Ce fut une longue et rude bataille, telle la chèvre de monsieur Seguin, les organisations professionnelles du vin, se sont battus pour s’opposer aux exigences d’étiquetage des ingrédients et des calories contenus dans leur nectar. Le vin, n’était pas une boisson comme les autres, le discours culturel, le terroir et patati et patata, permettait de le justifier, mais le vin est aussi une boisson alcoolisée comme le cidre, les alcools, les spiritueux, alors comme les boissons alcoolisées sont le dernier produit alimentaire préemballé à ne pas devoir étiqueter les ingrédients et les calories, la pression pour mettre fin à cette exception a été de plus en plus forte : le Parlement Européen et certains Etats Membres y étaient favorables, les associations de consommateurs sont de plus en plus offensives…
Les naturistes aussi
En mars 2017, dans un rapport, la Commission Européenne a annoncé sa volonté de mettre fin à cette exemption et donné alors un an à l’ensemble des filières des boissons alcoolisées – vins, bières, spiritueux, cidres – pour faire une proposition d’autorégulation sur le sujet.
La mise en place d’un étiquetage nutritionnel et d’une liste dématérialisée des ingrédients a été définie par la nouvelle Politique Agricole Commune (PAC 2023-2027). « On va indiquer sur l’étiquette le côté calorique par un symbole : E, pour énergie, avec un numéro indiquant le niveau calorique. Le label est encore à développer. Il y aura un QR Code pour un accès [par smartphone] au site de l’opérateur indiquant le contenu énergétique de la bouteille et en donnant les ingrédients (hors allergènes) »
« Si seule la seule valeur énergétique (qui pourra être exprimée avec le symbole (E)) figure sur l’étiquette ou l’emballage, la déclaration nutritionnelle devra être fournie par voie électronique, sans être affichée avec d'autres informations destinées à des fins de vente ou de marketing et sans collecte de donnée de l'utilisateur. La liste des ingrédients pourra également être fournie par voie électronique, sous les mêmes conditions » précise le ministère de l’Agriculture, ajoutant qu’avec ces nouvelles mentions, « l’objectif est d’assurer un haut niveau d’information du consommateur, selon des modalités adaptées aux spécificités du vin et qui restent simples pour les opérateurs ».
Transparence accrue
Le Copa-Cogeca (Comité des Organisations Professionnelles Agricoles de l'Union européenne et Comité Général de la Coopération Agricole de l'Union européenne) salue « l'objectif d'une transparence accrue envers le consommateur et ont soutenu que les technologies d'étiquetage électronique seraient les plus appropriées pour fournir des informations complètes et précises tout en évitant de perturber les flux commerciaux ». La tenue en ligne des teneurs énergétiques (dépendant du degré alcool, et donc du millésime) et des listes d’ingrédients (potentiellement variables selon les vendanges) permet davantage de flexibilité dans l’actualisation des données.
Qu’est-ce qu’un « ingrédient » selon la filière viticole ?
Comme pour l’ensemble des produits agroalimentaires, il faut distinguer pour le vin, les additifs des auxiliaires technologiques. Les premiers – par exemple acide ascorbique, gomme arabique ou sorbate de potassium – sont considérés comme des ingrédients et doivent être indiqués aux consommateurs. Les seconds – par exemple le kaolin, le calcium ou la gélatine – ne sont plus présents dans le produit fini et ne sont pas considérés comme des ingrédients. La distinction entre additifs et auxiliaire technologiques se fonde sur une liste établie par l’Organisation Internationale de la Vigne et du vin (OIV). Ensuite, la filière propose que toutes les substances naturellement présentes dans le raisin et utilisées pour ajuster l’acidité ou la teneur en sucre soient exclues de la liste des ingrédients. Appartiennent à cette catégorie les acides citrique, lactique, tartique et malique ainsi que le sucre, le Moût Concentré (MC), le Moût Concentré Rectifié (MCR) et la liqueur de tirage dès lors qu’ils sont convertis en alcool lors de la fermentation et qu’ils ne servent pas à édulcorer le vin. Enfin, pour limiter au maximum les contraintes techniques les organisations suggèrent de laisser le choix à l’opérateur : soit de publier la liste des ingrédients présents dans chaque bouteille, soit de fournir les ingrédients selon un processus de vinification « habituel » (c’est-à-dire les ingrédients habituellement utilisés pour fabriquer un vin depuis plusieurs années), soit de renvoyer à l’ensemble des ingrédients potentiellement utilisables pour faire du vin.
Comment déterminer le nombre de calories d’un vin ?
Détailler une déclaration nutritionnelle complète – valeur énergétique, quantité de graisse, acides gras saturés, glucides, sucre, protéines, sel – ne présente pas beaucoup d’intérêt pour le vin. Il sera donc possible de limiter la déclaration nutritionnelle à la valeur énergétique du vin sur la base de 100 ml (volume de référence européen pour l’étiquetage des denrées alimentaires). Pour une compréhension plus simple pour le consommateur, l’opérateur pourra choisir d’ajouter le nombre de calories par portion (1 portion = 10g d’alcool soit environ 1 verre de vin). Pour évaluer le nombre de calories, l’opérateur aura plusieurs solutions : calculer lui-même le nombre de calories présents dans ses vins ou indiquer le nombre de calories selon une base de données européenne qui indiquera le nombre de calories généralement contenu selon le type de vin. Enfin, pour éviter les problèmes de traduction les complications à l’export, il sera possible d’utiliser le symbole international « E » (« Energy »).
Mais, horreur, malheur, un autre loup pointe le bout de sa truffe : «Le vin nuit à votre santé» et là, les naturistes, qui lichent sec, risquent de crier avec leurs ennemis au crime de lèse jaja !
Une étiquette «Le vin nuit à votre santé» est à l’étude au Parlement européen
À Strasbourg, on se prononcera la semaine prochaine sur le projet d’inclure un avertissement sur les risques pour la santé liés à la consommation de vin et autres boissons alcooliques. L’industrie vitivinicole, y compris suisse, y est opposée, et défend à la place une consommation raisonnable
En Suisse, l'étiquetage comprenant un avertissement de risques à la santé liés à la consommation de produits alcooliques serait contesté. —
Publié vendredi 11 février 2022 à 17:19
Des étiquettes sur les bouteilles de vin et d’autres alcools pour prévenir des risques sur la santé, comme sur les paquets de cigarettes? Une recommandation allant dans ce sens sera soumise au vote mardi prochain au Parlement européen. L’initiative revient à la Commission parlementaire spéciale sur la lutte contre le cancer (BECA) qui relève qu’en Europe 10% des cancers chez les hommes sont attribuables à l’alcool et 3% chez les femmes.
Alors que les producteurs de whisky, gin, vodka et autres gardent profil bas, en tout cas à ce stade, sur ce sujet, l’Organisation internationale de la vigne et du vin (OIV) s’y oppose et affirme qu’une consommation raisonnable du vin ne nuit pas à la santé. Sur son site internet, cette organisation intergouvernementale qui réunit les Etats producteurs de vin, dont la Suisse, dit défendre sa position sur la base de nombreux travaux de recherche sur les effets sur la santé d’une consommation modérée de vin.
Intérêts économiques non négligeables
Le secteur vitivinicole représente des intérêts économiques non négligeables au sein de l’Union européenne (UE). Les activités ont pesé près de 180 milliards de francs en 2019, un chiffre qui devrait atteindre 220 milliards en 2025, selon la banque de données Statista. En outre, il fournit quelque 2 millions d’emplois directs et indirects, soit 15% de tous les emplois liés à l’agriculture. Sur le plan mondial, l’industrie du vin a brassé un chiffre d’affaires de près de 340 milliards en 2020. L’Europe est aussi un exportateur majeur de vin, avec 22 millions d’hectolitres en 2010, contre 15,8 millions en 2010. En France, en 2018, les vins et spiritueux étaient le deuxième groupe de produits d’exportation (11,7 milliards d’euros), derrière les avions (20 milliards).
Le débat européen ne laisse pas l’industrie vitivinicole suisse indifférente. «Il ne nous appartient pas de commenter les démarches du Parlement européen, déclare d’emblée Olivier Savoy, secrétaire général de l’Association suisse du commerce des vins. Toutefois, sur le fond de la question, il n’est pas impératif de mettre des informations sur les risques de santé sur les étiquettes de vin.»
Selon Olivier Savoy, le secteur n’ignore pas les risques sur la santé et travaille depuis des années selon les principes du concept du programme européen Wine in moderation (WiM). «Au contraire d’avertissements anxiogènes, il sensibilise et informe de façon concrète et respectueuse sur une consommation responsable et modérée de vin, dit-il. Nous défendons et continuerons de défendre cette solution, en Suisse aussi.» WiM promeut un idéal «de responsabilité sociétale du secteur vin, qui, entre autres, incite les consommateurs à avoir une relation responsable au vin et à sa culture, dans un esprit de partage.»
«Le vote de la semaine prochaine, s’il est favorable à un étiquetage strict, n’aura qu’une valeur de recommandation, rappelle un porte-parole du Parlement européen. Seule la Commission a le pouvoir de proposer une législation – qui serait alors, elle aussi, votée et amendée par le Parlement et le Conseil.»
Toujours est-il, selon lui, que la proposition d’étiquetage figure aussi dans les plans de l’exécutif européen dans le cadre de la lutte contre les cancers au sein de l’UE. En effet, le rapport de la BECA salue l’objectif de la Commission de réduire d’au moins 10% la consommation d’alcool d’ici à 2025 et l’encourage à promouvoir des actions de réduction de la consommation grâce notamment à l’amélioration de l’étiquetage des boissons alcoolisées par l’ajout d’avertissements sanitaires. A présent, l’étiquette sur la bouteille de vin doit obligatoirement donner trois informations: provenance, taux d’alcool et volume.
L’OMS s’engage aussi
En réalité, le débat sur des étiquettes responsables sur les bouteilles de vin ne se limite pas à l’Europe. A Genève, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) s’en est également saisie depuis des années. «Pour l’instant, nous rassemblons les bonnes pratiques concernant les étiquettes de mise en garde sanitaire sur les boissons alcoolisées, précise l’organisation dans une note adressée au Temps. La suite dépendra des résultats de cette première phase des travaux.» Dans le cas du tabac, l’OMS tient un langage ferme et affirme qu’il s’agit d’un produit cancérigène.
Du reste, l’OMS a accueilli une délégation de l’OIV le 3 février dernier pour discuter de la réduction de la consommation nocive de l’alcool. Cette dernière a plaidé avant tout pour distinguer le vin des autres boissons industrielles et du tabac par rapport aux risques pour la santé. Selon nos informations, l’OMS devrait adopter «une stratégie mondiale visant à réduire l’usage nocif de l’alcool» en mai. Il serait question notamment de politiques transparentes de prix et de taxation, ainsi que de la mise en œuvre d’étiquettes d’avertissement des risques pour la santé liés au vin et aux autres boissons alcoolisées.
Une tempête parfaite : Nutri-Score, alcool et santé ICI
Une tempête parfaite se prépare en Europe. Et l'un des facteurs clés est le vin.
Alain Tardi
14 février 2022