Je l’ai vu.
J’ai beaucoup aimé.
James Stewart : la star a espionné ses amis acteurs pour le compte du FBI et de J. Edgar Hoover
Fou d'aviation, James Stewart devient pilote en 1935, à l'époque où il entame sa brillante carrière hollywoodienne. Religieux et patriote, son engagement dans l'armée, alors que les Etats-Unis entrent en guerre, ne fait aucun doute. Chef d'état-major à la tête d'une escadre de bombardiers, il effectue vingt missions au-dessus des territoires occupés par les nazis et survole même, en la bombardant, l'Allemagne hitlérienne. Aussi, le retour à la vie civile, en 1945, a pour lui un goût amer. Et même le film qu'il tourne dans la foulée, "La Vie est belle", signé Frank Capra, témoigne de son désabusement. Devenu avec le temps un classique, cette comédie-dramatique est, lors de sa sortie, un échec qui fait douter Stewart. C'est dans ce contexte de profonde remise en cause qui précède de peu son mariage avec celle qui deviendra la femme de sa vie, Gloria, que survient un événement important.
Combat contre la mafia
'Jimmy' Stewart a 39 ans, en 1947, lorsque le tout-puissant patron du FBI, J. Edgar Hoover l'approche pour lui demander de le servir et débusquer les gens potentiellement subversifs et dangereux ayant infiltré la communauté hollywoodienne. "Jim, racontera son épouse Gloria, avait escaladé pieds nus la montagne et vu le buisson ardent - seulement Dieu avait revêtu l'apparence de J. Edgar Hoover." Ce dernier parle à Stewart de Mafia et de gens qui, tels Bugsy Siegel, le fondateur de Las Vegas, auraient pervertis les valeurs de l'industrie du cinéma. "Quand Hoover a réalisé que Jim était prêt à combattre le crime organisé, ajoutera Gloria Stewart, il a joué sur cette corde là. Jim aurait tout fait pour expulser ces gangsters de la côte ouest." Petit problème : si certains artistes marchent main dans la main avec les chefs mafieux, tel Frank Sinatra, d'autres se contentent de sympathiser avec eux, fréquentant leurs établissements mais sans en retirer de bénéfices personnels. A l'image d'un proche de Stewart : Cary Grant. "Jim, poursuivra sa veuve, était préoccupé de ce qui pourrait arriver à des amis comme Cary, qui avait noué des relations d'amitiés avec des gens tels que Siegel."
Chasse aux communistes
Mais à l'aube du maccarthysme, Hoover poursuit en réalité un autre but. Le crime organisé n'est qu'un prétexte. Les chefs mafieux et le patron du FBI se tiennent dans un subtil équilibre de la terreur. Ces derniers connaissant les turpitudes privées d'un Edgar adepte de mœurs qu'il ne cesse par ailleurs de dénoncer. Hoover manipule en fait Stewart dans sa chasse aux communistes. Un combat qui convient tout autant au comédien. Stewart ne partage pas, par exemple, la sympathie de Cary Grant pour ces "gauchistes" que sont Clifford Odets ou Charlie Chaplin. Il ne comprend pas que son metteur en scène fétiche Frank Capra, pourtant à droite, collabore avec le trop "progressiste" Sidney Buchman, scénariste de ses meilleurs films. Une exception, pourtant, à ces anathèmes. Jimmy a pour meilleur ami... Henry Fonda, fervent démocrate et homme de centre-gauche. Lorsque "Hank" découvre l'action inavouée de son quasi-frère, c'est la rupture. Une brouille qui va durer presque une décennie. Avant que les deux hommes de réconcilient, au début des années 1960. Ce qui ne fera guère changer Stewart de braquet. En 1966, il effectue ses derniers largages de bombes au-dessus du Vietnam "rouge". Et lorsque son beau-fils meurt au combat, il s'en pare comme d'une gloire. Plus radicale, encore, que l'ultra-droitier John Wayne.
Jusqu'au bout, et sa mort en 1997, Jimmy Stewart, tout en gardant secret son recrutement par le FBI, restera rivé à ses idéaux. Sans que jamais sa popularité en pâtisse...
Aujourd’hui c’est « Rendez – vous » (1940)
Pourquoi ce film ?
Line Renaud chantait : « Combien pour ce chien dans la vitrine ? » Aujourd’hui Ciné papy vous invite à jeter un coup d’œil dans une autre vitrine, sympathique moyen d’entrer de plein pied dans l’univers de ce très grand cinéaste qu’est Ernst Lubitsch qui avait intitulé son film « The Shop Around the Corner » pauvrement traduit par « Rendez-vous »
Quelle est l’histoire ?
Personne d’autre que Wikipédia ne vous résumera mieux le synopsis
À Budapest, Alfred Kali et Klara Novak travaillent dans la boutique de maroquinerie de Monsieur Matuschek. Les deux employés ne s'entendent guère. Alfred correspond par petites annonces avec une femme qu'il n'a jamais vue. Il découvre bientôt que cette mystérieuse inconnue n'est autre que Klara, l'employée qu'il déteste au magasin. Sans révéler à celle-ci la vérité, il cherche à se rapprocher d'elle et à s'en faire aimer.
Réalisation
Ernst Lubitsch est un réalisateur américain d'origine allemande, émigré aux États-Unis en 1922.
Réalisateur prolifique, il a tourné plus d'une cinquantaine de films en trente ans. Il a marqué l'histoire du cinéma par ses comédies, avec notamment « Sérénade à trois » 1933, « Ninotchka » 1933 avec Greta Garbo qu’on entend rire pour la première fois. « Jeux dangereux (To Be or Not to Be) » 1942, « Le ciel peut attendre » 1943.
Il commença par être acteur comique dans sa jeunesse allemande avec un succès équivalent d’Harold Lloyd voir Chaplin aux États Unis ou Max Linder en France. C'est un travailleur acharné et chaque film semble surpasser le précédent, en qualité et en succès (critique et commercial). Par la suite, sa verve, son humour, son imagination mais aussi son ironie contribua à ce qu’on va appeler la « Lubitsch Touch »
La « Lubitsch Touch » se caractérise par une retenue élégante des sentiments, rien n'explose, c'est ainsi que Lubitsch cultive l'ellipse, l'attente, la surprise, allant ainsi contre l’expressionnisme du cinéma allemand et de façon générale du cinéma muet C'est également un art de vivre, une certaine manière de vivre les échanges, les relations aussi bien entre les personnages dans le film qu'entre le film et les spectateurs. C'est également une expression de l'humour juif, une façon de résister avec élégance aux agressions de la bêtise humaine. C’est ainsi qu’en parle Wikipédia qui donne par ailleurs une douzaine de définition élaborée par des critiques et/ou historiens du cinéma.
Ernst Lubitsch est considéré comme l'inventeur de tous les codes de la comédie moderne3sa postérité est donc impossible à mesurer. On peut cependant penser que, En France, Philippe de Broca (voir la fiche de Ciné papy « Le roi de Cœur ») en est un héritier direct. Son succès en France est considérable.
Il existe de nombreuses affinités et liens d'amitié réciproque entre Ernst Lubitsch et la France. Déjà en 1936, lors du tournage de La Huitième Femme de Barbe-Bleue, Lubitsch avait été gratifié de la Légion d'honneur. Un peu moins de 60 ans plus tard, en 1992, lorsque la revue de cinéma Positif, tenta de statuer sur les vingt films les plus importants de l'histoire du cinéma, elle mit « Jeux dangereux » (To Be or not To Be) »1942 à la 17e place Cet amour est réciproque. Entre 1930 et 1939 la quasi-totalité de ses films se déroulent en France. Mais on parle aussi, beaucoup français chez Lubitsch (dans « Le ciel peut attendre » 1943, et dans « Sérénade à trois » 1933, une scène entière se passe dans la langue de Molière). Il est enfin à noter que Lubitsch a beaucoup usé d'interprètes français comme Maurice Chevalier, Claudette Colbert, ou encore Charles Boyer et d'auteurs français inspirant ses scénarios.
Qui fait quoi ?
Margaret Sullavan : Klara Novak
Assez peu connu en France sauf pour les passionnés des films de Frank Borzage avec qui elle tourna quatre films (sur 17 que compte sa filmographie ) En 1939, elle est nommée à l'Oscar de la meilleure actrice pour son rôle dans « Trois camarade s » justement de Frank Borzage. C’était un spécialiste des mélodrames et des films « d’amour » au cinéma.
James Stewart : Alfred Kralik
Ciné papy est pris de vertige à l’idée d’évoquer ce monument du Septième art. James Stewart est classé troisième plus grand acteur du cinéma américain de tous les temps par l'American Film Institute en 1999.
Il eut une carrière aussi riche qu'éclectique. Son nom est associé à des chefs-d'œuvre tels que « Mr. Smith au Sénat » de Frank Capra1939, « Indiscrétions » 1940, « La vie est belle » 1946, «La Corde » d’Alfred Hitchcock 1948, « Winchester 73 » 1950 d’Anthony Mann ,« Fenêtre sur cour » 1954, « L'homme qui en savait trop » 1956, « Sueurs froides » 1958, ces trois dernier encore d’Alfred Hitchcock « L'Homme qui tua Liberty Valance » 1962 ou encore « La Conquête de l'Ouest » 1962 ces deux derniers de John Ford encore.
Il est l’acteur ayant le plus grand nombre de films présents dans les 100 plus grands films américains de tous les temps.
Avec ça, bon père, bon mari à la vie privée aussi irréprochable que discrète. Et en plus citoyen responsable il s’engea et connut une belle carrière militaire dans l'armée de l'air américaine au début de la Seconde Guerre mondiale. Il fut honoré des plus hautes distinctions et se retira en tant que brigadier général.
On va en rester là pour cette fois car, c’est sûr, on le rencontrera encore dans les prochaines fiches
Frank Morgan : Hugo Matuschek
Surtout connu en France pour son interprétation dans « Le Magicien d’Oz » 1939. Joseph Schildkraut : Ferencz Vadas
Cinquante films de 1915 à 1964 avec des metteurs en scène peu connus en France à l’exception de Lubitsch et de Cécil B.DeMille. Il est aussi le Capitaine Dreyfus dans « La Vie d’Émile Zola » 1937 de William Dieterle Oscar du meilleur film en 1938, Ce film rafla 3 dont l’Oscar du meilleur second rôle masculin pour Joseph Schildkraut. Le troisième Oscar fut celui du scénario.
Charles Halton : le détective (engagé par Kralik pour suivre Klara Novak dans sa recherche pour savoir qui est « la dame de ses pensées » de cette dernière.
Une carrière qui comporte quelques cent soixante-quatorze films dont quelques muets .Il fut tourna ainsi, trois fois pour Hitchcock, trois fois pour John Ford, quatre fois pour William Wyler et trois fois pour Lubitsch. Citons pour mémoire les grands pour lesquels il ne tourna qu’une fois comme Curtiz, Vidor, Cukor ou Huston.
Et si pour une fois on parlait musique
La musique joue un rôle fort important chez Lubitsch.
Il existe plusieurs compositeurs attitrés de Lubitsch : le premier est Oscar Straus, un auteur d’opérettes contemporain de Franz Lehár Lubitsch commence par faire une version cinématographique d’une de ses opérettes créée en 1907 « Le Lieutenant souriant », 1931 puis fera à nouveau appel à lui pour composer la musique originale d’ « Une heure près de toi » 1932
Le second est Friedrich Hollaender compositeur allemand puis britannique, qui rédigera la partition de « Désire » 1937 et, surtout, celle d’ « Anges. 1937 avec Marlène Dietrich. Enfin, Werner R. Heymann, musicien plus obscur mais qui se prêtait fort bien au langage cinématographique. Il fut le plus utilisé par Lubitsch avec quatre film à son actif: « Ninotchka, » 1933 « The Shop Around the Corner, »1940 « That Uncertain Feeling » (Les Illusions perdues) 1941 et « To Be or Not to Be. » 1942
Remarques
La « Lubitsch Touch » n’empêche pas la profondeur. A cette époque, à Hollywood, les films avait, généralement pour cadre la haute bourgeoisie américaine (comme « Indiscrétions » 1940 de Cukor, sorti la même année)
« Rendez-vous » met en scène des employés, personnages ordinaires. Leur fragilité, mais aussi leurs mesquineries, sont observées avec humour et humanité par Lubitsch. C'est l'un des rares films de l'époque à aborder le thème du chômage.
Qu’en pensent-ils ?
Billy Wilder *, à son enterrement, aurait sangloté « Plus de Lubitsch », se voyant répondre par William Wyler « Pire que ça : plus de films de Lubitsch ».
* Immense scénariste/metteur en scène du cinéma américain. Incontestablement un des plus grands. Parmi tous ses succès on compte « Assurance sur la mort » 1944 dont Hitchcock dira : « Depuis assurance sur la mort, les deux mots les plus importants du septième art sont Billy et Wilder » Nous aurons l’occasion d’y revenir souvent dans les futurs fiches.
Billy Wilder, encore, qui définit, à sa manière, la « Lubitsch Touch » : « C'était l'utilisation élégante de la super blague. Vous aviez une blague et vous vous sentiez satisfait, puis il y avait une autre grosse blague dessus. La blague à laquelle vous ne vous attendiez pas. C'était la Lubitsch Touch... »
Pour Bertrand Tavernier et Jean-Pierre Coursodon, « Rendez-vous » est « sans conteste l'un des grands chefs-d'œuvre » du réalisateur. Les scènes de Margaret Sullavan et James Stewart « laissent percer […] un engagement vis-à-vis des sentiments et des personnages assez rare chez ce cinéaste du détachement et de l'ironie ».
Mais on n’est jamais si bien servi que par soi-même.
« Pour la comédie humaine, je n'ai rien produit d'aussi bon. Je n'ai jamais fait non plus un film dans lequel l'atmosphère et les personnages aient été plus réels que dans celui-ci » disait Lubitsch.
Pax