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J’ai un faible pour CARMEN de Bizet
Mes gamins de 6e au collège de Pouzauges je leur ai fait aimer la musique classique avec Carmen de Bizet.
Ce fut mon premier job alors que j’entamais ma seconde année de droit à Nantes.
Voulais avoir quelques sous, être indépendant et acheter la 2 CV du curé-doyen.
Celui-ci m’a aidé, nous sommes allés à la Roche-sur-Yon au siège de l’enseignement catholique tout puissant dans cette contrée dominée par les nobles et les curés.
On m’a demandé de produire mon certificat de baptême, que j’avais, et mon passé brillant d’enfant de chœur m’a permis de décrocher un poste à mi-temps au CEG de Pouzauges.
Pouzauges la patrie de Fleury-Michon, mon début de carrière sera marqué par le cochon puisqu’ensuite il sera le sujet de mon doctorat de droit.
1967.
J’avais 18 ans.
La paye 700 francs par mois, pour arrondir mon maigre pécule je faisais aussi des vacations à la cantine et sur la cour de récréation : le pion quoi.
Bouche-trou : histoire-géo, dessin et musique… en 6e.
La cantatrice espagnole Teresa Berganza, inoubliable « Carmen », est morte
Idéale dans Mozart et Rossini, la grande cantatrice s’est éteinte le 13 mai, à l’âge de 89 ans, dans sa ville natale de Madrid.
Par Marie-Aude Roux
Elle fut la « Carmen du siècle » de Karajan, l’interprète idéale de Mozart et Rossini : la grande mezzo-soprano espagnole Teresa Berganza s’est éteinte dans sa ville natale de Madrid le 13 mai, à l’âge de 89 ans. Aix-en-Provence l’avait découverte à l’été 1957, voix plus insolemment veloutée que le ciel nocturne, jeune femme de 24 ans qui allait devenir l’une des cantatrices préférées des mélomanes français.
Née dans la capitale espagnole le 16 mars 1933, la petite Teresa est tôt sensibilisée à la musique (solfège et piano) avant de poursuivre des études complètes au conservatoire. Une enfance merveilleuse, dans une famille dont le mot d’ordre est l’amour. Ses premiers souvenirs, la guerre finie, chevauchent les épaules paternelles, « pour mieux écouter la Banda municipale des dimanches » comme elle l’avait raconté au Monde en 2005. « On y jouait Mozart, Beethoven, Wagner. Chaque semaine, on allait aussi dans une des salles du Prado. Mon père nous expliquait l’histoire de l’art en mêlant le vrai et le fantastique. Il nous lisait Alexandre Dumas, Victor Hugo, Cervantès, les Russes… C’était un homme de gauche. Il avait fait un an de prison et maman s’était mise aux travaux de couture pour nous élever, mon frère, ma sœur et moi. Mais on était heureux. »
Dès l’âge de 8 ans, elle est initiée au chant par Lola Rodriguez Aragon (une élève de la cantatrice allemande Elisabeth Schumann), qui la forme au répertoire mozartien et rossinien. La jeune fille possède une voix exceptionnelle, dont l’amplitude couvre les tessitures de mezzo et de soprano. Elle possède le meilleur : la rondeur pleine de l’une, la virtuosité de l’autre, capable d’atteindre sans effort le contre-mi bémol. C’est en février 1957 que Teresa Berganza fait ses débuts, en concert, à Madrid puis au Théâtre des Champs-Elysées, à Paris.
Coup de foudre à Aix-en-Provence
1957, une année faste qui verra la jeune cantatrice s’envoler vers l’Italie, enchaîner les rôles, tournant notamment pour la télévision une rossinienne Isabella dans L’Italienne à Alger (DVD paru chez Hardy Classic) avant de faire ses premières armes à Aix-en-Provence dans les habits de la sensuelle Dorabella du Cosi fan tutte de Mozart sous la direction d’Hans Rosbaud. Coup de foudre réciproque entre la cantatrice et le grand festival, qui en fera l’une de ses figures aux côtés de Teresa Stich-Randall, Luigi Alva, Rolando Panerai et Gabriel Bacquier. Sur la scène du Théâtre de l’Archevêché, la jeune femme écrit l’histoire mozartienne d’Aix – Cosi fan tutte (1957, 1961, 1965), Les Noces de Figaro (1960, 1962, 1964). Mais se fait aussi rossinienne dans Le Barbier de Séville (1958, 1965), monteverdienne dans L’Incoronazione di Poppea (1961, 1964), sans oublier Dido and Aeneas de Purcell (1960, 1961).
En 1958, Teresa Berganza débute à Milan (Piccola Scala) puis à Covent Garden, à Londres, dans le rôle travesti d’Isolier, page du pétulant Comte Ory de Rossini tandis que Mozart et son « Cherubino d’amore » (Les Noces de Figaro) la propulsent sur les scènes de Glyndebourne (1958), de la Staatsoper de Vienne (1959), avant, une décennie plus tard, le Metropolitan Opera de New York (1967) puis le Festival de Salzbourg (1972) et enfin l’Opéra de Paris (1973). Pendant deux décennies, ces quelques rôles, auxquels il convient d’ajouter l’Angelina de La Cenerentola de Rossini, abordé dès 1958 à Naples, vont constituer le cœur du répertoire « berganzien », sous la direction des chefs les plus en vue – de Karl Böhm à Claudio Abbado, en passant par Herbert von Karajan, Georg Solti, Carlo Maria Giulini – dans les mises en scène mythiques de Giorgio Strehler ou Jean-Pierre Ponnelle.
Loin des « habaneras » frelatées et des espagnolades de bazar, Teresa Berganza incarne une Carmen passionnée mais d’une grande noblesse
Il faudra cependant attendre 1977 pour que, à 44 ans, la grande mezzo accepte le rôle qu’on lui réclame depuis toujours et qu’elle n’a eu de cesse de refuser, ne le jugeant pas pour elle : Carmen. La première a lieu au Festival d’Edimbourg sous la direction d’Abbado. Des débuts aussitôt captés en studio par Deutsche Grammophon. Loin des « habaneras » frelatées et des espagnolades de bazar, Teresa Berganza incarne une cigarière passionnée mais d’une grande noblesse, pour mieux dessiner une femme indépendante, sûre d’elle et de ses désirs.
Commencent alors deux décennies de Carmen, notamment à Paris (Opéra-Comique en 1980, Bercy en 1989). La mezzo aborde certes Haendel – le chevalier Ruggiero dans Alcina à Aix (après l’avoir enregistré en 1962 pour Decca), le rôle-titre de Rinaldo –, incarne la romantique Charlotte du Werther de Massenet, confie au disque une vivifiante Périchole d’Offenbach (avec Michel Plasson, EMI/Warner Classics), meurt avec Suzuki dans Madame Butterfly de Puccini. Mais c’est la gitane qui fait chavirer le public. D’autant plus que le Don Giovanni de Mozart tourné en 1979 par Joseph Losey a métamorphosé la vive et brune Zerlina en vedette de cinéma.
En 1992, c’est encore dans Carmen que Teresa Berganza fera ses adieux au théâtre de la Maestranza à Séville. Après trente-cinq ans passés à courir le monde, la mezzo s’adonne plus volontiers au récital de mélodies, ambassadrice naturelle du répertoire espagnol (Falla, Granados, Turina) mais aussi de Schumann, Ravel et Moussorgski. Tout en se retirant peu à peu, elle continue à dispenser des classes de maître, participant à des émissions de radio ou des jurys de concours.
Une vie simple, presque retirée
La cantatrice avait été mariée deux fois. La première, avec le pianiste Felix Lavilla, qui l’accompagne notamment dans les Seis canciones castellanas de Guridi (Decca) et dont elle divorcera en 1979 après une tentative de suicide. Son second mariage se solde par un divorce en 1995. Elle vit alors dans sa maison face au monastère de San Lorenzo de L’Escurial. Une vie très simple, presque retirée. « J’aime la nature, le silence. Je ne savais pas que la solitude pouvait être une telle joie. Je vis pour la musique, pour ma famille, pour les amis », disait-elle encore en 2005.
Nous restera en mémoire un beau visage au regard noir, rieur et séducteur, une énergie communicative et un legs discographique important. Au tournant des années 1950-1960, Teresa Berganza avait enregistré Les Noces de Figaro avec Otto Klemperer, puis Daniel Barenboïm (EMI/Warner Classics), Cosi fan tutte avec Georg Solti, et La Clemenza di Tito avec Istvan Kertesz (Decca). Toujours pour Decca, de Rossini Le Barbier de Séville et L’Italienne à Alger avec Silvio Varviso, puis pour Deutsche Grammophon, à nouveau un Barbier ainsi que La Cenerentola, tous deux avec Claudio Abbado, deux gravures toujours au sommet de la discographie depuis leur sortie en 1972.
« A 60 ans, il faut commencer à se préparer à accepter de vieillir car sinon on s’étonne de tout, d’avoir mal ici, de souffrir de ça. A partir de 70 ans, il faut se préparer à la mort », disait la grande dame qui s’y employait en faisant du yoga, en lisant des textes religieux ou philosophiques, en vivant pleinement son bonheur d’être en vie. « J’ai fait mon testament, je veux être incinérée puis enterrée près d’un arbre dans le monastère de San Lorenzo de l’Escurial. Je n’ai pas peur. »
Teresa Berganza en quelques dates
16 mars 1933 Naissance à Madrid
1957 Débuts à Aix-en-Provence dans Cosi fan tutte
1958 Débuts à La Scala de Milan puis à la Royal Opera House de Covent Garden, à Londres dans Le Barbier de Séville
1967 Débuts au Metropolitan Opera de New York
1973 Débuts à l’Opéra de Paris
1977 Première Carmen au Festival d’Edimbourg
1979 Tourne dans le Don Giovanni de Joseph Losey
1992 Fait ses adieux à la Maestranza de Séville
13 mai 2022 Mort à Madrid
ENTRETIEN AVEC TERESA BERGANZA « Ma Carmen ? une vraie femme libre et fière »
Ce vendredi soir 9 mai, l'Opéra - Comique accueille la Carmen du Festival d'Édimbourg, mise en scène par Piero Faggioni, dans des décors d'Ezio Frigerio. Il n'y manquera que Claudio Abbado et l'Orchestre symphonique de Londres, dont l'absence a fait couler beaucoup d'encre (le Monde des 17,18 et 25 janvier), et qui seront remplacés par l'orchestre de l'Opéra dirigé par Pierre Dervaux. En tête de la distribution : Placido Domingo, Katia Ricciarelli, Ruggero Raimondi et, bien sûr, la Carmen que tout le monde attend, Teresa Berganza. (Retransmission par Antenne 2 et France-Musique le 15 mai.)
Par JACQUES LONCHAMPT.
Publié le 10 mai 1980
Carmen habite un vénérable palace au milieu d'une forêt royale... Ce n'est pas le repère qu'on imagine pour la gitane de Séville, mais Teresa Berganza est venue y panser ses blessures, l'entorse qu'elle s'est faite sur la scène de l'Opéra-Comique (" Une fière Espagnole ne peut tout de même pas regarder où elle met les pieds ! "), et surtout cuver l'immense fatigue nerveuse de la répétition générale. " Sans Don José, précise-t-elle. C'est Faggioni qui m'a donné la réplique, et il a une telle force intérieure, une telle vérité et une autorité si fascinante que je n'ai jamais été Carmen comme hier ; mais il m'a brisée ! "
Les disputes de " paternité " autour du spectacle l'agacent : " J'entends parler de la Carmen d'Abbado, de la Carmen de Faggioni, voire de celle de Berganza, mais c'est d'abord la Carmen de Peter Diamand [le directeur du Festival d'Édimbourg]. C'est lui qui est venu me voir en me disant que je devais chanter Carmen : " Avant c'était trop tôt ; " après ce sera trop tard. " Et c'est à moi qu'il a demandé de choisir dans des listes de metteurs en scène et de chefs d'orchestre.
" Le fond de l'affaire Abbado ? Je ne sais pas. À chacun sa vérité. Mais mes oreilles se rappellent avoir entendu Claudio me dire au téléphone que, s'il ne pouvait venir avec l'orchestre londonien, il dirigerait celui de l'Opéra. Je regrette Claudio ; c'est merveilleux de chanter avec lui : il n'a pas besoin de faire un geste, je sais ce qu'il veut, nos cœurs battent toujours à l'unisson. J'ai accepté quand même de venir à Paris parce que c'était Pierre Dervaux, avec qui j'ai chanté souvent, au Festival d'Aix notamment. Il sent merveilleusement la musique, et il est tellement gentil. Nous avons parlé des heures de Carmen, et c'est comme si nous avions eu une semaine de répétitions...
Personnalité et beauté d'âme
" Car vraiment cela avait mal commencé : à peine deux répétitions d'orchestre, avec des musiciens qui ne semblaient guère se donner de mal. Sans doute se réservent-ils pour la première... Et puis il y avait sur la scène un haut-parleur d'ambiance qui m'exaspérait. J'ai été obligé de crier et de taper du pied, de menacer de partir pour me faire entendre.
" Pourtant, j'adore l'Opéra-comique ; mon émotion était grande de chanter Carmen sur la scène même où elle a été créée. Quel dommage que ce théâtre soit à moitié à l'abandon; il y a de la poussière partout, et le portrait exquis d'Adelina Patti est lacéré. C'est lamentable. Quand on pense au passé de l'Opéra-comique ! "
" Ma Carmen, c'est celle de Bizet, bien sûr, et, dans cette partition limpide et merveilleuse, je découvre chaque jour du nouveau; mais c'est aussi celle de Mérimée que j'ai lu et relu. Je suis épouvantée de ce qu'on voit en général dans les théâtres : une vraie prostituée... Mais non, c'est une gitane espagnole, qui travaille, une femme libre et fière, qui veut être à parité avec les hommes. Une vraie révolution en Espagne, où l'on trouvait tout naturel qu'un homme quittât une femme quand il ne l'aimait plus, mais l'inverse, jamais.
" Je n'aurais jamais pu jouer Carmen plus tôt avec l'éducation rigoureuse, chrétienne, " espagnole ", de mon temps. Il a fallu que mes filles grandissent, que je réfléchisse sur l'éducation si différente que je leur donnais pour que je me sente capable, et en droit, d'incarner ce personnage de femme, de vraie femme.
" J'ai l'impression aujourd'hui seulement d'arriver à maturité. Avant, je n'avais pas le temps : très jeune, j'ai été lancée dans la carrière, j'ai triomphé à Aix-en-Provence, je me suis mariée, j'ai eu des enfants, tout en étant obligée d'entrer dans la peau de tant de personnages, et il m'était impossible de mûrir. Maintenant ça y est, et j'écris même un livre : pas un roman, ni ma vie, mais des réflexions sur ma vie.
" Comme je l'ai écrit à Peter Diamand, j'admire en Carmen la sécurité, la force de tempérament, la personnalité et la beauté d'âme qui émanent de cette grande figure. C'est cela que je veux être au théâtre. "
Fatiguée Teresa ? Allons donc ! Vive et souple comme un jeune chat, passionnée, craintive, furieuse tour à tour, elle prend feu et flamme, pétille d'intelligence et d'humour, et puis avoue avec une tendre volupté : " J'ai besoin d'affection et de tendresse pour bien chanter. " Car cette Carmen émancipée et moderne, c'est aussi, peut-être d'abord, l'adorable Chérubin qu'elle a cent fois joué (ne parlons pas de Zerline ; elle n'aime pas son rôle dans le film de Losey, alors même qu'elle y a si bien tiré son épingle du jeu).
JACQUES LONCHAMPT.