C’est un secret de polichinelle, pour ceux qui me connaissent, la Savoie est entrée dans mon cœur, j’aime, ses vins nu, ses fromages qui puent et… bien évidemment… elle, mais en revanche j’ai du mal avec le fromage fondu, connu sous les appellations raclette et fondue.
En effet, chez soi ou au restaurant, lorsqu’on en a terminé avec ces mets fromagers on a la sensation d’être soi-même un fromage ambulant…
Mais tel n’est pas l’objet de cette chronique, ce qui m’intéresse c’est l’éternel conflit fromager entre notre voisine Suisse et ici la Savoie (l’amalgame entre Gruyère français, Gruyère suisse et Emmental est une confusion très française qui agace nos amis suisses depuis très longtemps et qui a même fait l’objet de confrontations diplomatiques au plus haut niveau des deux états. En effet, ce n’est qu’en 2010 que le Gruyère suisse a obtenu sa reconnaissance européenne officielle en obtenant l’exclusivité de l’Appellation d’Origine Protégée (AOP) face à son rival français.)
Du côté de la fondue j’ai déjà commis une chronique
10 février 2020
La nouvelle émoji "Fondue" est suisse « prouvant à nos fieffés voisins savoyards que ce sont bien nous, les Suisses, qui sommes propriétaires de la recette. Mais ils ont le culot d’insister. » ICI
En Suisse, la raclette est dans toutes les têtes ICI
Par Léo Pajon (Verbier - Suisse)
Publié le 20 janvier 2022 à 17h30 - Mis à jour le 24 janvier 2022 à 09h15
SÉRIE Aux pays des délices fondants (1/3) – Dans le Valais, le fromage au lait cru est partout, des plus petites supérettes aux meilleures tables. Il est même la vedette de festivals. Un véritable objet de culte culinaire.
En France, on considère souvent que ce délice coulant est né en Savoie. C’est pourtant ici, dans le Valais, un canton situé dans le sud-ouest de la Suisse, frontalier de l’Italie et de la France et bordé au nord par le lac Léman, qu’il serait d’abord apparu. Des documents datant du XIVe et du XVe siècle prouvent que l’on faisait déjà fondre à l’époque, dans cette région montagnarde, du fromage gras en l’approchant d’un feu de bois.
En novembre 2021, un sondage mené par Sociovision pour TF1 auprès de 3 500 personnes, propulsait la spécialité fromagère « plat préféré » des Français. Mais, dans le Valais, la raclette n’est pas un plat : c’est une religion, avec ses rituels, ses fidèles et ses évangélisateurs.
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Quant aux chapelles du célèbre fromage au lait de vache, elles sont partout. On le retrouve bien sûr dans la quasi-totalité des restaurants (même incorporé dans les fondues), mais il est aussi proposé avec le café au petit déjeuner, vendu dans la plus minuscule supérette de village et jusque dans des distributeurs automatiques de la région. Les fondus suisses du fromage fondu ont même imaginé des mix surprenants entre raclette et musique : en août, dans différents lieux du Valais, les festivals Rocklette et Electroclette attirent mélomanes et gourmands en altitude.
Mais le vrai temps fort du culte fromager intervient un peu plus tard, fin septembre, pour l’événement « Bagnes, capitale de la raclette ». Les vaches, redescendues des alpages, défilent. Dans un concert de tintements de cloches, les bêtes sont célébrées comme des reines, coiffées de couronnes de fleurs. Et des petits chalets installés pour l’occasion permettent de déguster les raclettes proposées par les fromageries locales, les bruits de mastication enthousiaste étant couverts par les concerts d’accordéon.
Une AOP depuis 2003
Pour comprendre cet engouement, il faut saisir à quel point la raclette est chevillée à la culture du Valais. L’hérens, la race de vache produisant le lait traditionnellement utilisé ici pour fabriquer le raclette (les Suisses disent « le » raclette, quand il s’agit du fromage brut, non cuit), fait partie du paysage depuis plus de 5 000 ans. « Les hérens sont trapues, combatives, ce sont aussi de bonnes grimpeuses au sabot solide, ce qui est important en zone montagneuse, mais elles donnent seulement 3 500 kilos de lait par an, deux fois moins que d’autres races », précise l’éleveur Jean-Baptiste Pralong.