Volpone ou le renard, joué pour la première fois en 1606, est l'une des comédies les plus brillantes de Ben Jonson (1572-1637), poète et dramaturge dont la réputation fut équivalente à celle de Shakespeare en son temps. Il s'agit de sa comédie peut-être la plus exubérante, où il donne libre cours à son génie satirique pour montrer les effets de la soif de l'argent, et notamment la perversion des relations entre les individus.
En 1928, adaptée par Jules Romains et Stefan Zweig, la pièce connut un grand succès auprès du public français, Volpone y prenant les traits de Charles Dullin. Suivit en 1939 une version cinématographique par les soins de Maurice Tourneur, avec Harry Baur dans le rôle-titre et Louis Jouvet
Aujourd’hui c’est « Volpone» (1941)
Quelle est l’histoire ?
C’est l’histoire d’une vengeance.
Volpone le levantin avait été jeté en prison par ses créanciers. Pour se venger il met sur pied un efficace et diabolique dispositif. En prison, il avait fait la connaissance d’un peu recommandable parasite du nom de Mosca. C’est ce dernier qui deviendra le deus ex machina de l’affaire. Avec son accord il fait croire que Volpone est à l'article de la mort. Il fait miroiter alors l'héritage aux rapaces qui entourent Volpone.
Mais c’est lui finalement qui tirera les marrons du feu. Désinvolte et cynique, c’est lui qui empochera l'argent.
Réalisation
Maurice Tourneur est né en 1876. Il fut un très grand réalisateur international à l’époque du muet puis du parlant : une quinzaine de film. Il est le père du cinéaste franco-américain Jacques Tourneur lequel fit l’essentiel de sa carrière aux États Unis.
Maurice tourneur fait partie des très rares artistes français à avoir été honorés par une étoile au Hollywood Walk of Fame à Los Angeles.
Qui fait quoi ?
Louis Jouvet : Mosca, confident et homme à tout faire de Volpone
Comédien, metteur en scène et directeur de théâtre français, professeur au Conservatoire national supérieur d'art dramatique Louis Jouvet est une des plus grandes personnalités du monde du théâtre et du cinéma. Il épouse totalement cet univers qu’il incarne avec force sérénité et une certaine grâce. Certains conseils qu’il donne à ses élèves dans « Entrée des Artistes » 1938 sont, à l’évidence tirés de son vécu. « Soyez léger, vous serez lourd » « Vous entrez dans la vie quand de rideau se lève, restez y quand il se ferme.
Jacqueline Delubac : Colomba, la femme de Corvin
Actrice de talent au théâtre comme au cinéma elle fût la troisième * femme de Sacha Guitry, qui venait d’être lâchée par Yvonne Printemps**, il la fit jouer dans 23 pièces. Elle fut aussi une grande collectionneuse de peinture dont une partie fut légué au Musée des Beaux-Arts de Lyon.
Réputée une des plus belles et élégantes femme de Paris, sa garde-robe « griffée » (600 pièces) a été offerte au Musée de la mode et du textile de Paris.
* Guitry qui a 50 ans, soit 23 de plus qu'elle. Le faire-part comporte ce mot du Maître : « « J'ai le double de son âge, il est donc juste qu'elle soit ma moitié »
** On raconte le dialogue entre Guitry et Yvonne Printemps lors d’un petit déjeuner à l’époque de leur vie commune :
Guitry - « Vous savez chère, cette nuit j’ai rêvé de vous. J’ai pensé, enfin froide ! »
Elle - « Comme c’est curieux, moi aussi j’ai rêvé de vous. J’ai pensé enfin raide ! »
Colette Régis : la marquise lors du banquet
Quelque soixante-quinze films en trente-quatre ans de carrière pour cette actrice abonnée aux seconds rôles essentiels son emploi étant celle de femme revêche et/ou un peu excentrique
Harry Baur : Volpone, le commerçant levantin
Un des plus grand acteurs de théâtre et de cinéma de l’entre-deux guerre et reconnu comme tel. Il tourna 40 films en douze ans et fut un réel « Monstre sacré ». Hélas, il est tombé dans l’oubli victime de la vindicte antisémite de l’époque alors que ni ses origines (Alsacien marié à une Lorraine) ni sa généalogie ne prêtent à confusion. Il fut également victime d’une animosité personnelle de Goering contre lui car ce dernier redoutait la supériorité du cinéma français sur celui du Reich. Les maltraitances subies furent telles qu’il mourut six mois après sa Libération ou l’on eut la cruauté suprême de lui dire que ses tortionnaires et leurs supérieurs savaient fort bien qu’il n’était pas juif.
Il reste un inoubliable et convaincant Commissaire Maigret dans « La tête d’un homme » 1932 de Julien Duvivier.
Charles Dullin : Corbaccio , l'usurier
Homme de théâtre et de cinéma en tant qu’acteur et/ou metteur en scène ou encore directeur de théâtre comme le théâtre du Vieux Colombier avec Jacques Copeau, le Théâtre de l’Atelier, le Théâtre Sarah Bernard ou encore le théâtre de la Cité, Il participa à beaucoup d’aventure dans ce domaine avec Louis Jouvet, Gaston Baty et Georges Pitoëff. En 1927, il fonde le « Cartel des Quatre », visant à faire entendre le théâtre non mercantile Il y avait déjà, à l’époque l’opposition au Théâtre « de boulevard ». Le Cartel des Quatre, au côté d'André Barsacq, Jean-Louis Barrault, Jean Vilar et Jean-Paul Sartre, impulse le mouvement de renouvellement français qui aboutira à un « théâtre décentralisé populaire ».
Fernand Ledoux : Corvino, le mari jaloux
Grand acteur de théâtre formé et lauréat du Conservatoire national d’art dramatique il devint Sociétaire de la Comédie Française. Cependant c’est au cinéma avec 80 films tournés qu’il devint populaire. Il jouait aussi bien la comédie que les drames.
On le remarque dans « La Bête humaine » 1938 de Jean Renoir ou aussi « Les Visiteurs du soir » 1942 de Marcel Carné ou encore « Le Jour le plus long » 1962 de Darril Zanuck
Jean Temerson : Voltore, le notaire
Après une carrière en dents de scie en raison de l’époque et de sa confession juive, son dernier film fut « Les Diaboliques » 1955 de Henri-Georges Clouzot ou il joue un garçon d’hôtel. C’était la troisième fois qu’il jouait pour Clouzot
Alexandre Rignault : le capitaine Léone, fils de Corbaccio
Grand acteur de théâtre par la grâce de Louis Jouvet à qui il avait écrit. Jouvet l’a engagé en tant qu’utilité. Pendant une quinzaine d’années, le jeune comédien est distribué dans des œuvres signées Nicolas Gogol, Marcel Achard ou encore Jules Romains, et participe à la création de trois pièces de Jean Giraudoux : Amphitryon 38 (1929), Intermezzo (1933), à la Comédie des Champs-Élysées, et Ondine (1939) au Théâtre de l’Athénée. Après la Seconde Guerre mondiale, on le voit encore dans plusieurs pièces, de Paul Claudel entre autres, présentées au théâtre du Vieux-Colombier. Avouez que ce n’est pas rien.
Il eut aussi une brillante au cinéma. Pour ses débuts, en, il interprète le critique d’art Langelard dans « La Chienne » 1931de Jean Renoir, un drame social et réaliste avec Janie Marèse et Michel. Il n’eut pratiquement jamais de rôle de premier plan ce qui ne l’empêcha nullement d’être apprécié des réalisateurs pour toutes sortes de rôles.
Pierre Sabbagh : un Vénitien
Qui eut cru que cet homme journalise et présentateur de télévision avait tâté du cinéma. Volpone est son seul film, celui qui lui fit renoncer au cinéma sur les conseils de Charles Dullin.
Roger Blin : un Vénitien
Quelque 90 films au palmarès de cet étrange acteur que l’on a déjà rencontré dans « Entrée des Artistes » 1938. C’est aussi un homme de théâtre comme directeur de salle et metteur en scène. C’est à lui que Samuel Beckett confiera, entre autre, le manuscrit de « En attendant Godot
Charles Denner : un valet
Volpone est le tout premier contact de Charles Denner avec le monde du spectacle. Sa carrière au théâtre n’est pas négligeable mais c’est au cinéma qu’il obtint la reconnaissance du public.
Il fut un acteur fétiche de Claude Lelouch qui le fit tourner dans cinq films. Mais, alors que beaucoup de ses films sont inoubliables avec sa voix un peu rauque et sa diction hachée autant qu’empressé, il restera l’inoubliable « L’homme qui aimait les femmes » 1977, un des meilleurs films de Truffaut.
Bons Moments
Presque chaque scène avec Jouvet. Il est extraordinaire quand il fait miroiter un gain important à l’un ou à l’autre en prenant le complice du moment pour témoin. On ne sait si le clin d’œil de circonstance est adressé à ce dernier, à lui-même de contentement ou au spectateur. Avec beaucoup de finesse c’est Guignol qui demande aux enfants s’ils n’ont pas vu le gendarme alors que lui-même vient de mimer un coup de bâton sur le bicorne du pandore.
Silence, je regarde Volpone il ne faut rien rater.
Pax
Prochainement « Guêpier pour trois abeilles »
Paul-Louis MIGNON présente la mise en scène de "Volpone", pièce de Ben Jonson mise en scène par Jo Tréhard, spectacle du Théâtre de Caen présenté à Paris, au Théâtre Sarah Bernhard. Lon...
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