Qui se souvient du vin de comptoir ? ICI
Au temps des classes laborieuses les patrons de bistrots derrière leur bar versaient dans des verres ballon, à l’aide de bouteilles 6 étoiles capsulées, des vins de comptoir.
Les négociants-embouteilleurs de place, nichés au plus près des grandes villes, les fournissaient, La Société des Vins de France (SVF) où j’ai bossé avait ses installations d’embouteillages sur le port de Gennevilliers, ce qui lui permettait avec sa flotte de 120 camions de livraison d’alimenter les bistrotiers.
Pour s’approvisionner en volumes suffisants les négociants-embouteilleurs de place devaient aller puiser dans les grosses appellations offrant des prix attrayants : en l’occurrence les côtes-du-rhône et les corbières, une AOC et un VDQS.
Les vins arrivaient à Gennevilliers à la grande époque en barges remontant la Seine et train complet. Ça va sans doute choquer les petites louves et les petits loups qui pensent que le vin a toujours voyagé en bouteilles, pour autant, contrairement à une idée reçu, les vins de comptoir n’étaient pas d’affreuses daubes qui faisaient des trous dans l’estomac. Loin de là, nous recevions des échantillons des caves coopératives et j’ai souvent participé à leur dégustation.
En effet, à mon arrivée à la SVF on m’affecta aux services des achats de Jean Chatras ICI , un languedocien, en compagnie de Michel-Laurent Pinat. Terra incognita, je pataugeais grave, mais petit à petit j’ai appris ce qu’était un « sourcing » sécurisé en quantité et en qualité. Le vin de comptoir avait un profil qu’il fallait respecter, Jean Chatras et Michel-Laurent m’ont appris l’humilité et montré que la dégustation professionnelle est l’art du négociant, savoir acheter en fonction des goûts de la clientèle. à leur manière ils ont été le creuset de mon fichu rapport et je leur en sais gré.
Après quelques mois au service des achats, j’ai postulé à la direction de l’unité de Gennevilliers et, à mon grand étonnement, et à celui des syndicats et des cadres, on me la confia. Je me retrouvai donc à la tête de 800 salariés et à présider le Comité d’entreprise du site où se trouvait aussi la direction. Embouteiller, stocker, livrer, un défi journalier qui remet les pieds sur terre.
Bref, ce moment de ma vie fut fondateur de mon parcours dans le monde du vin, aussi bien d’un point de vue humain que technique. Livrer en casier rouge syndical des litres étoilés les épiciers de quartier n’était pas une sinécure. Du côté des vins de comptoir, je dois à la vérité historique, qu’ils étaient du ressort de la filiale CHR de la SVF, Bedhet-Vallette, basée à quelques encablures de notre établissement qui s’approvisionnait en camions citernes et livrait les bars. Michel-Laurent, issu de Compagnons Gourmets, ancêtre de Bedhet-Vallette, me mit au parfum. A l’époque Castel, notre concurrent était absent du CHR, notre rival était Richard qui fit fortune dans le café et la distribution de vins dans les cafés et restaurants.
Bref, faute avouée est à demi pardonnée, je peux maintenant vous brancher sur Le Rouge&leBlanc :
4e appellation française, les Corbières, « cette vaste appellation de 10 000 ha en production a dû se défaire d’une mauvaise réputation de région viticole produisant des millions de cols sans intérêt majeur, « rustiques » et « alcooleux ». L’importance d’un important tissu de grandes coopératives a probablement contribué à donner le sentiment (trompeur) d’une appellation tournée vers la production de masse. Or, les coopératives ont, du moins depuis les années quatre-vingt – et malgré des tâtonnements et des échecs – cherché à maîtriser les rendements, à être précis et rigoureux dans la vinification, à soigner les élevages et à valoriser les vins. En outre, leur nombre a diminué de manière significative, de cinquante-sept caves coopératives à la fin des années quatre-vingt, elles ne sont plus qu’une vingtaine en 2021. L’appellation a de plus bénéficié, au début des années 2000, de l’arrivée de nouveaux vignerons qui ont d’emblée pratiqué des méthodes culturales « bio », défendu une approche « terroir » et obtenu la reconnaissance d’un large public de professionnels et d’amateurs.
REMARQUES :
- Pas sûr que le rédacteur de ces lignes ait liché beaucoup de ballons de Corbières de comptoir. La notion de mauvaise réputation est bien relative pour les Corbières.
- Les coopératives de l’Aude étaient des outils politiques pesant lourds face au pouvoir, le Président national des coopératives vinicoles Antoine Verdale, était audois, de Trèbes, a régné pendant des décennies sur le mouvement. La diminution de leur nombre n’est pas un bon indice pour jauger l’appellation.
- Il existait aussi des grosses caves particulières qui créèrent le mouvement, en réaction contre les coopératives, des vignerons en caves particulières devenu aujourd’hui les VIF.
- L’Aude était la patrie avec l’Hérault des Comités d’Action Viticoles adeptes de la mèche lente.
- Les Corbières restent encore une production de masse.
- LeRouge&leBlanc ignore la coopérative d’Embres&Castelmaure tout comme les vins nus mais aime le grand Gégé. Ce type de ségrégation m’irrite.
- J’aime bien Jacques Fanet mais son approche est celle d’un vieux routier de l’INAO.
- « Introduite par les marchands grecs dès le IIe siècle av. JC, la vigne ne se développa réellement qu’avec l’occupation romaine. Les conditions étaient si favorables que la viticulture de la Narbonnaise fit ombrage aux propriétaires « italiens » incitant l’empereur à une limitation de la production. Cette prospérité dura jusqu’à la fin de la Pax Romana avant que le long défilé des envahisseurs venus de l’est, du nord ou du sud, ne laisse désolation et friches. » c’est du copié-collé de l’appellation. Je pinaille.
« Après le déclin dû aux invasions barbares, la vigne reprit son rang grâce aux moines au IXe et Xe siècles. L’arrivée du chemin de fer au XIXe siècle assura son expansion rapide : de 2000 ha en 1800, le vignoble passa à 50 000 ha en 1890. Cependant, les abondantes récoltes viticoles en France entre 104 et 1907, conjuguées avec l’autorisation de la chaptalisation en 1903 et aux pratiques de « coupages » des vins par le négoce (à cause de l’importation massive de vins d’Algérie) ndlr l’Algérie étant française il ne s’agissait pas d’importations), aboutirent à une crise sociale et économique majeure culminant avec les grandes manifestations populaires de 1907 violemment réprimées et endeuillées par sept morts. Le 26 juin 1907, le Parlement vota une loi protégeant les « vins naturels » contre les vins trafiqués (« mouillés », coups, chaptalisés).
Texte de l’appellation
« Dès 1908, les vignerons des Corbières s'organisèrent en syndicat de défense. En 1923, l'aire de production fut délimitée, et en 1951, leur vin obtint le label VDQS récompensant pour la première fois les efforts accomplis.
En 1985, le 24 décembre, les Corbières entrèrent dans la famille des appellations d’origine contrôlées. Depuis, le syndicat de l’Appellation a lancé un programme ambitieux de développement avec notamment la mise en place de la hiérarchisation de la production.
En 2005, naissance de l’AOC Corbières Boutenac, seule appellation communale en Corbières, qui réunit aujourd’hui 28 producteurs sur 10 communes autour du massif du Pinada.
Aujourd’hui c’est, en superficie, la première AOC du Languedoc et la quatrième de France. »