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27 janvier 2022 4 27 /01 /janvier /2022 06:00

 

Après Hitler, Mussolini, j’ai acheté les 2 premiers tomes, le troisième est à venir.

 

C’est du lourd :

 

  • « M. L’enfant du siècle » 787-788 pages (terminé)

 

 

  • «  M, l’homme de la providence » 672 pages (entamé)

 

C’est plus facile à lire car c’est l’oeuvre d’un romancier, ce qui n’est pas du goût des historiens mais plébiscité par un large public en Italie.

 

Portrait (1933) de Benito Mussolini, par Gerardo Dottori. Ce peintre appartenait au mouvement futuriste, dont une partie des membres a soutenu activement le fascisme.

Portrait (1933) de Benito Mussolini, par Gerardo Dottori. Ce peintre appartenait au mouvement futuriste, dont une partie des membres a soutenu activement le fascisme. 

 

- « M. L’enfant du siècle », d’Antonio Scurati : Mussolini, la tyrannie du vide

Couronné par le prix Strega, le formidable et imposant « M. L’enfant du siècle » ouvre une trilogie romanesque sur le « Duce », en se concentrant sur son ascension.

 

Par Nicolas Weill

Publié le 02 septembre 2020

 

 

 « M. l’enfant du siècle » (M. Il figlio del secolo), d’Antonio Scurati, traduit de l’italien par Nathalie Bauer, Les Arènes, 864 p., 24,90 €.

 

Monumental ! Le mot n’est pas trop fort pour qualifier le projet d’Antonio Scurati. L’écrivain italien, qui a reçu le prix Strega 2019 – l’équivalent du ­Goncourt – pour M. L’enfant du siècle, campe le portrait de Mussolini en un triptyque romanesque d’une ampleur inédite. La première partie, qui paraît aujourd’hui en français, traite de la période 1919-1924 et comprend déjà plus de 800 pages. Elle dresse, pour des générations exposées à tous les révisionnismes, le paysage de l’Italie au sortir de la première guerre mondiale, frustrée des fruits territoriaux d’une victoire qui a coûté plus d’un million de morts civils et militaires, déchirée par des affrontements confinant à la guerre civile entre les militants révolutionnaires et la poignée de fascistes lancés à la conquête de Rome. Le défi était ­immense. Il est magnifiquement relevé et offre ce qu’il y a de meilleur dans le genre du roman historique.

 

Gourdins et huile de ricin

 

Le ton et le style sont ceux de la chronique. Les événements se trouvent relatés presque au jour le jour, dans une présentation arrangée des faits, certes, mais où toutes les figures sont réelles. Le discours indirect et les subtils glissements d’un point de vue à l’autre ouvrent au romancier le cerveau et la psychologie des ­acteurs. M. L’enfant du siècle fournit une brillante illustration de la puissance propre à la littérature, capable, comme le pensait le philosophe Paul Ricœur, d’articuler temps historique et temps humain. Organisé en saynètes qui portent à chaque fois un nom de protagoniste, une date et un lieu, le livre raconte l’ascension du fascisme sur le mode d’un scénario de film ou de série dont la fin ne ­serait jamais écrite d’avance. L’« effet de réel » est assuré, à la fin de chaque chapitre, par des documents du temps qui, en leur langage, attestent la réalité de ­l’action qui vient d’être racontée. Le récit en reçoit son rythme haletant et, surtout, l’histoire retrouve toute sa contingence.

 

« M. L’enfant du siècle » raconte l’ascension du fascisme sur le mode d’un scénario de film ou de série dont la fin ne serait jamais écrite d’avance

 

Et si le roi Victor-Emmanuel III avait ­signé le décret instaurant l’état d’urgence lors de la « marche sur Rome » de 1922, au lieu de jeter le coup de pied de l’âne à l’Etat libéral et de désigner Mussolini comme premier ministre ? Et si, en dépit de son goût soi-disant nietzschéen pour la guerre, Mussolini avait échoué à maîtriser ses troupes, qui ravageaient le nord de l’Italie armées de gourdins, d’huile de ricin mais aussi de revolvers et de fusils ? Et si, face au scandale provoqué par le meurtre de l’opposant socialiste Giacomo Matteotti (1885-1924), qu’Antonio Scurati érige en contretype ­positif de Mussolini, ce dernier s’était laissé pousser à la démission ? Et si la gauche, pourtant triomphante dans les urnes, n’avait pas été aussi divisée ?

 

 

Mussolini a profité de nombreux hasards et de beaucoup de lâcheté, suggère l’auteur. Et ce portrait n’a rien d’un monument à la gloire du personnage. Au ­contraire, il en propose une démythification systématique, annoncée par un titre qui, d’emblée, réduit le tyran à une initiale. Scurati se livre à une destruction de la légende mussolinienne d’autant plus nécessaire que, en comparaison avec son disciple Adolf Hitler, Mussolini bénéficie d’une indulgence relative. Au-delà des hagiographies ­parfois délirantes de l’ère fasciste, dont celle de la célèbre maîtresse du « Duce », Margherita Sarfatti (Dux, 1926), on a pu, après 1945, le considérer comme un fils simplement dévoyé du Risorgimento (l’unité italienne), un rempart contre le déferlement du bolchevisme, un intellectuel austère et moderniste passionné de futurisme ou de Pirandello, entraîné malgré lui dans la guerre, élève du philosophe socialiste français Georges Sorel, théoricien de la grève générale et de ­l’action directe, etc.

 

Mise en scène de soi

 

Qu’il ne fut rien de tout cela est le ­message du livre de Scurati. Ce dernier montre un Mussolini opportuniste et jouisseur. Surtout, il détaille la cruauté sadique avec laquelle ses fascistes, aux alentours de la plaine du Pô (la célèbre chemise noire faisait partie du costume du paysan de Romagne) ou en Polésine (au sud de la Vénétie), traitaient leurs ­adversaires. Pour Antonio Scurati, le ­fascisme et son leader sont avant tout des « enfants d’un siècle » marqué au fer rouge par la « brutalisation » du premier conflit mondial. Les scènes de violence pure scandent la progression du texte. Saisissantes, insoutenables, parce qu’elles eurent bien lieu : « L’homme aux ­lunettes de motard fait tournoyer sa massue ferrée au-dessus de sa propre tête et l’abat sur le crâne du chef de la ligue [des paysans socialistes]. Le visage couvert de sang, ce dernier tente de rejoindre ses filles, il marmonne des mots incompréhensibles en rampant sur le ventre, entre les jambes des squadristes qui le frappent de leurs bâtons. »

 

 

Derrière les poses, la rhétorique ronflante et la mise en scène de soi en « star » de cinéma, la véritable dimension de Mussolini et du fascisme se dévoile à travers la chronique romancée de sa prise de pouvoir : par-delà le mirage de la grandeur, le règne du gangstérisme, du chaos et du sang.

 

EXTRAIT

 

« La figure de Giacomo Matteotti est élevée à la gloire du saint. Son habitation, via Giuseppe Pisanelli, est déjà devenue une destination de pèlerinage, et sur les lieux du rapt s’accumulent des centaines de couronnes de fleurs en une sorte de mausolée à ciel ouvert. La police intervient pour disperser la procession des fidèles sur le quai du Tibre, les carabiniers montés ­balaient les fleurs et rompent le rassemblement. (…) Le Duce paraît abattu, abasourdi, paralysé par la ­déception. Giovanni Marinelli vient d’avouer qu’il possède encore, cinq jours après l’enlèvement, les ­reçus dûment contresignés des paiements versés aux assassins avant et après le crime. (…) Hébété, Mussolini fixe un regard vitreux sur un fantôme à l’horizon : il a toujours prôné la nécessité historique de la ­violence chirurgicale, la férocité précise, exacte, ­inexorable, et voilà qu’il a entre ses mains souillées d’excréments et de sang, un crime bestial. »

 

« M. L’enfant du siècle », pages 787-788

 

Nicolas Weill

 

Benito Mussolini dans les années 1930 avec sa famille (de gauche à droite) : sa femme Rachele tenant dans ses bras Anna Maria, son fils Romano, sa fille aînée Edda, ainsi que Bruno et Vittorio.

Benito Mussolini dans les années 1930 avec sa famille (de gauche à droite) : sa femme Rachele tenant dans ses bras Anna Maria, son fils Romano, sa fille aînée Edda, ainsi que Bruno et Vittorio. | ARCHIVES / OUEST-FRANCE ARCHIVES

 

- M, l’homme de la providence, le monumental roman vrai sur Benito Mussolini ICI

 

L’Italien Antonio Scurati livre un deuxième tome de sa magistrale histoire du dictateur et du fascisme. Tout est vrai, insiste-t-il, seule la forme est littéraire.

 

L’Italie n’a jamais vraiment soldé les comptes avec ses Chemises noires. « Je fais partie de la dernière génération élevée dans les valeurs antifascistes, constate Antonio Scurati, 52 ans, joint au téléphone. Il y a aujourd’hui une nostalgie explicite du fascisme et de Mussolini, qui lamine la démocratie. »

 

Auteur reconnu, professeur de littérature à l’université de Milan et créateur d’un groupe de recherche sur le langage de la guerre et de la violence, Antonio Scurati s’est lancé dans une monumentale entreprise : raconter le fascisme pas à pas, par ses acteurs et par les faits, avec la rigueur de l’historien et la langue du romancier.

 

La suprématie du vide

 

Le premier tome M, l’enfant du siècle (2020) contait en plus de 800 pages la transformation du militant socialiste en leader autocrate, de l’après-guerre aux lois « fascitissimes » de 1925. « Benito Mussolini est le père des leaders populistes, sans idéologie, prêt à toutes les volte-face pour accéder au pouvoir. Son absence de principe est ce qui fait sa force. C’est la suprématie du vide. Il sent les peurs des gens et les alimente. Bien des mouvements populistes d’aujourd’hui usent des mêmes mécanismes », juge Antonio Scurati.

 

Ce premier tome en tous points remarquable a reçu le Goncourt italien (le prix Strega) en 2019, a été traduit dans trente-huit pays et s’est déjà vendu à 500 000 exemplaires. C’est dire si le second tome était attendu.

 

Celui-ci retrace les années 1925-1932, le culte de la personnalité grandissant

 

(« Mussolini a fait de son corps le cœur de sa communication »), les failles et les maux intimes de « l’homme de la Providence », selon les mots du pape Pie X, les petites et grandes bassesses du régime, le grotesque disputant parfois au terrible, comme dans la guerre coloniale totale de Libye.

 

Antonio Scurati l’assure. Tout est vrai. Un de ses procédés particulièrement efficace est de citer des documents officiels, secrets ou intimes, dans le corps du récit. Puis de retranscrire des extraits bruts de ces documents à la fin de chaque chapitre. « On me demande parfois comment je coordonne mes assistants. Au début, il n’y avait que moi. Depuis, je reçois un peu d’aide de la part d’archivistes, de l’Institut d’études du mouvement de libération, de réseaux de bibliothécaires. »

 

Tout le monde croit connaître l’histoire

 

Scurati multiplie les formes littéraires et les points de vue pour faire de ces ouvrages chronologiques une lecture haletante : dialogues, lettres, récit chirurgicalement précis, chronique baroque… Et là, reconnaît-il, sa subjectivité joue : « Pendant que Mussolini cherchait son chemin, je cherchais le mien. Comment raconter cette réalité vénéneuse en restant au plus proche de la réalité, mais en évitant de susciter de l’empathie pour le personnage ? »

 

Antonio Scurati sait désormais qu’il lui faudra (au moins ?) quatre tomes pour aller au bout de l’histoire. Jusqu’à ce que le corps du dictateur déchu et celui de sa dernière maîtresse soient exposés à la colère de la foule, le 25 avril 1945 à Milan.

 

« En Italie, ce qui a déterminé le succès du livre est qu’il raconte une histoire que tout le monde connaît sans la connaitre réellement, estime l’auteur. Dans les pays étrangers, c’est ce que cette histoire raconte du pouvoir et de la soif de pouvoir. »

 

Un succès qui lui a valu des critiques. Des erreurs mineures ont donné lieu à des articles vengeurs.

 

Et certains historiens avalent mal qu’un romancier attire toute la lumière sur cette sombre mémoire. Francesco Filippi, par exemple, auteur d’un récent Y a-t-il de bons dictateurs ? démentant point par point (et en moins de 200 pages) les fantasmes sur le régime mussolinien, a eu quelques mots grinçants.

 

Antonio Scurati n’en a cure et poursuit son travail de romain. À l’ouvrage sur le troisième tome, il supervise également le scénario de l’adaptation en série de son grand œuvre : « Une grosse production avec des acteurs internationaux, déjà très engagée », assure-t-il.

 

M, l’homme de la providence, Les Arènes, 672 p. 24,90 € (suite de M, l’enfant du siècle).

 

 

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commentaires

P
J'ai les deux premiers volumes. Sait-on quand arrivera le troisième ?<br /> Bonne lecture !
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J
Bonne lecture Jacques, le livre de Scurati est un objet épais, mais l'écriture est d'une grande finesse. C'est passionnant, remarquable et apprécié même de certains historiens. Si l'on a moins de temps pour lire, on pourra se reporter au Hors série que la revue l'Histoire vient de consacrer à l'Italie fasciste, très bien fait et qui dit beaucoup en peu de pages bien illustrées
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P
Julien Gracq parlait de « La Littérature à l’estomac ». On peut aussi parler de la littérature au poids sans pour autant que ce soit un critère de valeur sauf à nier toute qualité à Balzac, Zola ou Proust par exemple.<br /> Pourtant on peut s’interroger sur certain cas. En France nous avons un auteur Guillaume Musso et en Italie un personnage historique Lini Musso qui, chacun à sa place, alourdissent les étagères de nos bibliothèques.<br /> Mais pour ce que j’en ris…
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