Hors celui du vin, j’ai aussi beaucoup investi dans celui du lait depuis l’instauration des quotas laitiers sous présidence française avec Rocard jusqu’à leur disparition Le Foll étant Ministre. Nous disposons dans ce secteur de poids lourds mondiaux : Lactalis, Danone et de mi-moyens : Bongrain, Sodiaal, Bel.
La filière laitière est à un carrefour ICI
La filière laitière française est à la croisée des chemins. Passée entre les gouttes du coronavirus, elle se prépare à un chambardement avec un départ en retraite massif de ses producteurs.
LES 500 PLUS GRANDES FORTUNES DE FRANCE
2021
#11
Emmanuel Besnier et sa famille
12 000 M€
Emmanuel Besnier, PDG de Lactalis, au JDD : « Il faut repenser notre modèle alimentaire »
26 février 2022
Le patron du numéro un mondial des produits laitiers alerte sur les tensions au sein de la filière.
- Emmanuel Besnier, 51 ans, a succédé à son père Michel en 2000 à la tête d’un groupe qui emploie aujourd’hui 85 000 salariés dans 51 pays. Trois de ses marques (Président, Galbani et Parmalat) dépassent le milliard d’euros de chiffre d’affaires. Très discret dans les médias, le patron du groupe fait le point en exclusivité pour le JDD, alors que s’ouvre le Salon de l’agriculture .
Comment se porte le groupe après deux ans de crise sanitaire ?
Lactalis continue de se développer, comme le montre la croissance d’un peu plus de 4 % du chiffre d’affaires en 2021, à 22 milliards d’euros. Nous continuons de gagner des parts de marché, en France comme à l’international. Nous avons également réalisé plusieurs acquisitions, dont celle de Leerdammer et des yaourts Iögo au Canada, ainsi que des fromages naturels du groupe américain Kraft, numéro un en grande distribution aux États-Unis. Notre plus grosse opération l’an dernier.
Pour quel montant ?
Environ 2,5 milliards d’euros. Ce rachat est symbolique pour le groupe : les États-Unis sont le premier pays où Lactalis s’est implanté hors de France. Mais notre volonté de toujours continuer à nous développer en France, qui représente 20 % du chiffre d’affaires total, demeure inchangée.
Allez-vous poursuivre votre stratégie de croissance externe ?
Nous étions très dépendants du marché français, qui représentait les deux tiers de notre activité. Après une petite centaine d’acquisitions en vingt-deux ans, le groupe a multiplié sa taille par six. Il est aujourd’hui plus équilibré, géographiquement et dans son portefeuille de produits. Nous sommes numéro un mondial des produits laitiers – et numéro trois du bio dans ce domaine –, présents sur toutes les catégories, du lait de consommation au beurre, en passant par l’ultra-frais. Nous n’avons qu’un métier, mais nous y sommes très actifs. Le marché est en croissance. Notre chiffre d’affaires devrait approcher 25 milliards d’euros en 2023.
Comment identifiez-vous les cibles potentielles ?
Nous avons une équipe interne de fusions-acquisitions. Être une entreprise familiale indépendante et non cotée nous permet de nous décider très rapidement.
J’ai décidé d’engager le groupe sur la voie d’une croissance rentable et responsable
Les laits végétaux connaissent un réel essor. Comment analysez-vous l’évolution de la consommation ?
Le marché des produits laitiers reste très porteur. Ce sont des aliments de base dès la naissance, nutritionnellement bons. Et la richesse de la palette des produits issus du lait est extraordinaire. Je suis persuadé que nous pouvons encore les développer. Les Européens restent de gros consommateurs, même si les usages du petit-déjeuner évoluent.
Pourquoi le bio décline-t-il ?
Le bio a connu une croissance ininterrompue depuis trois décennies, mais il est plus cher, d’environ 40 à 50 % pour le lait, par exemple. Malgré ses avantages – équitable, local, bon pour la biodiversité –, son prix est un frein pour certains consommateurs. Et il pâtit de la concurrence de produits spécifiques et moins chers, qui ont émergé ces dernières années, avec des labels « sans OGM ». Ou des produits locaux, qui génèrent de la confusion pour les consommateurs.
La question du pouvoir d’achat est au cœur des préoccupations des Français, compte tenu du retour de l’inflation. Où se situe leur budget alimentaire aujourd’hui ?
La notion de prix est toujours importante, même si ceux de l’alimentation ont baissé sans interruption depuis dix ans. Les industriels ont absorbé les hausses sans les répercuter, grâce à des efforts de productivité. Le budget mensuel alimentaire moyen par foyer français atteint aujourd’hui 385 euros. Mais la nécessaire prise en compte du revenu des producteurs et d’un meilleur respect de l’environnement a un coût. Il faut repenser notre modèle alimentaire et nous en donner les moyens. J’ai décidé d’engager le groupe sur la voie d’une croissance rentable et responsable. Nous serons neutres en carbone à l’horizon 2050. Nous avons fixé un objectif minimum de 30 % de matériaux recyclés et 100 % d’emballages recyclables en 2033. Le groupe va accompagner ses éleveurs partenaires pour une meilleure prise en compte du bien-être animal.
Quels sont les risques d’une inflation durable ?
Depuis mon arrivée à la tête du groupe, en 2000, je n’avais jamais connu un tel niveau d’inflation dans les matières agricoles, les emballages et l’énergie. Nous avons la chance en France d’avoir une filière laitière d’excellence. Notre pays compte peu de métiers où un groupe français occupe la position de numéro un mondial. Les crises successives ont mis en avant l’importance de la souveraineté alimentaire et de la réindustrialisation à l’échelle européenne. Le risque, c’est que la filière ne peut à elle seule absorber l’augmentation des coûts sans remettre en cause sa pérennité.
Chez Lactalis, nous défendons un modèle exportateur et acteur de la transformation
Les négociations commerciales annuelles dans le cadre de la loi EGalim entre producteurs et distributeurs touchent à leur fin. Quel en sera le résultat ?
Le climat est tendu. Peu d’accords ont été conclus. Les distributeurs n’acceptent pas de répercuter la hausse des matières premières agricoles et des coûts industriels, qui s’élèvent cette année à 8 à 10 % avant d’éventuelles répercussions de la crise ukrainienne. Ce n’est pas soutenable pour les agriculteurs, ni pour l’industrie agroalimentaire. Les mutations requises par les transformations environnementales et sociales devront également être financées.
Qu’en est-il du prix du lait ?
Il est plutôt bien valorisé en France, grande puissance laitière au niveau mondial, avec une hausse continue depuis la crise de 2016. Lactalis rémunère mieux que ses concurrents de taille comparable. Nous créons aussi de la valeur en développant des filières comme le bio ou les AOP, dont nous sommes le numéro un européen.
Mais le nombre d’exploitations diminue ?
Oui, de 2 à 3 % par an. Mais il y a un renouvellement et des regroupements. Cela reste un beau métier, malgré des problèmes de revenus importants. Il faut le rendre attrayant, et la rémunération en fait partie. Chez Lactalis, nous défendons un modèle exportateur et acteur de la transformation. Agriculteurs et industriels sont liés dans une même chaîne de valeur. Il faut accepter une augmentation de la taille des exploitations en France, qui se situent en dessous de la moyenne européenne. Leur taille ne menace pas, au contraire, leur capacité à assurer la transformation environnementale.
Lactalis est-il présent en Ukraine ?
Oui, depuis trente ans. Le groupe y emploie un millier de salariés. Nous sommes totalement mobilisés pour garantir la sécurité de nos collaborateurs. C’est notre seule priorité aujourd’hui.