Le graphomane que je suis écrivait le 8 octobre 2012 :
Comme Alice et Olivier de Moor sont des amis discrets ils n’avaient pas mis votre Taulier dans la confidence mais, lorsque leur enfant paraît sur l’écran de ses nuits blanches, à l’aurore, c’est pour lui la divine surprise, le plaisir de la découverte et venu le temps d’officier : d’être à sa manière l’officier d’état-civil de la Toile. À la plume sergent major plongée dans l’encrier de céramique blanche, sur le grand registre des naissances il inscrit les noms et prénoms des parents et leur ascendance, en violet bien sûr, l’heure : 9 heures du soir, c’est mieux que 21 heures qui font très chef de gare – et quarante grosses minutes, le lieu : Courgis et le jour le dimanche 7 octobre 2012. Pour le prénom le vieil animal use d’encre sympathique pour laisser à votre imagination tout le loisir d’exercer son talent. Comme mon petit doigt m’a dit qu’Alice, venue du Jura a rencontré Oliver en 1992, à Chablis, donc 30 ans, voilà un bel âge pour donner naissance à un enfant. Cet enfant-là va leur permettre de conter leur histoire, car comme le dit si bien Alice, eux deux ont toujours voulu « faire du vin comme on raconte une histoire »
La suite ICI
Aujourd’hui, c’est Olivier qui prend la plume :
Chers collègues,
Je vais essayer d’être aussi court et concis que nécessaire. Pour solliciter votre attention et votre aide.
Les dérèglements climatiques annoncés, nous les vivons désormais. Et cela est synchrone d’une extinction de masse des espèces. Car cela est lié. Et bien entendu, vous comme moi semblons bien désarmés face aux périls annoncés et aux moyens à disposition pour répondre et nous adapter. Pour ce qui est de la vigne seulement, en projetant nos habitudes de travail actuelles, il est annoncé au minimum, une diminution moyenne de nos rendements d’ici 10 ans, de 35 %.
Je sais très bien que je suis bénéficiaire d’un travail successif de plusieurs générations qui a permis la construction de ce vignoble et la reconnaissance de ses vins. Cela est le résultat d’un travail collectif, et d’individualités qui ont amené de l’exigence ou des idées et des projets nouveaux. Dont nous profitons.
Face aux changements annoncés, deux réponses sont possibles.
Soit une réponse individuelle, soit une réponse de l’ensemble.
Individuellement, nous agissons pour que nos vignes soient alimentées du mieux possible pour qu’elles produisent le raisin nécessaire et fidèle à notre région. Ce travail se fait par l’intermédiaire des bactéries du sol. Il réclame cependant les outils pour cela en termes de mécanisation et d’intrants. Cela a ses avantages, ses inconvénients, et ses limites qui sont de plus en plus proches. Et surtout qui ne conduisent qu’à entretenir et accentuer ce qui désormais nous affecte. Nous entretenons voire amplifions des causes de nos problèmes.
L’autre solution plus ambitieuse, parce que collective est liée à ce que depuis seulement quelques dizaines d’années nous expliquent les scientifiques. Qu’une plante n’est pas véritablement une plante mais une symbiose, et qu’elle se nourrit de cela, qu’elle se nourrit de tout ce qui l’entoure en particulier des mycorhizes. Cependant pour re-nourrir nos plantes par ce processus naturel et initial que nous avons rompu, il faut un vaste chantier collectif et ambitieux.
Croire dans le vivant, respecter toutes les plantes possibles, toutes les haies en formation, tous les arbres isolés, toutes les surfaces boisées. Ce n'est que par ce respect le plus complet du vivant, que nous permettrons plus de diversité écologique, plus de fraicheur, plus de régulation et d’inertie thermique, et une distribution naturelle de l’eau qui se fait depuis les points d’eau jusqu'à la matière organique de nos sols.
Ce chantier auquel j’aspire, et qui me paraît la seule vraie réponse tourne autour de ce qu’on appelle les corridors écologiques. À savoir des couloirs où l’on laisse la vie s’installer pour la relier à ses origines, pour la mettre en lien et venir la redistribuer jusqu’à l’intérieur de nos parcelles cultivées. Si nous ne faisons pas cela, j’ai la grande crainte que nos cultures que l’on destine artificiellement à leur isolement du vivant pour produire uniquement ce que nous voulons, connaisse sa fin.
Bien entendu, je suis à votre disposition. Et je peux si vous réclamez plus de précisions, vous les donner. Ainsi que vous mettre en lien avec les experts qui saurons nous conseiller. Cependant au final, c’est extrêmement simple. Laisser revenir la vie partout où elle peut l’être.
Salutations vigneronnes.
Olivier De Moor
Lecture recommandée: Marc-André Selosse
Jamais seul et L'origine du monde