Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
4 juillet 2022 1 04 /07 /juillet /2022 06:00

Palmer 1961, l'aristocrate médocain Anthocyanes - Yohan Castaing

Je ne sais si JPK lis encore mes pauvres chroniques, où le vin tient si peu de place, mais ce que je sais c’est que je le lis avec toujours le même plaisir, même si je suis devenu un buveur de vin nu.

 

Le sieur Thomas Duroux me poste toujours L’œil de Palmer et, dans le dernier numéro, JPK nous livre sa flamme pour le Palmer 1961.

 

 

Elle explique pourquoi, avec talent et érudition, je n’ai jamais été ni un amateur, ni un dégustateur de vin…

 

Jack Palmer, à la demande des hauts propriétaires des beaux châteaux de  Margaux, fut chargé d'enquêter sur le suc de la terre du château Palmer… -  Le blog de JACQUES BERTHOMEAU

 

Une remarque de lecteur, la mise en page sur les photos d’Olivier Metzger rend la lecture pénible, à trop vouloir s’imposer on indispose.

 

 

« Les millésimes de légende tels que le Palmer 1961 portent la marque d’un malentendu qui en constitue toute la singularité et le mystère. Face à ces vins exceptionnels, on se heurte comme aux murs d’une forteresse. À force d’avoir été commentés et sur-interprétés pour tenter d’en percer le secret, ils ont fini par acquérir une opacité qui en fait des citadelles imprenables. Sans doute peut-on s’en approcher, rôder autour, les investir même, mais il est illusoire de pénétrer au cœur de la place forte. Ces années fabuleuses contiennent un sens qu’il ne cessera de nous échapper. Pour se consoler, on peut toujours affirmer que c’est notre manière de les approcher qui importe. Que la quête compte plus que la conquête, etc. Il n’empêche, cette incapacité à parvenir au point le plus intime du sanctuaire a quelque chose de frustrant.

 

Venons-en au Palmer 1961.

 

Apparemment, il ne saurait y  avoir un  désaccord ou une méprise sur un tel millésime. Tous s’accordent à dire qu’il est extraordinaire. Personnellement, je n’ai jamais dégusté un pareil vin. C’est une  des deux ou trois plus grandes émotions de ma vie d’amateur. On vante sa concentration, son opulence en même temps que sa délicatesse. Cette aptitude à jouer sur des notions contradictoires est l’indice même d’un millésime d’exception. On ne peut n’est-ce pas, tout avoir, la puissance  avec en plus l’élégance. Palmer le peut et résout magistralement ce duel des contraires, conjuguant ce moelleux si caressant et soyeux avec une énergie enthousiasmante. Il y a quelque chose de confondant dans la fraîcheur en bouche qui subsiste encore soixante ans plus tard. On peut certes insister aussi sur le milieu de bouche qui signe les millésimes mythiques : ce moment crucial dans la dégustation, véritable saut dans l’inconnu, l’instant où tout bascule et relance les sensations comme un nouveau commencement.

 

On peut multiplier les superlatifs. Oui, ce Palmer contient tout cela et même plus. C’est précisément la pièce manquante, cet élément intraduisible et irréductible du vin, ce je-ne-sais-quoi dont parle Jankélévitch1, le point que la raison ne peut exprimer. Ce centre silencieux et inentamable est évidemment le plu délectable, le plus voluptueux, mais il est insaisissable.

 

Quand on parcourt le jugement que Robert Parker porte sur le Palmer 1961, on le sent vraiment impressionné, il est laudatif à l’extrême. En même temps, on perçoit une gêne, comme s’il était entravé par les mots. Je crois qu’il a pleinement conscience du malentendu qui est en jeu. Insistons sur la notion de malentendu, inhérente à la dégustation. Sans doute constitue-t-elle un tour de passe-passe, mais cet artifice est nécessaire. Il se révèle même productif car le malentendu dévoile souvent une vérité qu’on veut cacher. Parker lance des mots, il voudrait transmettre les raisons de son enthousiasme, il n’y arrive pas. Il l’avoue à demi quand il écrit : « Bouquet difficile à traduire avec des mots ». Il sait bien que cette difficulté ne concerne pas seulement ce bouquet mais tout le reste,  ce même plus indicible et incommunicable. Rendons grâce au moins à ce remarquable dégustateur d’avoir compris que les grands vins possèdent ce pouvoir de ne pas se laisser enfermer dans un compte-rendu prétendument objectif.

 

Pour se tirer d’embarras, on pourrait invoquer le principe ultime et illimité, l’infini, en fait l’aveu de notre impuissance et de notre ignorance. Ce qui est achevé, total et qui contient en lui-même sa raison d’être relève sans doute d’une forme d’absolu, mais appartient-il au domaine  de l’infini ? Toute entreprise humaine est finie, limitée dans l’espace et dans le temsp. Elle est considérée comme accomplie, conduite à son terme. Il lui a été mis un point final. Affirmer que le caractère extraordinaire d’un vin pourrait se concevoir à la lumière de l’infini me paraît déraisonnable. Einstein déclarait que deux choses sont infinies : l’Univers et la bêtise humaine.

 

Personnellement, je trouve rassurant que, dans le souci d’une perfection à atteindre, le vin appartient à l’univers fini. À l’image de ce que nous sommes, un millésime fut-il le plus n’est-il pas soumis à une limitation ? Le fait que, parmi tant d’autres, une année parvienne à se hisser miraculeusement au sommet en assigne les bornes en même temps qu’elle nous permet d’en tracer le contour. Par nature le sommet est un point qui ne saurait être dépassé.

 

Certes les grands millésimes ne meurent jamais, ils sont assurés d’une permanence et d’une pérennité qui restent gravées dans notre mémoire, mais regardons les choses en face : la finalité concrète d’un vin est de disparaître. Une fois la dégustation terminée, il ne reste rien au-delà de cette « apparition disparaissante », pour reprendre l’expression qu’emploie Jankélévitch dans son livre sur Claude Debussy2. Mais ce rien est tout puisque la vie du souvenir commence. Le vin n’est plus, mais l’émotion que nous avons ressentie et engrammée au moment de la dégustation ne va cesser de nous poursuivre, d’où cette quête éperdue de l’amateur qui veut retrouver dans les autres vins qu’il goûte cette sensation unique. La vie d’un amateur n’est rien d’autre qu’une chasse au souvenir, une tentative de ressusciter quelques millésimes de légende tels que le Palmer 1961. En fit, une histoire de reconnaissance, retrouver dans le présent l’émotion éprouvée dans le passé, équivalente et aussi puissante. Cette poursuite souvent vaine assure à ces vins une forme d’imprescriptibilité que rien ne pourra détruire en même temps qu’une affirmation de leur limite humaine. »

 

  1. Le Je-ne-sais-quoi et le Presque-rien  de Vladimir Jankélévitch 3 tomes Points Essais 1980-81
  2. Debussy et le mystère de l’instant Vladimir Jankélévitch Plon 2019

 

Partager cet article
Repost0

commentaires

B
jpk<br /> <br /> 12:32 <br /> <br /> <br /> Cher Jacques Berthomeau,<br /> <br /> Ne vous mésestimez pas. Je vous lis chaque jour avec plaisir. Continuez à ferrailler pour notre délectation.<br /> <br /> Sincèrement à vous,<br /> <br /> JPK
Répondre
P
Plaisir partagé que de lire JPK , ses livres comme les revues qu’un temps il anima – l’Amateur de Bordeaux – L’Amateur de cigare. Il a toujours une approche bien à lui et une curiosité qu’il sait faire partager. Ainsi qui aurait l’idée de « Remonter la Marne » avec lui, ce fut un dépaysement total et une façon de voyager réellement hors des sentiers battus comme cette façon de nous faire visiter Venise de porte d’église en porte d’église dans « Venise à double tour »<br /> Jean Paul Kaufman a, à l’évidence fréquenté, le gourou Parker. Je ne l’ai jamais rencontré mais ce phénomène de foire m’a intrigué et, j’ai gratté autant que faire se peut autour pour déceler « le truc » qui fait le bonhomme. Parker avait un talent incontestable de dégustateur. Comme tout bon américain qui sent le filon, il l’amis au service de sa gloire personnelle et de sa réussite matérielle. <br /> Je ne crois pas qu’il fut « impressionné » lors de sa dégustation du Palmer 1961. Je pense plutôt qu’il fut « désarçonné » ce bordeaux n’entrant dans aucune des cases habituelles de l’outil de dégustation qu’il s’était bâti.<br /> Il avait mis au point un système de note qui fit flores plus particulièrement aux Etats Unis.<br /> Les bordelais voyant s’ouvrir et surtout s’élargir un énorme marché à l’export se mirent à cajoler l’ami Parker afin d’obtenir la meilleur des notes possibles et surtout à suivre ses conseils pour arriver au niveau des premiers de la classe. Et c’est ainsi que bordeaux but la tasse. Tous les vins finirent par se ressembler et quand le gourou/bateleur Parker s’est retiré, les vignerons se sont retrouvés Gros – Jean comme devant. et ce n’est pas en bâtissant des chais ultra moderne, à la mode, à la mode…à la mode de chez nous, qu’ils vont retrouver ce qui faisait le charme de leurs vins . Qu’on me pardonne la formule : « On n’est pas prêt à revoir un Palmer 1961 »<br /> <br /> P.S. La mouche du coche souscrit pleinement à la remarque du lecteur reprise par un pourtant<br /> tolérant Taulier quand à la difficulté de lire, pour moi doté ,d’une paresse crasse, carrément de lire ce type de revue. Cela fait des années qu’on trouve se défaut dans les « meilleures » revues d’architectures d’Europe. Voilà ce que cela donne quand on réunit le meilleur photographe, le meilleur metteur en page, le meilleur typographe, le meilleur coloriste et le meilleur imprimeur : des revues justes bonnes à être placées sur la table basse du salon pour reprendre une formule anglaise dont j’ai perdu la V.O.<br /> Normal ! Souvenez vous quand écoliers désoeuvrés vous mélangiez les teintes de vos tubes de gouache en fin d’une interminable jeudi ( mercredi) après midi on obtenait un gris sale dont on ne pouvait même pas se vanter.
Répondre

  • : Le blog de JACQUES BERTHOMEAU
  • : Espace d'échanges sur le monde de la vigne et du vin
  • Contact

www.berthomeau.com

 

Vin & Co ...  en bonne compagnie et en toute Liberté pour l'extension du domaine du vin ... 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



 

 

 

 

Articles Récents