Aux Pays-Bas, les fermiers manifestent depuis le 10 juin contre une nouvelle loi visant à réduire de 30 à 70% les émissions d’azote dans tout le pays. Une décision qui menace l’agriculture intensive faisant du pays le second exportateur agricole mondial derrière les Etats-Unis.
Alors je pense à Sicco Mansholt et son fameux plan :
Le Néerlandais Sicco Lendeert Mansholt fait partie de cette génération d’hommes politiques qui ont participé avec enthousiasme à l’aventure européenne. Il est surtout connu pour avoir été l’un des architectes de la Politique agricole européenne, lorsqu’il inaugura le portefeuille de commissaire chargé des questions agricoles.
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Nous devrions porter nos regards de franchouillards, adeptes de la contemplation de notre nombril, vers ce qui se passe dans ce pays, celui qui a porté le productivisme au sommet : la Prim’Holstein pisseuse de lait en étant l’emblème.
Nos réformateurs à marche forcée de notre agriculture de la NUPES, s’il leur arrivait de quitter le y’ ka, y verraient ce qui les attend dans notre doulce France des Terroirs s’ils pensent passer en force. Les gros tracteurs sont des bloqueurs de routes et des instruments de blocus très efficaces.
La Hollande donc :
Au détour de la jonction de l’Azelo sur l’autoroute A35 aux Pays-Bas se répand un nuage de fumée. La voie est fermée, forçant les automobilistes à emprunter des annexes pour rentrer du travail ce jeudi 28 juillet.
La cause des volutes noires ?
Un barbecue. Propriétaires des tracteurs qui bloquent les voitures, les agriculteurs ont sorti grillades et ketchups pour leur pause de midi.
La veille, les agriculteurs montraient leur opposition sur les autoroutes néerlandaises, vidant leurs camions remplis de fumier sur les voies et incendiant des ballots de paille pour bloquer la circulation néerlandaise. Jeudi, des restes de pneus carbonisés gisent encore sur certains couloirs. Les centres de distribution de plusieurs chaînes de supermarchés ont été bloqués des jours durant, les fermiers ont tambouriné aux portes de la maison de la ministre de la Nature et de la Politique de l’azote, Christianne van der Wal, et des policiers ont tiré à balles réelles sur un adolescent de 16 ans. Un chaos «inacceptable», selon le premier ministre, Mark Rutte, pour qui «une infime minorité de fermiers» met la population en danger.
Ecologie et agriculture
Avec son logo bleu aux allures militaires composé de deux fourches jaunes, la Fondation des forces de défense des agriculteurs a été la première à appeler aux émeutes. Sur la page de garde de son site internet, un appel aux dons pour «aider à payer les amendes» reçues et «soutenir la bataille».
La cause de la colère depuis le 10 juin ?
La volonté du gouvernement néerlandais de réduire les émissions de protoxyde d’azote, un gaz à effet de serre 300 fois plus puissant que le CO2, pour s’aligner sur les normes européennes. Une nouvelle loi a été discutée au parlement, imposant une réduction de 30 à 70% dans 131 zones agricoles afin de baisser les émissions de moitié d’ici à 2030.
Il s’agit très concrètement de réduire de 30% le cheptel alors que l’agriculture est un domaine phare aux Pays-Bas – 17,5 millions d’habitants pour environ 4 millions de bovins, 12 millions de porcs et 100 millions de poulets, destinés à l’industrie alimentaire. La surexploitation des terres (environ 53 000 exploitations) a valu à ce pays d’occuper la deuxième place en tant qu’exportateur agricole mondial derrière les Etats-Unis. Ce secteur d’activité constitue 1,6% du PIB (2019) avec 180 000 travailleurs soit 2% de l’emploi du pays. Il est responsable de 46% des émissions de protoxyde d’azote, d’ammoniac et de nitrate, à cause de l’utilisation d’engrais azotés par l’agriculture et des rejets d’eaux usées par l’élevage.
«Le problème n’est pas la loi en elle-même, mais son application. Imaginez devoir réduire brutalement vos émissions de 70%! Cette loi ne donnera pas d’autre choix à certains fermiers que de vendre leurs terres et se reconvertir», soupire Alex Datema, président du collectif de fermiers BoerenNatuur. Si une aide de 24,3 milliards d’euros a été allouée pour aider les fermiers, aucune proposition n’a été élaborée sur le plus long terme.
Incompréhension
«On fait face ici à une contradiction: pendant des décennies, les gouvernements européens, et particulièrement celui des Pays-Bas, ont poussé les agriculteurs à aller vers une industrialisation forcenée, avec des systèmes d’élevage très concentrés. Après des années de politiques publiques allant dans ce sens-là, il est maintenant demandé aux agriculteurs de réduire leur cheptel: cela provoque donc chez eux une grande incompréhension», résumait dans Reporterre Morgan Ody, une agricultrice française.
Les Pays-Bas ont beau posséder 162 zones naturelles uniques et vulnérables enregistrées auprès de la Commission européenne, le gouvernement néerlandais a choisi de ne pas appliquer les normes pendant plus de vingt ans pour soutenir son agriculture. En 2019, une décision de la Cour de justice de l’Union européenne et du Conseil d’Etat néerlandais ébranlait la confiance nationale: au grand dam des fermiers, le pays doit désormais s’y plier.
«La vie des fermiers est dure»
«La vie des fermiers est dure et je ne sais pas ce qui nous attend à l’avenir», avoue Alex Datema, qui précise être prêt à «chevaucher» son tracteur «pour militer». Andy Palmen, directeur de Greenpeace aux Pays-Bas, précise: «La plupart des agriculteurs ne sont pas violents. Mais tout le secteur est concerné. Moi aussi je serais en colère si le travail de ma vie se voyait totalement bouleversé.»