Le John Wayne noir de John Ford
Le Sergent noir
Le Sergent noir
Réactionnaire, John Ford ?
C’est en partie pour donner tort à ses détracteurs (et s’accorder au contexte de l’époque ?) que le cinéaste accepte, en pleine bataille pour les droits civiques des Afro-Américains, de s’emparer de ce scénario : l’histoire du sergent Rutledge, valeureux soldat noir de la cavalerie américaine accusé à tort du viol et du meurtre d’une jeune femme blanche.
En bon humaniste, Ford ne fait pas les choses à moitié. Théâtral, expressionniste, il exalte la dignité et la droiture morale de Rutledge, ce « John Wayne noir », selon les mots de son interprète (Woody Strode), dézinguant au passage, et souvent avec humour, l’hypocrisie et les préjugés raciaux de la société. Alternant habilement le huis clos du procès et les flash-back sur les faits, ce western de prétoire livre quelques morceaux de bravoure, telles la fameuse contre-plongée sur l’accusé, jusque-là marmoréen, criant soudain sa terreur de retourner à son ancienne condition de « nègre », ou les images époustouflantes des paysages de l’Arizona. Le sculptural Woody Strode, compagnon de route de John Ford, incarne magnifiquement cet homme brisé par l’esclavage à qui l’armée a offert une voie vers l’émancipation et l’estime de soi, fût-ce au détriment d’une autre minorité ethnique : les Indiens.
Aujourd’hui c’est « L’homme tranquille» 1952
Pourquoi ce film ?
Par ce qu’on ne quitte pas aussi facilement des « géants » comme Ford et Wayne et pour vous présenter une actrice formidable dont Ciné papy ne vous a jamais encore parlé et, j’en suis sûr qu’on est pas près de l’oublier.
Quelle est l’histoire ?
À la suite de la mort de son adversaire au cours d'un combat, le boxeur Sean Thornton décide d'abandonner sa carrière en Amérique et de regagner son Irlande natale pour s'y installer et couler des jours paisibles. Il s'attire pourtant rapidement l'animosité de Will « Red » Danaher, en rachetant le cottage que ce dernier convoitait. Les rapports amoureux que vont nouer Sean et Mary Kate, la sœur de Will, ne vont rien arranger.
Réalisation
John Ford
John Ford est l'un des réalisateurs américains les plus importants de la période classique de Hollywood (de la fin des années 1920 à la fin des années 1960). De tous les grands cinéastes américains, il est celui dont l'influence est la plus considérable. Sa carrière embrasse celle des studios puisqu'il arrive à Hollywood au moment où les grands majors se mettent en place et réalise son dernier film alors que ces majors commencent à être dirigées par des financiers. Ford est admiré et respecté par les grands patrons de Hollywood dont il est souvent l'ami : il tourne vite et respecte les budgets.
John Ford est l'un des réalisateurs effectuant le moins de prises par plan, ce qui lui permet de garder la mainmise sur le montage des films. Le réalisateur Fred Zinnemann dira ainsi : « Nous devons à John Ford le droit accordé au metteur en scène de superviser le montage ». Ford a mis sa notoriété au service du syndicat des metteurs en scène américains, dont il est l'un des dirigeants les plus actifs. De plus, il fait preuve d'une fidélité remarquable tout au long de sa carrière envers sa « famille » d'acteurs (notamment John Wayne), de techniciens et de scénaristes, dont beaucoup sont originaires d'Irlande.
Dans la notice de Wikipédia relative à « L’homme tranquille » on peut lire : « Le premier tour de manivelle s’effectue le 6 juin 1951. Le réalisateur s’entoure alors d’une véritable « famille Fordienne » composée de parents, collaborateurs, anciens et nouveaux amis, dont beaucoup sont des Irlandais de pure souche.
Tout ce petit monde émigre en Irlande, pour un tournage en extérieurs de six semaines, dans le comté de Mayo avec pour quartier général le château d'Ashford et tourne dans le village de Cong et de ses environs.
Le propre frère de Ford, Francis Ford vedette du muet, fait partie de la distribution dans le rôle de Dan Tobin, le truculent ancêtre du village. Les autres comédiens ne sont pas en reste, ainsi John Wayne emmène avec lui ses quatre enfants qui feront des apparitions dans le film, deux des frères de Maureen O’Hara font partie de la distribution, Andrew McLaglen, futur réalisateur et fils de Victor McLaglen, est l’assistant réalisateur de Ford, Arthur Shields le frère de Barry Fitzgerald est le révérend Cyril Playfair.
Dans ce petit village d’Inisfree idéalisé, que les troubles qui agitent l’Irlande ne semblent pas atteindre, et avec tous ces portraits de personnages pittoresques, Ford va créer un petit monde truculent avec une atmosphère onirique et haute en couleur, témoignant d’une connivence et d’une joie de vivre communicatives où les traditions, les coutumes, les conventions y ont une importance capitale.
Ford persuadera également Yates à recourir aux caméras Technicolor au lieu du Trucolor, procédé plus économique que la Republic Pictures utilisait avec des « couleurs maison » aux teintes ocre et brunes voir « Johnny Guitare » 1954. Et les couleurs seront sublimées, malgré le crachin irlandais qui persiste pendant le tournage et donnera au film une couleur toute particulière. Ernest Day, assistant opérateur, se souvient « Quand il ne faisait pas beau, on attendait… Dès qu’il y avait une éclaircie, on tournait. »
Le film se déroulera dans cette ambiance familiale et chaleureuse. Ford va résumer en un seul film tout son univers et toute sa vision du monde.
Qui fait quoi ?
John Wayne: Sean Thornton
Que dire de ce monument surnommé « the Duke » et qui déclarait : « J'ai joué John Wayne dans tous mes films et ça m'a plutôt pas mal réussi »
Mais sa carrière ne fût pas un long fleuve tranquille.
À l'été 1937, John Ford invite Wayne à bord de son bateau, l'Araner, et lui donne à lire un scénario de Dudley Nichols, La Chevauchée fantastique, pour avoir son avis quant à l'acteur qui pourrait endosser le premier rôle. Vexé, il propose néanmoins Lloyd Nolan. Ce n'est que le lendemain que Ford lui demande : « Idiot, tu penses que tu ne pourrais pas jouer le rôle ? » Mais les producteurs envisagent plutôt des vedettes confirmées : Gary Cooper et Marlène Dietrich. Le réalisateur réussit finalement à imposer Wayne et Claire Trevor, ainsi que d'autres acteurs expérimentés, tels que Thomas Mitchell et George Bancroft.
Le film est tourné d'octobre à décembre 1938, avec un budget modeste27. Quelques scènes sont filmées à Monument Valley, le reste en Californie. Yakima Canutt double John Wayne, notamment lors de la grande attaque de la diligence. Ce dernier est tout au long du tournage tyrannisé par le réalisateur, Ford le reprenant sans cesse sur sa façon de marcher, de jouer, de parler « Je l'aurais tué. Il me mettait en rage. Mais Ford savait ce qu'il faisait. Il savait que j'avais honte d'être un cow-boy de westerns de séries B et de me retrouver là, en compagnie de ces grandes vedettes. »
Ford offre à son acteur vedette « l'une des plus belles entrées de star de l'histoire du cinéma » avec son fameux mouvement de caméra laissant apparaître Ringo Kid, une selle dans une main, un fusil dans l'autre.
« La Chevauchée fantastique » 1939.est un succès31 et reçoit sept nominations aux Oscar du cinéma. Les conséquences sont nombreuses : le western comme genre de cinéma est réhabilité (le critique Frank S. Nugent écrit : « Dans un grand geste superbe, John Ford a balayé dix ans d'artifice et de compromis et a réalisé un film qui fait chanter la caméra » et John Wayne sort enfin de l'impasse dans laquelle il se trouvait depuis le début des années 1930.
C’est tout Ford c’est tout Wayne dont Maureen O’Hara dira : « « John Ford a demandé à John Wayne et à moi d’accepter une réduction de salaire. Nous avons accepté parce que nous attendions depuis longtemps et que nous avions tellement envie de faire le film. John Wayne accepta cent mille dollars (renonçant aussi à son habituel pourcentage sur les bénéfices) et j’ai touché soixante-cinq mille »
Maureen O’Hara: Mary Kate Danaher
C’est avec un film auquel personne ne croit qu’elle va connaître un de ses plus grands succès populaires. « Le Miracle de la 34e rue »1947, comédie sentimentale qui raconte avec une gentillesse et un optimisme à la Capra l’histoire d’un vieil homme (Edmund Gwenn) qui prétend être le Père Noël. Succès retentissant, le film recevra 3 oscars et sera l’un des plus programmés de la télévision américaine à l’occasion des fêtes de Noël.
Après une décennie variée et marquée par de grands réalisateurs comme Henry Hathaway, Henry King, John M. Stahl, Jean Renoir, William Wellman, Frank Borzage, Nicholas Ray... Maureen O’Hara va aborder les années 1950 avec son réalisateur fétiche John Ford. Il va lui offrir avec les personnages de Kathleen, Mary Kate, Mary et Min ses plus beaux rôles qui donneront au réalisateur une brillante période de maturité dans ses portraits féminins.
L'héroïne fordienne
Depuis l’expérience heureuse de « Qu'elle était verte ma vallée » 1941, l’équipe du film se retrouve chaque année autour de John Ford. Un lien fort presque familial continuait à unir les interprètes du film et Maureen a même prénommé sa fille, Bronwyn, comme celui du rôle que tenait Anna Lee dans le film.
De son côté, John Ford a toujours dans l’idée de retravailler avec son Angharad de Qu'elle était verte ma vallée. Un projet lui tient d’ailleurs particulièrement à cœur.
Barry Fitzgerald: Michaleen O'Flynn
Irlandais, Fitzgerald arrive à Hollywood pour participer à une autre œuvre de O'Casey, Révolte à Dublin réalisée par John Ford. Il fait ensuite carrière, jouant dans des films tels que Les Hommes de la mer, Qu'elle était verte ma vallée, Dix Petits Indiens et L'Homme tranquille.
Il est le seul acteur à ce jour à avoir été nommé à la fois pour l'Oscar du meilleur acteur et du meilleur acteur dans un second rôle pour le même rôle, dans le film de 1944, La Route semée d'étoiles (Going My Way). Il a remporté l'Oscar du meilleur acteur dans un second rôle.
Deux étoiles à son nom se trouvent sur le Walk of Fame d'Hollywood, l'une pour la télévision, l'autre pour le cinéma.
Ward Bond: le père Peter Lonergan
Ward Bond fait ses débuts à l'écran en 1929 dans « Salute »de John Ford, avant de jouer plus de deux cents fois par la suite. Il interprète des personnages stéréotypés, comme le policier amical ou la brute de service.
Il a eu une longue relation de travail avec les réalisateurs John Ford et Frank Capra, jouant dans « La Prisonnière du désert » 1956, « Sur la piste des Mohawks » 1939, et « Le Massacre de Fort Apache » 1948 pour John Ford (avec qui il a tourné en tout vingt-cinq films), et « New York-Miami » 1934 et « La vie est belle » 1946 pour Frank Capra. Parmi les autres films connus de sa carrière se trouvent « L'Impossible Monsieur Bébé » 1938, « Autant en emporte le vent » 1939, « Le Faucon maltais » 1941, « Sergent York » 1941, « Les Sacrifiés » 1945 « Jeanne d'Arc » 1948, dans lequel il tient le rôle atypique pour lui du Capitaine La Hire, et « Rio Bravo » 1959. « Grande Caravane », de 1957 à sa mort.
Ward Bond apparaît aussi dans onze films nommés pour l'Oscar du meilleur film, un record
Victor McLaglen: Will "Red" Danaher
La carrière cinématographique de Victor McLaglen commence réellement lorsqu'il rejoint Hollywood en 1920. Il s'impose progressivement auprès des studios et du public en incarnant les bons géants et les alcooliques. Sa rencontre avec John Ford est un tournant. En 1928, Ford lui confie le rôle principal de « Hangman's House » et surtout, en 1934, son premier grand rôle parlant dans « La Patrouille perdue ». Enfin, l'année suivante avec « Le Mouchard, » il remporte l'oscar du meilleur acteur. Victor McLaglen qui vient d'avoir 50 ans devient alors un acteur en vue à Hollywood. Il est sollicité pour de nombreux films d'aventures, des mélodrames ou encore des films de guerre qui lui permettent d'incarner dans des seconds rôles une grande variété de personnages. Mais petit à petit au cours des années 1940, Victor McLaglen se voit proposer des films de plus en plus médiocres.
Alors que sa carrière décline, Ford fait appel à lui pour de magnifiques seconds rôles dans son cycle de la cavalerie : « Le Massacre de Fort Apache » 1948, « La Charge héroïque » 1949 et « Rio Grande » 1950. En 1952, dans « L'Homme tranquille », il incarne son dernier grand rôle et décroche une nouvelle nomination aux Oscars, cette fois dans la catégorie du meilleur second rôle. Ses prestations dans les films de Ford le remettent en selle. Cependant, malade, il doit réduire ses apparitions puis mettre un terme à sa carrière en 1958.
Francis Ford : Dan Tobin
Frère aîné (de douze ans) du réalisateur John Ford, Francis Ford s'engage en 1898 dans l'armée pour combattre pendant la guerre hispano-américaine, mais il est renvoyé lorsque les autorités découvrent qu’il n'a que dix-sept.
Il interprète à plusieurs reprises le rôle du président Lincoln
Il signe un contrat avec la Compagnie Universal en 1913 et, en 1914, il engage son frère Jack (le futur John Ford) qui devient accessoiriste, acteur, assistant ou encore cascadeur sur la plupart de ses films, avant d'être à son tour réalisateur à partir de 1917.
Sa filmographie compte près de 200 films comme réalisateur et près de 500 films comme acteur. Quels phénomènes ces ricains
Arthur Shields : Révérend Cyril Playfair
Au cinéma, après deux films muets en 1918, il participe à des films américains (étant désormais installé aux États-Unis) entre 1932 et 1962, interprétant souvent des rôles de prêtre ou de pasteur. Ainsi, l’un de ses rôles les mieux connus est, en 1952, celui du Révérend Cyril Playfair dans L'Homme tranquille, où il retrouve son frère, ainsi que le réalisateur John Ford, avec lequel il avait déjà tourné plusieurs fois précédemment.
Sean McClory: Owen Glynn
Irlandais de naissance, Il apparaît au cinéma dans quarante-quatre films, majoritairement américains (dont des westerns), à partir de cette même année 1947.
Il contribue notamment à quatre films de John Ford, dont « Les Cheyennes » 1964, avec Richard Widmark et Carroll Baker. Parmi ses autres films notables, mentionnons « Des monstres attaquent la ville » 1953 de Gordon Douglas, avec James Whitmore et Edmund Gwenn, « Les Contrebandiers de Moonfleet » de Fritz Lang 1955, avec Stewart Granger et George Sanders, ou encore « Bandolero ! » 1968 d'Andrew V. McLaglen, avec James Stewart, Dean Martin et Raquel Welch. Son dernier film (irlando-britannique) est « Gens de Dublin » 1987, ultime réalisation de John Huston, avec Anjelica Huston
Jack MacGowran : Feeney
Membre de la troupe Dublin's Abbey Players, il était connu pour ses interprétations des œuvres de Samuel Beckett.
Il joua le rôle majeur du « professeur Abronsius », le chasseur de vampires, dans le film parodique « Le Bal des vampires » 1967 de Roman Polanski
Mae Marsh : La mère du père Paul
C’est une actrice américaine dont la carrière couvre cinquante années d'histoire du cinéma. Elle débute sous la direction de David Wark Griffith dont elle deviendra une actrice fétiche dans les années 1910. Après quelques errements En 1923, elle est à nouveau engagée par Griffith, dans « La Rose blanche » 1923 où elle livre une interprétation pleine de passion.
Sa carrière déclinera ensuite mais, contrairement à beaucoup d'acteurs du muet, elle continuera à tourner, jouant notamment plusieurs seconds rôles et caméos dans des films de John Ford. Elle meurt en 1968, aux États-Unis,
Bons Moments
Quand Mary Danaher réclame publiquement sa part d’indivision à son frère Will "Red" Danaher. A peine l’équivalent en cash en sa possession sur un site de moisson en pleine activité elle ouvre la chaudière de la machine à vapeur activant la moissonneuse batteuse et y jette tous ses billets. Son frère manque de s’étrangler et pique une superbe colère.
Le bruit court et s’enfle à l’annonce qu’une bagarre va avoir lieu entre Thornton et Danaher On assiste alors à l’interruption de toute activité chacun s’empressant de rejoindre le lieu du combat.
Toutes les « simagrées » de Mary qui exige que son amoureux américain respecte tous les usages et traditions en vigueur en Irlande.
Autour du film
C’est presque une affaire de famille. Maureen O’Hara née irlandaise. Ford et Wayne revendiquant d’authentiques origines irlandaises. En tous les cas c’est une famille fordienne au travail.
Depuis 1936, Ford a acquis les droits d’une nouvelle de Maurice Walsh, The Quiet Man, qu’il n’arrive pas à monter faute de producteur désireux de le financer et très vite il voit John Wayne et Maureen O’Hara comme les meilleurs interprètes capables de jouer les rôles principaux mais la production s’éternise à se monter.
Remarque :
En Irlande le village et la maison, décors naturels du film, sont devenus lieux de pèlerinage ou au minimum un incontournable site à visiter pour les touristes.
Deux Oscars pour ce film : Oscar du meilleur réalisateur et Oscar de la meilleure photographie 1952.
Pax
Prochainement « Week-End à Paris »