C’est la saison du melon mais même si je peux comprendre qu’elle ait d’autres chats à fouetter chez Fayard : « Tout juste nommée patronne de Fayard, le 13 juin, Isabelle Saporta, 46 ans, doit faire face au départ fracassant de plusieurs de ses auteurs stars, qui l’accusent ni plus ni moins d’avoir sacrifié l’indépendance de la maison, propriété du groupe Hachette, au profit d’une allégeance… à l’ancien président de la République Nicolas Sarkozy. »
Un de mes anciens collègues, le préfet Belorgey, Gérard le frère de Jean-Michel l’inventeur du RMI, a terminé sa carrière comme directeur général au Syndicat national de l'édition, alors que j’avais des velléités de me faire éditer, me confia : « Ce milieu est pire que celui de la politique ! »
Donc, cette chère Isabelle qui a mis notre Hubert, de Boüard bien sûr, plus bas que terre, pour qui je suis monté à la barre de la XVIIe chambre pour renvoyer le descendant d’Aliénor d’Aquitaine, avec son petit sécateur et sa valise à roulettes, à ses mondanités de Grand Jurat, ne me répond plus : 2 SMS, un de félicitations et l’autre pour lui demander un service de presse pour Mai 1969 Jean-Philippe Leclaire 2022 20 euros.
J’en suis fort blessé…
Isabelle Saporta, à l’Hôtel du Nord, à Paris, en 2019.
Isabelle Saporta, la clivante nouvelle patronne de Fayard ICI
Par Grégoire Biseau
Publié le 22 juillet 2022
RENCONTRE
La journaliste est, depuis début juin, à la tête de la maison d’édition, dont Vincent Bolloré prend progressivement le contrôle. Une nomination qui a entraîné le départ fracassant de plusieurs auteurs stars.
Ce lundi 4 juillet, à la terrasse du Select, une brasserie du boulevard Montparnasse, elle prend à peine le temps de s’asseoir et vous plante ses deux yeux marron, hostiles, façon mitraillettes. Isabelle Saporta a très bien compris ce qu’on est venu chercher : une patronne au cœur d’une tempête dont seul le petit milieu de l’édition et des médias a le secret. On n’a pas besoin de démarrer la conversation, elle est déjà en surrégime. « C’est “Koh-Lanta”. Je savais que ce ne serait pas simple, mais je n’avais pas anticipé que ce serait aussi compliqué… »
Tout juste nommée patronne de Fayard, le 13 juin, Isabelle Saporta, 46 ans, doit faire face au départ fracassant de plusieurs de ses auteurs stars, qui l’accusent ni plus ni moins d’avoir sacrifié l’indépendance de la maison, propriété du groupe Hachette, au profit d’une allégeance… à l’ancien président de la République Nicolas Sarkozy. Le tout alors que le milliardaire Vincent Bolloré, aidé de son ami Sarkozy, est en train de redessiner, à l’issue de l’OPA de Vivendi sur Lagardère, le paysage de l’édition française en fusionnant les deux grands groupes rivaux : Hachette (Grasset, Stock, Fayard…) et Editis (Julliard, Belfond, Plon, La Découverte…).
Là où le feuilleton ne manque pas de sel, c’est qu’Isabelle Saporta n’avait jusqu’à présent jamais émargé sur la liste des sarkozistes déclarés. Ecolo sincère pour les uns, poujadiste de gauche pour les autres, Saporta, compagne de Yannick Jadot à la ville, s’est fait connaître par ses livres d’enquête sur l’environnement, ses coups de gueule sur les plateaux télé et par une brève incursion en politique, lors des dernières élections municipales à Paris, où elle a fait campagne, d’abord avec Gaspard Gantzer, puis aux côtés de Cédric Villani, avant de les planter tous les deux.
La source Jérôme Lavrilleux
Pour comprendre pourquoi, ce lundi 4 juillet, les yeux d’Isabelle Saporta lancent des flammes, il faut remonter une grosse année en arrière. Au 17 mars 2021, exactement. Ce jour-là, Le Canard enchaîné publie un papier qui va rendre fou de rage Nicolas Sarkozy. Selon l’hebdomadaire satirique, Fayard a rémunéré Jérôme Lavrilleux, l’ancien directeur adjoint de sa campagne présidentielle de 2012 et son principal accusateur dans l’affaire Bygmalion, pour avoir collaboré de façon secrète au livre La Haine, de Gérard Davet et Fabrice Lhomme, journalistes au Monde. Cette révélation suscite un vrai malaise chez Isabelle Saporta, nommée un an auparavant directrice littéraire par son amie Sophie de Closets, PDG de la maison.
Dix ans plus tôt, cette dernière avait été son éditrice pour Le Livre noir de l’agriculture. Comment on assassine nos paysans, notre santé, l’environnement. Un carton vendu à 100 000 exemplaires, qui a scellé leur amitié. Mais cette histoire de contrat de Jérôme Lavrilleux (dont les détails seront révélés plus tard par Libération) va casser cette complicité. Pour Saporta, la PDG de Fayard a commis une lourde faute : dans une enquête journalistique, on ne rémunère pas une source. Question de principe.
Et elle n’est pas du tout convaincue par la défense de Sophie de Closets (qui n’a pas souhaité répondre à nos questions), pour qui Lavrilleux a juste été dédommagé pour un livre qui n’a pas pu se faire. « On n’a jamais lu ce contrat, puisqu’il impliquait deux parties privées pour un projet distinct de notre travail, assurent de leur côté Fabrice Lhomme et Gérard Davet. Evidemment, il n’a jamais été question pour nous de rémunérer ou d’associer à notre enquête une quelconque source ou un témoin. »
La menace de Nicolas Sarkozy
Quelques jours après la publication du Canard enchaîné, Nicolas Sarkozy, par ailleurs administrateur de Lagardère (maison mère de Fayard), prend son téléphone et menace, à mots à peine couverts, Sophie de Closets, qui enregistre la conversation. A l’époque, personne n’en sait rien. Enfin, jusqu’à ce 22 mars 2022, où Le Monde dévoile le coup de sang de l’ancien chef d’Etat à l’endroit de Sophie de Closets. Deux jours plus tard, elle quitte Fayard et laisse la maison d’édition en état de sidération. Sans que personne ne sache quelle est la responsabilité directe de Sarkozy dans ce départ volontaire.
Seule certitude, cela faisait plusieurs mois que Sophie de Closets négociait son transfert chez Flammarion. En tout cas, Isabelle Saporta affirme que c’est à ce moment-là que lui vient l’idée de candidater. Elle dit qu’elle se sent investie d’une mission : ne pas laisser croire que Fayard est désormais sous la coupe du couple Sarkozy-Bolloré. Elle dit avoir sollicité Fabrice Bakhouche, le directeur général délégué de Hachette (qui a refusé de répondre à nos questions), qui l’encourage à présenter un projet. Jusque-là, tout va bien.
« Et puis, je n’ai plus eu de nouvelles. On me fait comprendre que pour faire avancer ma candidature, ce serait bien que je voie Nicolas Sarkozy. » Elle s’exécute sans y voir malice : à la suite d’une interview à Livres Hebdo, le 31 mai, dans laquelle l’ancien dirigeant revient notamment sur la passe d’armes avec Sophie de Closets, Isabelle Saporta envoie un SMS à Sarkozy pour lui demander un entretien. Immédiatement, l’ex-chef de l’Etat s’en vante auprès de journalistes.
Le film s’emballe
La rencontre dure cinquante minutes. « Je réalise très vite que je ne suis pas sa candidate », relate Saporta. Mais, quelques jours plus tard, à la surprise générale, elle incluse, ce qui coinçait ne coince plus : Fayard officialise sa nomination. Et, là, en vingt-quatre heures chrono, le film s’emballe.
« Je regrette ces départs, mais c’est la vie de l’édition. Ce que je ne comprends pas, c’est le cinéma politique qu’ils font avec tout ça. Moi, je serais devenue le valet de Sarkozy ? Mais ça fait marrer tout le monde » Isabelle Saporta
Le 13 juin, dans un article du Monde qui annonce sa promotion, Saporta croit bon de préciser : « Dans cette affaire [du contrat de Jérôme Lavrilleux], c’est Nicolas Sarkozy la victime. Ce n’est pas parce qu’on enquête sur lui qu’on peut l’enregistrer à son insu et rémunérer une source pour faire une enquête à charge contre lui. » Quasiment dans la foulée, neuf auteurs, parmi lesquels Jacques Attali, Fabrice Lhomme et Gérard Davet, Barbara Cassin et Alain Badiou, et surtout l’écrivaine à succès Virginie Grimaldi (870 000 exemplaires vendus en 2021), le tiroir-caisse de Fayard, annoncent leur départ. La plupart assurent que leur liberté éditoriale est désormais en péril. Tous sont en partance pour Flammarion, la filiale du groupe Madrigall, dont Sophie de Closets vient tout juste d’être nommée PDG.
Mais quelle mouche a piqué Isabelle Saporta ? Pourquoi cette déclaration publique ? Est-ce une contrepartie à sa nomination ? « Je regrette ces départs, mais c’est la vie de l’édition. Ce que je ne comprends pas, c’est le cinéma politique qu’ils font avec tout ça. Moi, je serais devenue le valet de Sarkozy ? Mais ça fait marrer tout le monde », s’insurge-t-elle.
Tristesse et colère chez Fayard
N’empêche, le mal est fait. Et il est profond. Les collaborateurs de Fayard à qui on a pu parler, sous couvert d’anonymat, hésitent entre tristesse et colère envers leur nouvelle patronne, qui n’a pas mis vingt-quatre heures pour fragiliser leur maison. Saporta n’est pas du genre à faire amende honorable : « C’est peut-être un problème, mais j’ai toujours dit ce que je pense. Et je ne vais pas changer. »
Même ses pires ennemis le lui accordent. Saporta a une nature, disons, volcanique, y compris avec ses propres collaborateurs. « Elle peut monter très haut dans les tours, mais ça redescend aussi vite », confirme Gaspard Gantzer, resté en bons termes avec elle. Parmi les trois récentes démissions de salariés de Fayard, au moins une est directement liée à son comportement. « Mais, depuis qu’elle a été nommée PDG, elle fait attention. Elle essaie de se contrôler », défend un collaborateur de Fayard.
L’économiste de gauche Thomas Porcher travaille avec elle depuis cinq ans : « Bien sûr qu’elle est sans filtre et que ça peut déplaire. Mais pour moi, le plus important, c’est qu’elle est honnête. » Politiste, experte à la Fondation Jean Jaurès, Chloé Morin est également fan. « Mais c’est vrai que parfois il vaudrait mieux qu’elle sache louvoyer. » Saporta a aussi été l’éditrice de Cyril Hanouna – présentateur star de C8 et protégé de Vincent Bolloré – dont le livre Ce que m’ont dit les Français a été interprété, y compris en interne, comme un geste en direction du milliardaire breton.
Quand on lui rappelle que l’ouvrage a été un demi-échec, elle répond, tout en mauvaise foi : « Six mille exemplaires vendus pour un livre de sociologie des médias, c’est une excellente vente. » Pour conclure l’entretien, on tente une diversion, aussi superficielle que légère : où aime-t-elle passer ses vacances ? « Dans le Finistère Nord, c’est rugueux et authentique, comme moi », lâche-t-elle sans desserrer les dents. Une semaine plus tard, on reçoit ce drôle de SMS : « Quand vous aurez fini de me massacrer, il faudra qu’on déjeune. Bien à vous. »