Mille et une productions c’est Édouard Mauriat et Anne-Cécile Berthomeau
Une petite entreprise qui connaît la crise.
C’est tourné en Savoie.
C’est orné de plein de médailles*
Donc plein de raisons pour acheter le DVD
* Récompenses
- Festival du film francophone d'Angoulême 2020 : prix Magélis des étudiants francophones
- Festival du cinéma américain de Deauville 2020 : prix d'Ornano-Valenti
- Festival Film by the Sea de Flessingue 2020 : prix de la jeunesse
- Festival international du film francophone de Namur 20206 : prix Bayard de la Meilleure Photographie
Nominations
- César 2022 :
Meilleur espoir féminin pour Noée Abita
Meilleur premier film
- Magritte 2022 : meilleur acteur pour Jérémie Renier
Sélections
- Festival de Cannes 2020 : sélection officielle
- Festival Lumière 20207 : sélection officielle Cannes 2020
Télérama aime bien Critique par Marie Sauvion ICI
Publié le 11/01/2022
Lyz (Noée Abita), 15 ans, nouvelle élève d’une classe de sport-études à Bourg-Saint-Maurice, se rêve future championne de ski. « Il va falloir que tu t’affûtes », balance Fred (Jérémie Renier), son coach, lorsqu’il l’examine pour la première fois. Il palpe la jeune fille en culotte, sans affect apparent, uniquement préoccupé de savoir si ces 50 kilos de chair et de muscles lui apporteront bientôt une victoire. Main froide et dent dure, Fred aime la gagne, les podiums, les médailles. Et l’adolescente veut satisfaire son entraîneur. Le glissement progressif qui la voit passer de bizut à chouchoute, Slalom le décrit de manière organique. Soumis à l’obsession de la performance, le corps de Lyz cesse de s’appartenir. Elle respire désormais au rythme des humeurs de l’homme, de ses accès de colère ou de joie. Et de ses pulsions.
Jamais Charlène Favier ne lâche le point de vue de Lyz, qu’elle descende une piste ou qu’elle subisse un viol qui la laisse hébétée. Les séquences d’agression sidèrent par ce qu’elles captent du visage, du regard de la jeune fille trahie, qui semble soudain s’absenter à elle-même et ne revenir au présent que pour se découvrir souillée, littéralement, de fluides à nettoyer d’urgence.
La réalisatrice ne s’en cache pas, le scénario est nourri de son expérience personnelle. Sa mise en scène, maîtrisée, s’appuie sur un tandem d’acteurs impeccables, à commencer par Noée Abita, la révélation d’Ava en 2017. Face à un Jérémie Renier soufflant le chaud et le froid, manipulateur charismatique mais aussi pathétique, prédateur insoupçonnable, la jeune actrice de 22 ans compose un personnage à la fois fragile et indestructible. Qui ne dit mot ne consent pas et Slalom le donne à ressentir avec force et intelligence.
Synopsis
À 15 ans, du haut de son 1m60, Lyz a été sélectionnée en section ski-études au lycée de Bourg-Saint-Maurice et rejoint une petite équipe coachée par Fred, un entraîneur qui veut emmener ses athlètes au sommet. La jeune fille accepte les nombreux entraînements sur les pistes, les séances de piscine, footing, électro-musculation, prise de compléments alimentaires pour augmenter la masse musculaire, séances vidéo, fartage. Et ça paie, elle enchaîne des victoires. Mais plus la jeune fille gagne, plus la pression augmente. Et un soir, dans l'ivresse du succès, l'entraîneur l'agresse sexuellement. Pour Lyz, c'est le début d'une spirale infernale face à un pervers narcissique...
Une critique moins favorable mais intéressante : Slalom
Par Jean-Jacques Corrio -18 mai 20210 ICI
L’AVIS DU « MONDE » – À NE PAS MANQUER
Les faits à l’origine du film ne sont plus un secret pour personne, tant le bouche-à-oreille a eu le temps de fonctionner depuis que Slalom a été dévoilé au Festival du film francophone d’Angoulême, à la fin de l’été 2020. Le premier long-métrage de Charlène Favier raconte la relation toxique entre une jeune championne de ski, Lyz (Noée Abita), et son entraîneur, Fred (Jérémie Renier).
Ancienne sportive de haut niveau, dans une discipline différente, la réalisatrice a elle-même été victime d’agressions sexuelles, se décidant bien plus tard, en 2014, à écrire sur le sujet dans le cadre d’un atelier scénario à la Fémis. A l’époque, les agressions dans le milieu du sport n’étaient pas encore massivement dénoncées dans la sphère médiatique.
En 2020, les témoignages de l’ancienne patineuse sur glace Sarah Abitbol et d’autres championnes ont déferlé, dans le sillage de la vague #metoo, et voilà que Slalom se trouve pris dans une glaçante actualité. Si le film sort accompagné d’un dossier pédagogique sur les violences sexuelles à l’attention des adolescents, il serait pourtant injuste de le réduire à une œuvre à thèse.
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La réalisatrice ne fait pas de Fred un simple prédateur – ce qui peut être le cas en milieu sportif, à en croire les experts. Elle préfère explorer les ressorts psychologiques qui conduisent l’entraîneur et son élève dans le tourbillon d’une relation toxique. Lyz, 15 ans, vient d’intégrer la section ski-études du lycée de Bourg-Saint-Maurice (Savoie). L’ancien champion devenu entraîneur, Fred, prépare le groupe d’adolescents aux championnats de France et d’Europe, et rêve pour certains d’entre eux des Jeux olympiques. La compagne de Fred (Marie Denarnaud) supervise les études des sportifs, et jusque-là tout se passe à peu près normalement.
Lyz est une guerrière et veut gagner. « Elle a faim », comme dit Fred, qui, tout à la fois, lui mène la vie dure et lui apporte un soutien moral et matériel, la jeune fille étant livrée à elle-même – avec un père absent et une mère absorbée par sa nouvelle vie. Le film commence plutôt sous une bonne étoile, Lyz connaissant ses premiers succès sportifs et s’attachant à ce coach si généreux. On sent bien une attirance chez elle, mais qui reste à l’état de fantasme et d’admiration. Fred lui-même ne semble pas animé par de sombres calculs. Ayant raté sa carrière à la suite d’un accident, il voit sans doute en Lyz une future championne capable de lui redonner une visibilité.
Subtile transformation physique
Pourtant les choses dérapent. Charlène Favier montre comment, de fait, le coach prend l’ascendant sur la jeune fille. C’est lui qui la pèse, connaît la date de ses règles, pose ses mains sur ce corps en mutation, qui doit prendre de l’épaisseur et des muscles. A cette proximité physique s’ajoute une dépendance psychique, avec l’idée que la victoire passe forcément par l’entraîneur. Fred devient la planche de salut de Lyz, laquelle lui fait entièrement confiance. Les temps d’entraînement privilégié qu’il lui accorde deviennent des moments d’intimité.
Dans l’esprit brouillé de l’adolescente, il y a bien le rêve d’une histoire d’amour avec cet homme proche de la quarantaine, mais elle n’en maîtrise pas les termes. Elle ne dit pas non, il lui impose ses pulsions sexuelles. Cela s’appelle un viol. Elle se trouve réduite à un état de passivité et attend que ça passe. Fred semble miné par sa propre attitude, comme impuissant à garder la bonne distance. Les deux protagonistes portent leur fardeau sous la neige.
Révélée dans Ava (2017), de Léa Mysius, Noée Abita irradie le film de sa troublante candeur, mêlée à une ténacité hors norme. Agée de 22 ans, même si elle en paraît 16, l’actrice réussit une subtile transformation physique qui l’endurcit tout en laissant intacts les restes de l’enfance. Charlène Favier ne la filme pas comme une lolita, de même qu’elle ne réduit pas Fred à un cynique. Jérémie Renier incarne très justement un homme fort en surface, mais frustré à l’intérieur, n’ayant pas réglé ses comptes avec son passé et son échec sportif. Slalom emprunte un chemin étroit, périlleux, et porte le débat avec la subtilité requise.
Le slalom ne se résume pas à l’épreuve sportive, il décrit aussi la descente psychologique d’une jeune athlète qui tente de se frayer un chemin, de sortir indemne du piège sans perdre de vue l’objectif initial : gagner la course et devenir une championne. Le film interroge l’esprit de groupe au sein d’un collectif de champions, car il est surtout question ici de solitude.
Slalom quitte peu à peu la pâleur des cimes enneigées et son tempo chronométré, pour se teinter de couleurs vives et irréelles : un bleu glacé, un rouge incandescent. Un instant, Lyz, avec son gilet à capuche, devient le Chaperon rouge guetté par le loup. Une échappée vers le conte pour dire l’innocence retrouvée. Slalom est un film de sensations, et non pas « à sensation ».