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11 juillet 2022 1 11 /07 /juillet /2022 06:00

Nallet.jpg

J’ai bien connu et travaillé avec Lalou Bize-Leroy, lorsque Henri Nallet, alors Ministre de l’Agriculture, lui d’ordinaire si taiseux, lorsqu’il était conseiller de Tonton nous l’appelions le Sphinx, se laissa aller à se la jouer « nationaliste »  

 

« La Romanée-Conti, c'est comme une cathédrale selon le Ministre. Il n'est pas question de laisser partir un élément du patrimoine culturel français »

 

Le 29 février 2008 j’écrivais :

Henri Nallet arrête les Japonais en Bourgogne ICI

 

Ce fut l'équivalent de Charles Martel en 732 mais, au lieu d'être dans les livres d'histoire, seule les archives du journal Libération s'en souviennent. C'était le 2 septembre 1988, page 11 (une pleine page avec appel en une).

 

Un événement ?

 

Non, un coup médiatique concocté par les communicants du Ministre. En ce temps, directeur-adjoint du cabinet, je ne suivais pas le dossier de la viticulture, la période était plon-plon dans le South of France. Je découvris donc le scoop dans Libé comme tout le monde. Fis grosse colère. J'ironisai sur le risque de voir la Romanée commercialisée en cubi dans les grandes surfaces japonaises. Je fis aussi remarquer que ce coup de menton, très politique de la canonnière, basé sur rien était du pire effet auprès du gouvernement japonais. On me prit de haut. Puis, face à l'évidence, ce cher Henri me dit, tout sourire « arrange-moi ça... » Ainsi, après une entrevue avec le conseil de Lalou Leroy-Bize, je fis sa connaissance et tout rentra dans l'ordre...

 

Bien d’accord avec Thierry Desseauve, le cycliste qui porte le chapeau de paille :

 

Le domaine Leroy naît en 1988 grâce à l’appui financier du groupe de distribution japonais Takashimaya  qui entre dans le capital de la maison Leroy à hauteur de 33%. L’affaire fit grand bruit à l’époque, le ministre de l’Agriculture Nallet enfourchant le grand air de la défense de l’intérêt national avec ce ton aussi impérieux que ridicule que seuls sont capables de prendre les politiques et les journalistes. Takashimaya est une institution japonaise, un « Galeries Lafayette » en plus luxueux, mais certains n’ont voulu y voir qu’un prédateur inculte. Le représentant en France de Takashimaya, aujourd’hui à la retraite, s’étonne encore des réactions à leur arrivée. Vingt-sept ans plus tard, Takashimaya est toujours là, à la même hauteur, et peu d’actionnaires auront été aussi respectueux du trésor qu’ils auront contribué à bâtir.

 

Oui, discrètement, je fus l’artisan du dégonflage de la baudruche, avec Lalou et sa fille Perrine Fenal (nouvelle co-gérante de la Romanée-Conti  ICI . et, lorsque Lalou acquis, en 1988, le domaine Charles Noellat, je fus convoqué par elle, à venir au petit matin, déguster à la barrique, avec son maître de chais à la moustache en guidon de vélo dont j’ai oublié le nom (Nallet le promut chevalier du Mérite Agricole), ce fut pour moi un grand moment.

 

Par la suite, avec Jean Pinchon, alors président de l’INAO, j’allai déjeuner chez elle, au domaine d’Auvenay, une belle et ancienne ferme sur les hauteurs de Saint-Romain. Je repartis, en remerciement de mes bons et loyaux services de médiateur, avec une caisse de 12 bouteilles Leroy.

 

Bref, je n’irai pas plus avant, il y a dans tout excès de dithyrambe, une part d’ombre, à la fois familiale et nationale, que l’on se garde d’éclairer, notre vieux pays est ainsi fait, et les journalistes, Thierry Desseauve n’en est pas un, comme les hommes politiques, ont l’art et la manière de rendre compte de l’Histoire avec des blancs.

 

 

 

Le réveillon du millénaire chez Pierre Perret avec Alain Decaux, José Artur et Michel Rocard la Romanée-Conti 1900 offerte par Lalou Bize-Leroy…

Le « réveillon du 31 décembre 1999, prolongé jusqu’à pas d’heure de l’année 2000, fut sans aucun doute, le plus original et le plus rare réveillon de ma vie »

 

 

Ce fut lors du réveillon du millénium dans la maison de Pierre Perret à la sortie de Nangis, en Seine-et-Marne, devant laquelle je suis passé si souvent en allant rendre visite à la grand-mère d’Elisa à Villeneuve-les-Bordes.

 

Ce soir-là, raconte Pierre Perret, une épouvantable tempête déracinait un pin qui en tombant libérait une centaine de poulets de leur poulailler. Les trois chiens de la maison, croyant que c’était un nouveau jeu en ont occis une soixantaine en 20 mn.

 

 

Panne d’électricité généralisée, radiateurs glacés, invités grelottants qui réclamaient des pulls, chapons aux truffes en rade faute de four… le changement de millénaire se présentait fort mal. Mais le karma inversa la vapeur, le ying l’emportait sur le yang et le « réveillon du 31 décembre 1999, prolongé jusqu’à pas d’heure de l’année 2000, fut sans aucun doute, le plus original et le plus rare réveillon de ma vie » écrit Pierre Perret.

 

 

Les invités José Artur, Alain et Micheline Decaux, ainsi que « Michel Rocard si heureux et si en verve ce soir-là. »

 

 « De ce réveillon mythique, TOUT, ce soir-là, s’avéra extraordinaire.

 

Alain Decaux avait eu auparavant une alerte de santé, et la perspective de se retrouver en compagnie de tant d’amis avait illuminé ses yeux si rieurs.

 

 

Il avait précisé « Tu demanderas à Pierre si je puis me permettre, pour une fois, d’amener mon vin ? »

 

 

Rébecca, interloquée, lui avait rétorqué en souriant :  

 

- Tu sais bien que tu peux amener ce qu’il te plaît, Alain, mais tu n’as pas oublié tout de même que Pierre a une cave bien pourvue, de ce côté-là. Et que…

 

Alain Decaux lui rétorqua que ce vin-là il ne l’a pas. Avant d’ajouter « si je tiens à partager avec vous c’est qu’elles (ces bouteilles) sont uniques, tout comme l’amitié. Et que la vie est courte. »

 

 

Le Pierrot fait alors une petite erreur sur le maroquin d’Alain Decaux, en lui attribuant la Culture alors qu’il fut Ministre de la Francophonie de Michel Rocard. Donc, à cette période-là, « madame Bize-Leroy elle-même eut la gentillesse de m’offrir trois de ses plus prestigieuses bouteilles de Romanée-Conti 1900. Nous en dégusterons deux ensembles, j’ai réservé la troisième pour notre fils, Jean-Laurent, qui adore le vin. »

 

Grande flambée dans la cheminée, buissons entiers de bougies allumées aux quatre coins de la grande table de la salle à manger « donnaient un petit parfum de XVIIIe siècle ». 

 

Prémices du dîner : « des petits pains grillés sur la braise, abondamment tapissées de foie gras » qui « disparaissaient littéralement sous une épaisse rondelle de truffe fraîche et odorante.

 

Pierre Perret s’interrogeait : « les 2 flacons de Romanée-Conti 1900 – si prestigieux soient-ils (mais cependant centenaires) – auraient bien du mal à s’aligner aux côtés de ces deux prix d’excellence que venaient de remporter nos étonnantes demoiselles Pétrus 1982 qui avaient fait sans peine l’unanimité. »

 

 

L’atmosphère avait baissée d’un ton.

 

 

Le bouchon était en très bon état et le Pierrot, en grand amateur, note que les bouchons des années mythiques de la DRC sont changés tous les 10 ans par le maître de chai.

 

 

Le silence total s’était fait autour de la table, tout le monde admira sa robe pourpre vif pendant que le Pierre carafait la première bouteille dans un beau flacon de cristal puis, « versant trois bons centimètres au fond de mon grand verre ballon, je le fis tournoyer sous mon nez, attentif à la moindre fragrance suspecte. Lui aussi (comme la poularde) exhalait un parfum vanillé et comme truffé à la fois. Tout le monde attendait la sentence. » 

 

 

- Il n’est pas bouchonné, dis-je soulagé. « La finesse de ses arômes égale même son grand panache. » Puis, en dégustant une gorgée que je fis délicatement aller-venir entre mes joues avant de l’avaler, j’ajoutai : 

 

 

« Il a encore du jarret, sans brutalité, et n’a besoin de personne pour vous câliner les muqueuses. Savourez-le bien, les amis, ce vin est tout bonnement unique, ajoutai-je en les servant à tour de rôle. Je n’ai jamais eu de telles saveurs entre les cloisons. » 

 

 

- Oui, renchérit Alain après l’avoir dégusté, j’aimerais bien posséder sa jeunesse jusqu’à mes cent ans. 

 

 

La seconde bouteille, s’avéra encore meilleure que la première, à l’appréciation de tous « Je l’avais carafé tout de suite après la première, elle avait eu le temps de s’oxygéner. Elle dégageait à présent un bouquet plus musqué de champignon et de sous-bois… »

 

 

Pierre Perret en conclusion que s’achève ici le cortège des amis disparus depuis cette mythique soirée de réveillon chez lui à Nangis.

 

 

J’ai gardé pour la bonne bouche ce qu’il écrit sur l’homme qui reposa aujourd’hui sur les hauts de Monticello.

 

 

« Tu étais, Michel, un intarissable bavard sur mille sujets qui ne laissaient jamais personne indifférent. Tu adorais que je t’emmène cueillir les cèpes au bois. Sans être un très grand connaisseur, tu aimais bien le vin… mais tu préférais le whisky ! Je ne répèterai pas ici les généreuses digressions que tu fis ou que tu écrivis, même à propos de certaines de mes chansons, mais elles me touchèrent infiniment. La finesse de tes analyses me fit découvrir l’extrême sensibilité qui t’habitait. »

Lalou Bize-Leroy, le 31 juillet.

Lalou Bize-Leroy, un trésor national vivant ICI

 

par  Thierry Desseauve

 

28 avril 2021

 

Elle a suivi au plus près soixante vendanges en Bourgogne. Elle a acheté, récolté, vinifié, élevé bon nombre des plus sublimes chefs d’œuvre qu’a produit la Bourgogne depuis 1955. Vigneronne éprise de son terroir, Lalou Bize-Leroy a fait de son nom l’une des signatures les plus recherchées – et les plus chères – du monde du vin. Avec des convictions chevillées au corps et un enthousiasme inentamé, elle s’est confiée longuement à Thierry Desseauve pour EN MAGNUM.

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commentaires

P
Caisse panachée d'Auvenay (Domaine) 3 Bourgogne aligoté 2014 - 3 Auxey Duresses La Macabrée 2007 - 3 Meursault Les Narvaux 2011 - 3 Puligny Montrachet En La Richarde 2009 : 42100€
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P
Ils n'ont pas de Vieux Papes ? Qu'ils boivent de la Romanée-Conti !
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