« En ces temps de tension sociale, de remise en cause du politique et de ses institutions, Jacques Perrin estimait que « l’exemplarité » était la chose la plus nécessaire. « Des gens qui nous permettent de croire. Comme un Jean Moulin dans la Résistance. On vit de sombres temps, disait Brecht. Mais la clarté, c’est une histoire d’ombre », avait-il dit début 2019 au Figaro. Il se réjouissait alors d’être toujours et d’avoir encore à combattre, avec l’enthousiasme d’un enfant têtu et optimiste. »
« Il est entré dans la carrière comme un jeune premier idéal, il en sort comme un commandant magnifique après avoir mené de hautes aventures et des courses lointaines sans jamais se départir de son charme limpide. Jacques Perrin est mort jeudi à Paris à l'âge de 80 ans. Rien ne l'a durci, racorni, désenchanté, en quelque soixante-dix ans d'équipées cinématographiques, comme acteur, producteur, réalisateur. Il connaissait le secret de la vie poétique : il a inventé un monde où l'action est la sœur du rêve.
Les dates
13 juillet 1941 Naissance à Paris
1977 « Le Crabe-tambour », de Pierre Schoendoerffer
2001 « Le Peuple migrateur », coréalisé avec Jacques Cluzaud et Michel Debats
2010 « Océans », coréalisé avec Jacques Cluzaud
2016 « Les Saisons », coréalisé avec Jacques Cluzaud
21 avril 2022 Mort à 80 ans
Contre l’avis de tous
L’obstination pose la première pierre de sa maison de production Reggane Films (devenue plus tard Galatée Films), qu’il crée en 1968 pour reprendre, contre l’avis de tous, le projet de Z, de Costa-Gavras. Le cinéaste grec, qui l’avait fait jouer dans Compartiment tueurs (1965) et Un homme de trop (1967), vient de se faire lâcher par les Américains. Il s’apprête à baisser les bras. « Nous avons alors monté une coproduction avec l’Algérie. Personne ne voulait nous suivre. (…) Avouons que nous avons fait quelques acrobaties comptables, anticipé sur le succès. Montand et Trintignant ont touché des cachets dérisoires », avait expliqué Jacques Perrin au Monde en 1996. Le jour de sa sortie en salle, les exploitants s’attendent à une catastrophe. Z sera un triomphe international. Quatre millions d’entrées en France. Des récompenses à la pelle, dont l’Oscar du meilleur film en langue étrangère, qui ira à l’Algérie.
L’expérience donne des ailes à Jacques Perrin. Il produit les films suivants de Costa-Gavras, Etat de siège (1973), Section spéciale (1975). Et s’acharne sur un autre projet : l’adaptation au cinéma du roman de Dino Buzzati (1940), Le Désert des Tartares, dont il a acquis les droits mais sur lequel plusieurs scénaristes et cinéastes se cassent les dents. Durant dix ans, Jacques Perrin s’accroche. Le film finit par trouver son réalisateur en la personne de Valerio Zurlini, et voit le jour en 1976, avec, dans le rôle de l’ardent lieutenant Drogo, Jacques Perrin.
Des documentaires à budget de blockbuster
Il est alors le seul à oser affronter le documentaire naturaliste à budget de blockbuster. Des films pharaoniques exigeant des années de préparation en recherches scientifiques, en repérages aux quatre coins du globe, en conception de matériel. Pour Microcosmos, il faut construire de très coûteux outils capables de suivre des actions et de capter des émotions à l’échelle du millimètre ou du dixième de millimètre. Pour Le Peuple migrateur, des mois sont nécessaires pour habituer les oiseaux à la présence des machines volantes lestées de caméra. ICI
« Un peu d'humilité nous sortirait de nos certitudes. Ce bien-être que nous cherchons, il nous est donné par la beauté du monde. L'observer, la contempler, c'est un principe de régénération, comme l'oxygène »