C’est une UCHRONIE, substantif féminin. Du grec ou, non, et khronos, temps.
Histoire refaite en pensée telle qu'elle aurait pu être et qu'elle n'a pas été.
Mai 69. Un an après les manifestations estudiantines et les grèves générales qui ont ébranlé la France et changé le cours de l'Histoire, Pierre Mendès France est président de la République, et de Gaulle et tante Yvonne se sont réfugiés auprès du général Massu à Baden-Baden en Allemagne.
Michel Rocard est Premier Ministre.
François Mitterrand Ministre des Affaires Étrangères.
Gaston Deferre Ministre de l’Intérieur
Pour célébrer l'An 1 de la révolution pacifique, PMF va, en ce dimanche radieux, faire un discours au stade Charléty à Paris, lieu symbolique où s'est déroulé le meeting le plus joyeux du printemps 68.
À peine a-t-il prononcé quelques mots que des coups de feu retentissent ! Il s’écroule. C'est la panique, et l'évènement festif tourne au carnage avec plusieurs morts et de nombreux blessés.
Qui sont les commanditaires ?
Qui veut à nouveau mettre la République et la démocratie en péril ?
Pour Louise Ben Kader, jeune journaliste, fille de harki, et José Carvalho, barbouze à ses heures et garde du corps du président, c'est une même enquête qui commence - mais avec des moyens et des buts bien différents...
Pour son premier roman, Jean-Philippe Leclaire, directeur adjoint de la rédaction de l'Equipe et ancien rédacteur en chef de L'Equipe Magazine, s’aventure sur un nouveau terrain, miné celui-ci, la politique. Son uchronie est bien bâtie mais elle souffre d’être construite par un cinquantenaire, dans les langes en 68 et lycéen en 1981.
Jean-Philippe Leclaire possède sur le bout des doigts le système Deferre à Marseille mais il se trompe sur le Deferre ministre de l’Intérieur, celui-ci en 1981 n’a jamais été le ministre des flics mais le père de la décentralisation à la sauce PLM, la revanche des grandes villes sur l’État, ministre des élections, grand expert en charcutage de circonscriptions. En faire un affamé de la prise du pouvoir présidentiel c’est lui prêter une stature qu’il n’a jamais eu comme l’a démontré son fiasco avec PMF lors de la présidentielle post grand Charles qui a vu Pompidou prendre les rênes.
Quand à Poher l’intérimaire c’était un ectoplasme.
C’est Mitterrand qui de par son expérience de la IVe aurait été comme un poisson dans l’eau dans le marigot post-mortem de ce pauvre PMF.
Enfin, il traite Rocard premier Ministre avec une désinvolture qui frise la caricature.
L’uchronie change les faits mais pas les hommes politiques, Jean-Philippe Leclaire les voit comme peut le faire un journaliste au travers de l’image qu’on leur a collé. Ayant côtoyé Deferre, Mitterrand et Rocard mon regard porte au-delà du décor.
Mai 69 de Jean-Philippe Leclaire : l'arme à gauche
Sous la pression de la rue, De Gaulle s'est retranché en Allemagne, à Baden-Baden, avec Yvonne, sa famille et son fidèle Massu. L'intègre mais naïf Pierre Mendès France a accepté de prendre en charge une Ve République fragilisée par les batailles d'ego.
L'assassinat du président en plein discours va libérer les fauves et donner l'occasion aux puissances étrangères de peser sur la politique française au bord du chaos. Une jeune et belle journaliste du Monde, Louise Ben Kader, fille de harki, mène l'enquête sur le meurtre et démêle les sombres motivations des parties prenantes. On sourit beaucoup mais souvent jaune tant les péripéties décrites résonnent avec la situation politique actuelle, et notamment les dissensions à gauche.
Fayard noir, 432 p, 20 euros
PS. J’avais sollicité la nouvelle patronne de Fayard, Isabelle Saporta, pour un service de presse, sans succès, il faut dire que l’auteur avait dû déployer des trésors de persuasion pour convaincre l’ex-boss de Fayard, Sophie de Closets, phobique des uchronies.
À lire en dépit de mon regard d’ancien 68 hard rocardien ayant servi sous Tonton 1 et 2.