.

Mais le monde a changé il a suffi d’un instant, d’un mauvais concours de circonstance : « Une simple halte inopinée dans la station. »

 

Tu te rends compte Martha, une simple halte inopinée dans la station.

Comme l’a joliment écrit ce journaliste.

Mais pour ceux qui ne savent pas, c’est presque rien, un pneu qui crève sur la route des vacances, rien de plus.

Une halte inopinée.

 

J’en crève Martha, et toi tu en as souffert toute ta jeunesse.

Mais est-ce que tu as vraiment souffert de m’avoir pour père, un veuf de deux amours comme ça a dû être triste pour toi ma fille ?

 

Toi que j’ai chérie parce que je voyais dans ton visage, le visage de Marie et dans tes yeux cette intensité, cette lumière, cette profondeur des yeux de Mathias.

Je t’ai aimée ma fille et j’aimerais parfois que tu me le redises, non pas comme autrefois, ce « T’aime papoun » que tu me murmurais à l’oreille, lorsque au coucher je fermais ce livre de la marmotte ou du Père castor que tu affectionnais tant.

Tu te souviens, ce livre où les montagnes riaient et pleuraient comme la marmotte.

J’aimerais te l’entendre dire aujourd’hui, maintenant que tu es grande et que tu es loin de moi.

Maintenant que tu sais qu’un autre est ton père par la chair et le sang.

 

Le peu de temps qui nous a été accordé de vivre ensemble, Marie et moi, était un temps d’attente. Un temps d’indécision.

Nous étions dans le mensonge absolu.

Il fallait que tous croient que j’étais le père de l’enfant à naître, et Marie pleurait souvent dans mes bras le soir.

 

Ah, ces soirs où nous sentions en nous la présence de Mathias

Il était là, comme un rôdeur jaloux et révolté. Pour Marie c’était l’amour que la fatalité lui avait ôté. Pour moi, j’étais cette fatalité qui avait décidé de la tromper.

J’étais le voleur qui ne pouvait s’emparer du magot car le coffre qu’il avait dérobé restait fermé et qu’il n’en avait pas la clef.

Le cœur de ta mère n’a jamais failli, Martha.

Je n’ai eu que son amitié, que sa reconnaissance.

Je n’ai eu que le reflet du diamant que je m’étais approprié.

Jamais elle n’a accepté que je sois plus que ton père, rien que ton père.

Parfois je me disais en moi-même, en la contemplant les yeux fixés sur son ventre plein de toi : « Elle a deviné mon forfait. »

Mais elle ne pouvait pas savoir, pouvait-elle seulement sentir qu’il était encore quelque part vivant une autre vie ?

 

 

 

 

                                //////////

 

 

 

 

Il faut que tu saches, Martha, quel cheminement m’a conduit à envisager sa mort. Quand un homme s’éprend d’amour pour un autre homme, ça ne semble en rien comparable à ce qu’un homme peut être lorsqu’il s’éprend d’amour pour une femme, c’est bien plus fort, et plus qu’une femme pourrait comprendre quand bien même elle pourrait l’admettre.

 

Quand il est entré dans ma vie, j’ai su tout de suite que je ne pourrais échapper à l’attirance que j’éprouvais pour lui.

J’ai lu dans ses yeux, avant qu’il ne la ressente lui-même, cette étrange tendresse qui te fait espérer que son regard ne quittera pas le tien, avant que tu aies pu lui transmettre par ton propre regard, cette connivence née brusquement du fond de l’âme.

 

Ce jour du tableau et de sa folle démonstration, lui, ne savait rien encore.

Moi je savais tout déjà.

 

C’est ainsi souvent que naît un amour d’homme.

Je pourrais te dire encore et encore comment tout s’est déroulé.

Cette démonstration me semble inutile.

Je voudrais simplement que tu comprennes quels sentiments m’ont brusquement assailli et torturé quand j’ai compris que Marie me l’avait ravi.

 

Une femme peut-elle souffrir vraiment ce que souffre un homme, lorsque celui qu’elle aime s’éloigne d’elle pour une autre ?

 

Quand j’ai surpris leurs regards à lui et à Marie, j’ai d’abord refusé de croire…

J’ai refusé de sentir s’alléger, peu à peu l’étreinte de  ses épaules.

Se faire plume cette tête qu’il venait d’enfouir dans mon cou avec force.

Se faire furtive la morsure de sa bouche sur mon épaule qui lentement jour après jour s’est allégée jusqu’à ne plus être qu’un frôlement.

Cette bouche tant visitée par ma bouche altérée qui se refermait devant l’assaut de mes lèvres.

 

Je me suis senti délaissé par cet être, tout entier possédé par Marie, confirmé dans son inclinaison par sa seule volonté et tout l’amour qui lui servait d’outil.

C’était plus que je n’aurais pu supporter. C’était trop.

 

À mes premiers reproches, il avait écarté le sujet en citant la Bible. Pauvre naïf que j’étais, je ne résistais pas à la tentation de lutter.

Je niais l’existence de Dieu.

Quoi de plus naturel que de nier l’existence de ce perturbateur, aux premiers maux qui te frappent, aux premières blessures que t’inflige la vie.

Impuissant à le convaincre de notre amour, je voulais lui prouver que la notion de faute était une histoire trop récente pour qu’o, puisse lui accorder la moindre valeur.

 

Je voulais lui prouver, que Dieu lui-même était né de la faiblesse des hommes et que la vraie force des hommes serait de vivre sans Dieu.

 

Je voulais qu’il comprenne enfin, en désespoir de cause, que si son Dieu est amour, l’amour ne pouvait en aucun cas être considéré comme une ignominie.

 

Je m’appliquais par tous les moyens à lui apporter quelques citations pour étayer mes convictions. De Job à l’Ecclésiaste, tout y passait.

Je lui disais, personne n’est à même de juger si l’amour est pur ou impur selon qu’il a pour objet un homme ou une femme (qui donc extraira le pur et l’impur ? Personne.)

 

Et puis il y avait cette phrase qui me semblait plus proche de ses convictions et peut-être plus pertinente : « Il n’y a personne de juste sur terre au point de faire le bien, sans jamais pécher. »

Mais ces joutes ne m’ont pas aidé à le convaincre, il était passé le temps, où nous nous aimions corps et âme.

Et je peux te dire encore combien nous avions refermé notre cœur sur ces moments de fusion.

 

 

 

 

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