Le 6 juillet 2022, les 500 plus grandes fortunes de France ont été révélées par Challenges.
À Bordeaux (Gironde), le commerce du vin fait le bonheur de nombre d'entre elles.
Au niveau national, l’indétrônable Bernard Arnault (groupe LVMH), avec ses 149 000 millions d’euros, domine le classement. Il est suivi des héritiers de la maison Chanel, Alain et Gérard Wertheimer (80 000 millions d’euros) et de la famille Hermès (78 700 millions d’euros).
Le vin, première source de richesse en Gironde
À la première place des Girondins les plus riches (10e au classement national), Pierre Castel, qui contrôle 80 % du troisième négoce de vins au monde. Sa fortune est estimée à 13 500 millions d’euros.
S’ensuivent une vingtaine de propriétaires de vignobles et/ou négociants en vins et spiritueux dans le bordelais, parmi lesquels :
Patrice Pichet, 75e fortune de France avec 1 500 millions d’euros
Bernard Magrez (propriétaire de 42 vignobles) 104e avec 1 100 millions d’euros
Philippe Sereys de Rothschild (Mouton Rothschild), 128e avec 900 millions d’euros
Jean-François et Jean Moueix (maison de négoce Duclot et 80 % du Pétrus), 193e avec 625 millions d’euros
La famille de Boüard de Laforest (château Angélus), 373e avec 320 millions d’euros
Le top 20 des fortunes ayant des propriétés en Gironde
- Pierre Castel (10e national)
- Patrice Pichet (75e)
- Bernard Magrez (104e)
- Michel Ohayon (104e)
- Philippe Sereys de Rothshild (128e)
- Éric et Robert de Rothschild (128e)
- Jean-François et Jean Moueix (193e)
- Jean-Jacques Frey (227e)
- Sébastien Breteau (232e)
- Gérard Perse (283e)
- Famille Ballande (291e)
- Jean-Hubert Delon et Geneviève d'Alton (326e)
- Christian et Edouard Moueix (354e)
- Bruno et Marie Borie (362e)
- Jean-Michel et Sylvie Cazes (362e)
- Famille de Boüard de Laforest (373e)
- Philipe Castéja (389e)
- Famille Manoncourt (420e)
- Famille Labruyère (420e)
- Franck Allard (426e)
TRIBUNE
Il faut "éviter une déprise viticole anarchique" à Bordeaux
Sa moustache est l’inévitable poil à gratter de toutes les réunions d'instances politiques des vins de Bordeaux. Dans cette tribune, retranscrite en intégralité, Dominique Techer est moins le porte-parole de la Confédération Paysanne que d’un vignoble en souffrance qui demande des solutions d’urgence. Sans oublier de s’attaquer aux Cotisations Volontaires Obligatoire (CVO).
Bordeaux traverse une crise historique et la question de l’arrachage s’invite enfin à la table. Il aura fallu pour cela un mouvement spontané des vignerons eux-mêmes, pour bousculer une institution fossilisée. Le spectacle des vignes abandonnées, comme le drame social silencieux qui va avec, n’échappent visiblement qu’aux officiels. Tous les prétextes et les faux -arguments ont été utilisés pour faire espérer le retour des « jours heureux » à des vignerons qui ne savent plus à quoi croire : le Covid, les taxes Trump, la Chine etc. On a usé et abusé des respirateurs bancaires pour retarder les échéances. Mais les faits sont têtus : Bordeaux a un potentiel de production de 5 millions d’hectolitres et en vend 4 au mieux. Ce chiffre est probablement surestimé, vu la récession déjà en cours et les restrictions énergétiques majeures prévues à partir du deuxième semestre. Au bas mot, comme nous le disons depuis des années, il y a autour de 30 000 hectares de vignes qui n’ont déjà plus de marché. Les chais sont pleins et les trésoreries à sec.
Il faut être clair sur le diagnostic. Le vin n’occupe plus structurellement l’espace comme au vingtième siècle. La France a terminé sa déchristianisation, le repas familial comme institution assez patriarcale a fait place à la restauration hors domicile et au réfrigérateur en libre-service. La génération du baby-boom, clientèle historique, arrive en fin de course et le vin a perdu sa place prépondérante dans l’imaginaire des jeunes, qui sont les amateurs de demain. Ce monde du vin s’est industrialisé, rationalisé, robotisé et a perdu son âme, sa place symbolique de rapport à la terre et au vivant. Ce sont les petites brasseries de bière artisanales qui ont repris ce flambeau. L’idéal du wine business c’est maintenant l’intelligence artificielle, les outils autonomes, guidés GPS, si possible sans intervention humaine. Certains nous proposaient même de « vinifier avec notre smartphone » ! On recherchait autrefois les vins de vignerons passionnés et originaux. Qui va aujourd’hui rêver aux vins des robots ? Va-t-on ré-enchanter le vin en passant du rapport à la terre au mirage de la technologie 2.0 ? Là encore, on a une représentation professionnelle totalement décalée par rapport aux idées et préoccupations qui travaillent en profondeur toute la société.
Un tel aveuglement des instances chargées d’orienter stratégiquement les appellations de Bordeaux étonne. Un ancien président de l’interprofession, siégeant à FranceAgriMer, déclarait encore récemment que la crise était conjoncturelle et pas structurelle ! Ce qui explique la politique expansionniste du CIVB de « restructuration du vignoble-modernisation des chais » qui a lourdement endetté les vignerons, au moment même où le marché se contractait.
Consentement aux taxes
L’interprofession se contente donc maintenant d’assurer l’administration du désastre, de faire « comme si » elle orientait quelque chose d’autre que des intérêts particuliers. Ça ne l’empêche pas de demander, comme si de rien n’était, la reconduction de l’accord triennal validant le niveau des Cotisations Volontaires Obligatoire (CVO). Mais avant de demander cette reconduction, en toute honnêteté, il faudrait demander à tous les cotisants un vote de confiance explicite. Il va bien falloir s’assurer du consentement aux taxes et de la confiance dans la gouvernance actuelle. Et si cette confiance n’était pas confirmée, il faudrait alors mettre fin au jeu de chaises musicales entre quelques dizaines de personnes pour se répartir les postes.
L’heure est grave à Bordeaux, mais sans doute aussi dans d’autres vignobles. Il faut prendre acte de la diminution du périmètre économique de la viticulture. Il faut prendre acte du chaos climatique qui s’installe et qui interroge lourdement sur l’agriculture qui restera possible demain : les vignerons présents à Tech&Bio le 7 juillet ont été « sonnés » par les prévisions concrètes d’évolution climatique présentées par les Chambres d’agriculture.
Il faut prendre acte de la fin de la mondialisation heureuse, synonyme de libre et fluide circulation des marchandises et des capitaux.
Que les professionnels de la représentation viticole arrêtent donc de défendre des petits pré-carrés, des assiettes de cotisations assurant des fonctionnements confortables et d’émollientes rémunérations, et se préoccupent enfin des vrais enjeux et des humains qui sont derrière tout ça.
Il n’y aura donc pas de solution purement viticole aux problèmes actuels.
Monoculture intensive
On ne peut pas envisager de tamponner les effets du chaos climatique dans une stratégie purement « filière ». Cette crise peut être l’occasion, si tous les acteurs prennent leurs responsabilités, de restructurer une agriculture girondine trop imprégnée par la monoculture intensive de la vigne. C’est un plan d’ensemble, notamment sur le plan foncier, qui est nécessaire pour éviter une déprise viticole anarchique. L’arrêt de la culture de la vigne ne doit pas déboucher sur des paysages défigurés par une série de confettis de friches, de pseudo « fermes solaires » ou de plantations industrielles d’arbres servant d’alibi « vert » à de gros consommateurs d’énergie fossile. Les terres les plus adaptées à des cultures alimentaires doivent être restructurées dans des unités viables. Et un véritable plan d’accompagnement de ces installations doit se mettre en place.
Pour cela, il faut que chacun réalise, à l’heure de la crise alimentaire mondiale où chaque état cherche à retenir ses ressources alimentaires, l’importance d’une agriculture locale et surtout autonome. Le financement de cette mutation doit devenir une priorité. Avons-nous encore les moyens d’investir 14 milliards d’euros (budget prévisionnel...) dans une Ligne à Grande Vitesse (LGV) pour gagner 30 minutes entre Bordeaux et Toulouse, au moment où des pans entiers de notre société partent en ruine ? Faut-il investir dans un nouveau projet agricole garant de notre sécurité alimentaire ? C’est le véritable choix de société.