SOUVENIRS
Blaise Hofmann consacre un livre à Capucine, mannequin et actrice tombée dans l’oubli
Rappelant que la lumière parvient d’étoiles éteintes depuis longtemps, l’exergue relève de la poésie et de l’astronomie. Elle donne la juste tonalité de Capucine. Porté par une nostalgie antérieure à sa naissance et un sentiment d’empathie pour une icône oubliée, Blaise Hofmann, la pâtre d’Estive, le voyageur de Marquises, accomplit le devoir de mémoire en dédiant un livre à Capucine, étoile filante du mannequinat et de Hollywood.
Le «Héron hautain
Née en 1928, à Saint-Raphaël, Germaine Lefebvre grandit à Saumur et s’ennuie vite dans une vie trop étriquée pour ses rêves. Elle monte à Paris mener la vie de bohème. Un jeune couturier, Hubert de Givenchy, repère sa silhouette élancée. Celle que la presse surnomme le «Héron hautain» fait la une des magazines. Sur les traces de Marlene Dietrich, elle embarque pour l’Amérique. À Hollywood, cornaquée par le producteur Charles Feldman, elle tourne des films qui connaissent de grands succès comme Le Bal des adieux, Le Grand Sam et naturellement La Panthère rose dans lequel elle incarne l’épouse de l’inspecteur Clouseau. Incarnation de l'«élégance parisienne» participe aussi à Quoi de neuf Pussycat, le premier scénario de Woody Allen porté à l’écran. De retour sur le vieux continent, elle joue dans le Satyricon de Fellini. Et puis plus rien, ou si peu…
Capucine passe les trente dernières années de sa vie à Lausanne, au chemin de Primerose. Fait de la figuration, voit sa grande amie Audrey Hepburn, et d’autres vedettes hollywoodiennes vieillissant sur les bords du Léman – Yul Brynner, David Niven, Peter Ustinov… Dépressive, redoutant la vieillesse, elle se jette du huitième étage de son immeuble le 17 mars 1990.
Traces furtives
Pour rendre vie à cette étoile sortie des mémoires, Blaise Hofmann mène l’enquête. Il revient sur les traces de Capucine à Saumur. Il retrouve la maison de son enfance et le bistrot de quartier où elle avait ses habitudes. Il enregistre des témoignages souvent ténus («J’arrosais ses pétunias…») auprès de célébrités (Givenchy) ou d’inconnus (voisins), visionne des films oubliés, lit des coupures de presse. «Mon héroïne manque d’épaisseur, c’est un fait», note l’écrivain. Et sa biographie peine à tenir ses promesses. Elle n’atteint pas au niveau du Limonov de Carrère ou du Dora Bruder de Modiano, ces sublimes portraits fantasmatiques intégrant la subjectivité de l’auteur. La pâte de la littérature ne monte pas. Merci toutefois pour cette anamnèse élégiaque.
Capucine, de Blaise Hofmann, Zoé, 216p
Aujourd’hui c’est « Guêpier pour trois abeilles » (1967)
Pourquoi ce film ?
Pour voir que l’on peut faire une autre adaptation de la pièce Volpone de Ben Jonson que celle de Jules Romain et Stephan Zweig portée à l’écran par Maurice Tourneur avec Louis Jouvet et Harry Baur. Mais aussi pour une introduction à l’œuvre de Joseph L. Mankiewicz, un des plus grands et fins réalisateurs, scénaristes et producteurs du cinéma américain.
Régalons nous.
Quelle est l’histoire ?
Comme pour le Volpone de Ben Johnson l’histoire de passe à Venise.
Le richissime Cecil Fox regarde un soir, à la Fenice, la pièce Volpone qu'il s'est fait représenter pour lui tout seul. Cela semble lui donner des idées.
Le lendemain, il embauche William McFly, en qualité de secrétaire particulier, et le charge de faire venir, dans son palais vénitien, trois anciennes maîtresses, en leur faisant miroiter qu'il est mourant et pourrait léguer sa fortune à l'une d'elles.
Celles-ci arrivent bientôt : Mrs Sheridan - avec sa dame de compagnie Sarah Watkins -, la princesse Dominique et Merle McGill.
L'affrontement psychologique commence avec elles, aussi avides et hypocrites l'une que l'autre. Mais un matin, Mrs Sheridan est retrouvée morte...
Réalisation
Voici professionnel exceptionnel de l’univers du cinéma plusieurs fois Oscarisé alors qu’il ne réalisa que 22 films de 1946 à 1972. Films dont il fut souvent le scénariste voir le producteur.
Aucun de ses films ne passa inaperçu alors que, comme dit Wikipédia : « ses films se caractérisent par une quasi absence d’action, au sens hollywoodien du terme, et l’importance prépondérante des flashbacks, des dialogues et des rapports entre les personnages. »
Ses têtes d’affiches couvrent le gotha de l’époque (Marlon Brando, Elizabeth Taylor, Bette Davis, Ava Gardner *, Humphrey Bogart, Montgomery Clift, Gene Tierney, Vincent Price) avec une prépondérance d’acteurs britanniques : George Sanders, Rex Harrison, Cary Grant, Richard Burton, Laurence Olivier, Michael Caine, James Mason Maggie Smith… »
C‘est avec « Chaînes conjugales » 1949, qui remporte les Oscars du scénario et de mise en scène qu’i rencontre le succès. L’année suivante il réitère la performance, obtenant exactement les mêmes prix pour « Ève », 1950 qui remporte également l’Oscar du meilleur film.
En 1951, après avoir tourné « L’Affaire Cicéron » avec James Mason. Puis il quitte Los Angeles pour aller s’installer au calme sur la côte Est. En 1952, il adapte le « Jules César » de Shakespeare avec Marlon Brando en vedette.
Réalisateur et scénariste surdoué, aborda tous les genres, comme un western, le savoureux
« Le Reptile » 1972 avec, entre autre, Kirk Douglas Henry Fonda. En 1972, il tourne son dernier film, l’intrigant « Le Limier », dont la distribution se limite à deux acteurs (Laurence Olivier et Michael Caine) sans pour autant que cela ressemble à du théâtre filmé.
* Ce qui nous permet d’évoquer son chef d’œuvre le fascinant « La Comtesse aux pieds nus » avec Ava Gardner et Humphrey Bogart dont Mankiewicz dira lui-même : « « J’ai essayé de faire un conte de fées qui corresponde à la vie d’aujourd’hui, une version amère de Cendrillon. Le prince charmant aurait dû, à la fin, se révéler homosexuel, mais je ne voulais pas aller aussi loin. » Et qui s’attira des critiques comme celle de Jean-Pierre Coursodon et Bertrand Tavernier « On n’oubliera pas de sitôt (…) le chant passionné de La Comtesse aux pieds nus, éblouissant film sphinx aux mille facettes, combat désespéré d’une héroïne à l’inutile splendeur contre un monde sordide… »
Ce cinéaste de premier ordre était aussi un Monsieur.
« En 1950 alors qu’il est président de la Screen Director Guild, Cecil B. DeMille profite d’une période où Mankiewicz est absent pour tenter une offensive pro-maccarthysme. À son retour, Mankiewicz s’oppose à la manœuvre et, soutenu par John Ford, repousse l’attaque»
(Wikipédia)
Pour la petite histoire il obtient son étoile sur le Hollywood Walk of Fame le 8 février 1960
Qui fait quoi ?
Rex Harrison : Cecil Fox
Acteur britannique à la vie privée mouvementée ce qui ne l’empêchera pas d’être anobli par la Reine Élisabeth II en 1989.
On se souviendra de lui dans « My Fair Lady » 1960 et du rôle du Professeur Henry Higgins qu'il joua dans la comédie musicale, inspirée de la pièce de théâtre Pygmalion, de George Bernard Shaw auprès de Audrey Hepburn. Son rôle dans l'adaptation cinématographique lui valut de remporter l'Oscar du meilleur acteur.
Humoriste par prédilection il s’illustra aussi dans des films historiques ainsi il tint le rôle de Jules César dans « Cléopâtre » de Mankiewicz en 1963, face à Elizabeth Taylor, ou celui du pape Jules II dans « L'Extase et l'Agonie » de Reed en 1965, face à Charlton Heston dans le rôle de Michel-Ange. Harrison retrouvera Mankiewicz dans « L'Aventure de madame Muir » 1947 avec Gene Tierney. Sa stature, son flegme font de lui l’exemple type de l’Anglais distingué, tout comme David Niven
Cliff Robertson: William McFly
Une quarantaine de film et non des moindres pour cet acteur américain qui obtint l’Oscar du meilleur acteur pour son rôle tout en finesse avec beaucoup de sensibilité dans le film « Charly » 1969 de Ralph Nelson.
Maggie Smith: Sarah Watkins
Elle est considérée comme l'une des plus grandes actrices britanniques du XXe siècle en raison de la variété de ses rôles et de la longévité de sa carrière, elle est aussi l'une des plus récompensées, ayant reçu deux , entre autre deux Oscars, et je ne sais plus combien de Golden Globes, BAFTA, Elly Awards et Tony Award.
Elle est tout simplement, une fois de plus admirable dans le passionnant « Gosford Park » 2001 de Robert Altman qu’il n’est pas exclu de trouver prochainement en fiche. Plus récemment on a pu l’apprécier dans la série «Dowton Abbey » où elle est Lady Violet Crawley comtesse douairière de Grantham, mère de Lord Grantham
Susan Hayward: Mrs Sheridan
Cette superbe actrice a été une habituée des films de Joseph Mankiewicz, Henry King, Edward Dmytryk et surtout Henry Hathaway. Elle tourne avec Gregory Peck dans « David et Bethsabée » 1951 et « Les Neiges du Kilimandjaro » 1952 de Henry King. Elle est complimentée pour des rôles difficiles. Elle joue ainsi la femme dépressive du président Andrew Jackson dans « The President's Lady » 1953. Son interprétation de l'actrice alcoolique Lillian Roth dans « Une femme en enfer » 1955 lui vaut le prix d'interprétation féminine au festival de Cannes en 1956. Elle reçoit l'Oscar de la meilleure actrice en 1959 pour son rôle de la meurtrière Barbara Graham dans « Je veux vivre ! ».
Capucine : La princesse Dominique
Tout aussi superbe est cette actrice française qui est aussi mannequin.
Son rôle le plus marquant de cette période, demeure celui de Simone Clouseau, épouse du célèbre inspecteur interprété par Peter Sellers dans La Panthère rose de Blake Edwards en 1963 (et deux de ses suites, vingt ans plus tard).
Mais on oubliera pas « Le Grand Sam » où la critique américaine remarque que « Capucine, la svelte actrice française engagée pour jouer « Ange », apporte au film une heureuse touche de classe » auprès de son partenaire John Wayne et que « Capucine met beaucoup plus d’intensité dans son interprétation de fille de dancing terreux qu’elle ne l’a fait précédemment dans son rôle larmoyant du « Bal des adieux » » 1960 selon The New York Times » Faut le faire ! Bravo Madame !
Edie Adams: Merle McGill
Une dizaine de films ( beaucoup, beaucoup plus de télévision et de téléfilm) pour cette curieuse femme d'affaires américaine, chanteuse et humoriste, comédienne à Broadway et actrice à la télévision et au cinéma.
Adolfo Celi: L'inspecteur Rizzi
Tout le monde mettra rapidement un visage sur cette acteur italien quand on saura qu’il joua le méchant dans « Opération Tonnerre » 1965 ou il joue le milliardaire borgne Emilio Largo.
Avant cela il fut un important metteur en scène de théâtre en Amérique Latine.
Par la suite on le retrouve en officier britannique dans « Le Roi de cœur »1966 de Philippe de Broca. (voir fiche)
Hugh Manning: Volpone
Acteur de théâtre et un peu de cinéma avec seulement 9 films à son actif. Non des moindres cependant puisqu’on y trouve : « Les Briseurs de barrages » 1955de Michael Anderson, 1959 « Notre agent à La Havane » de Carol Reed, 1973 « Le Piège de John Huston » 1973 « Elephant Man » 1980 de David Lynch, excusez du peu.
Pax
Prochainement « Ève »