Montargis (06 au 10.07.1920) : CAI Hesen et son amie XIANG Jingyu exposent à leurs compatriotes leur thèse pour "sauver la Chine et le Monde". Historiquement, ce sera le véritable point de départ de la Chine Nouvelle
Il se publie des Revues de haute qualité intellectuelle, esthétique, ludique : RELIEFS en est une, son n°15 MARAIS en apporte de nouveau la preuve.
J’ai choisi ce dimanche, avant de chroniquer un autre jour sur le Marais salant de Guérande, cher à mon cœur, de vous vanter la : PETITE HISTOIRE DU GRAND SOJA
Pourquoi ?
2 raisons :
- Le tofu cher au vegan !
- L’accord de Blair House en 1992 ICI (ça ne nous rajeuni pas Jean-François)
Le lancer de « haricots » de soja est une tradition japonaise pluriséculaire, la Chine est le berceau de la plante qui produit des graines rondes comme le petit pois.
C’est un rite célébré lors du Setsubun (« nœuds de bambou »), fête nationale japonaise, le 2 et 4 février (conformément à l’ancien calendrier lunaire, d’origine chinoise) qui marque l’arrivée du printemps. La veille, les japonais pratiquent le mamemaki : ils lancent des graines de soja par la fenêtre ou par la porte de leur logement pour tenir les démons à distance de leur foyer et attirer la prospérité. En accomplissant ce geste, ils scandent : « On iwa soto ! Fuku wau chi ! (dehors les démons, dedans le bonheur) »
Le soja (Glycine max) a probablement été domestiqué dans le courant du IIe millénaire de notre ère, dans le nord-est de la Chine, mais sa culture est beaucoup plus récente que celle du riz et du millet, pratiquées dans cette région quatre millénaires plus tôt. Ce sont les habitants du « pays du millet » qui, les premiers, ont transformé les graines de soja en une multitude de produits alimentaires dérivés.
Le Bencao gangmu (« matière médicale classifiée »), un traité de pharmacopée médicale rédigé au XVIe siècle, attribue ainsi l’invention du tofu à Liu An, au IIe siècle de notre ère.
Si la date d’invention du tofu demeure incertaine, on sait en revanche que les Français n’en ont entendu parler que très tard. En 1856, le Bulletin de la Société Nationale d’acclimatation de France décrit pour la première fois le procédé mis au point par M. de Vilmorin pour fabriquer du « fromage de pois ». La première unité européenne de production industrielle de tofu ouvre ses portes en 1908 à Colombes, près de Paris, à l’initiative de Li Shizeng, jeune chinois arrivé quelques années plus tôt à Montargis (Loiret) pour y étudier l’agriculture. Entre 1912 et 1927, plus de deux mille de ses compatriotes se forment sur le sol français. Beaucoup de ces étudiants participent en parallèle avec Li Shizeng à la fondation du mouvement anarchiste chinois : le travail à l’usine de tofu leur permet de financer leurs études avant de rentrer chez eux. En 1920, Li Shizeng accueille dans son usine Deng Xiaoping, dirigeant de la Chine en 1978 et 1989 qui fait basculer son pays dans l’économie de marché.
Deng Xiaoping (1904 - 1997) Le « petit timonier »
« Peu importe que le chat soit noir ou blanc pourvu qu’il attrape les souris »
Deng Xiaoping, l’habitant oublié de Montargis ICI
Quasiment oubliée en France, l’histoire des Chinois de Montargis resurgit en 1975 lors de la visite en France du Vice-Premier Ministre chinois, Deng Xiaoping, quand celui-ci demande à visiter Montargis où il aurait vécu au début des années 1920 ! Côté français c’est la surprise. Deng Xiaoping a beau évoquer son travail à l’usine Hutchinson, dans les archives de l’entreprise, aucune fiche de travail ne répond à son nom. On en reste là.
Puis en 1982, le maire de Montargis, Max Nublat, est invité en Chine avec des maires de grandes villes de France, surpris de voir le représentant de cette modeste sous-préfecture du Loiret convié à ce voyage. À Pékin, une banderole attend le maire de Montargis pour lui souhaiter la bienvenue ; c’est le seul membre de la délégation à avoir droit à cet honneur. Et l’histoire ne s’arrête pas là : Max Nublat aura même droit à un entretien privé avec Deng Xiaoping, devenu le successeur de Mao, qui évoquera ses souvenirs montargois.
Le fin mot de l’histoire ?
Quelques passionnés vont s’apercevoir qu’au moment de son passage par Montargis, Deng Xiaoping ne s’appelait pas encore Deng Xiaoping : il utilisait encore son nom de naissance. Et sur sa fiche de travail retrouvée, on peut lire : A refusé de travailler, ne pas reprendre. De cette époque date le début de l’engagement militant de Deng Xiaoping.
Deng Xiaoping a séjourné en France dans sa prime jeunesse ; quand il est parti, il était au sortir de l’enfance, à son retour il savait déjà ce qu’il allait faire de sa vie au service de son pays et de ses compatriotes. Discours du Président chinois, Hu Jintao, pour le 100ème anniversaire de la naissance de Deng Xiaoping en 2004
Aujourd’hui encore, les liens restent forts. Depuis 2005, un circuit commémoratif des Chinois à Montargis rend hommage à l’histoire. En 2014, une place Deng Xiaoping a été inaugurée à Montargis, suivie, en 2016, par un Musée Historique de l’Amitié Franco-Chinoise. Le Lycée en Forêt à Montargis enseigne depuis de nombreuses années le mandarin et des échanges sont réalisés avec le lycée n°1 de Changsa, capitale de la Province du Hunan. Et les choses pourraient encore s’accélérer puisque l’université Tsinghua de Pékin, 1ère université chinoise, envisageait, avant la crise sanitaire, d’ouvrir une antenne à Montargis. Affaire à suivre.