Au tout début de juillet 1981, le second tour des législatives ayant eu lieu le 21 juin 1981, à la suite de la dissolution de l'Assemblée nationale par le président de la République François Mitterrand le 22 mai 1981, 333 députés de la Majorité Présidentielle (PS, PCF, MRG, Divers gauche) sur un total de 491 sièges, concédant 158 députés à la Droite (RPR, UDF et divers droite).
Un vrai raz de marée rose : 266 députés PS, la majorité absolue, le RPR de Chirac n’avait que 85 sièges. La première alternance de gauche sous la Ve République et le 2e gouvernement Mauroy accueillait 4 Ministres communistes. Un véritable séisme pour le pays même si les chars russes s’étaient abstenus d’envahir la Place de la Concorde.
Votre serviteur, juché sur son destrier hollandais Grand Batavus, se pointait dès le matin au guichet du porche qui dessert l’Hôtel de Lassay, le 128 rue de l’Université, pour prendre ses fonctions de conseiller technique du Président de l’Assemblée Nationale, fraîchement élu le 02/07/1981. ICI
Le premier acte de Louis Mermaz Président de l’Assemblée Nationale fut d’abandonner la jaquette et l’habit le soir.
La horde rose, majoritairement issues du vivier de l’Éducation Nationale, ne brillait pas par son dress code vestimentaire, du prêt-à-porter de province, chemise tergal et écrases-merde avachies, sur le banc des Ministres l’état des lieux étaient plus reluisant : l’imposant Pierre Mauroy sanglé dans un costume croisé, Robert Badinter élégance 7e arrondissement, Lolo Fabius avec ses gros nœuds de cravates en tricot fluo très jeune-vieux, les 4 Ministres communistes stricts, le Che bien mis très Chevènement, seuls Delors arquebouté sur les déficits et Rocard en pénitence au Plan, se rapprochaient de la masse socialistes.
Bref, la Droite, réduite à une peau de chagrin, contemplait avec dédain ces intrus mal vêtus, pariant sur le rapide effondrement des socialo-communistes entraînant avec lui dans sa chute un Mitterrand première version à gauche toute.
Tout ce petit monde du chaudron du Palais Bourbon je le côtoyais journellement, jour et nuit, dans l’hémicycle, dans la salle des Pas Perdus, à la bibliothèque, à la buvette, pour les socialistes dans la salle Colbert et lors des réceptions du Président. Très instructif sur les mœurs parlementaires, j’aurais pu écrire un traité d’anthropologie des députés de toutes les sensibilités.
Et puis, il y avait Jack Lang le trublion de la Place de Valois, pas le genre à faire dans la nuance, frivole, favori du maître du château, s’en donnait à cœur joie ralliant à lui le petit monde de la culture et les jeunes aussi. Je n’ai fait que le croiser en mes années d’Assemblée Nationale, ce n’est que sous Tonton 2 que j’eus avec lui un lien privilégié, ayant à la demande d’Henri Nallet accompagné le trublion et sa cour en Loir-et-Cher lors de sa campagne électorale pour se faire élire à Blois. Pour Jack j’étais « le meilleur connaisseur de la paysannerie », il l’avait écrit à mon Ministre sur un bristol pendant le Conseil, il me téléphonait en direct pour que je lui explique la jachère cynégétique et que je l’aide à transférer l’école du paysage à Blois.
En 1985, j’étais alors au cabinet de Rocard Ministre de l’agriculture, le 17 avril, ça siffle sévère lors d'une séance de questions au gouvernement à l'Assemblée nationale. Les raisons de la colère ?
La veste à col Mao que porte ce jour-là Jack Lang, ministre de la Culture. Elle est signée d'un jeune créateur nommé Thierry Mugler.
Par Sabrina Pons
Le 24 janvier 2022
Dans les années 1980, Thierry Mugler est le couturier de la mise en scène, le roi des défilés spectacles. Mais de façon plus inattendue, il se fait aussi remarquer dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale. C’était le 17 avril 1985, Jack Lang, ministre de la Culture depuis quatre ans, se présente à la tribune pour répondre à une question sur les travaux du Grand Louvre. Il porte un costume au col Mao, qui change du complet traditionnel porté par les députés et occulte la cravate, et directement inspiré de la tenue des officiels indiens. Au retour d’un voyage en Inde avec François Mitterrand, Jack Lang avait passé commande auprès du couturier français afin d’avoir une veste sur le même modèle.
"On dirait Khadafi"
Il n’a pas encore pris la parole au micro que ça gronde dans les travées du Palais Bourbon. La veste noire en énerve certains : elle a beau faire la promotion de la création française, elle ne laisse pas apparaître de cravate. Pour l’opposition, ça va trop loin. Si aucune disposition du règlement intérieur ne précise un quelconque dress code à destination des hommes, les conventions veulent toutefois qu’ils se présentent cravatés. Pendant plusieurs minutes, Jack Lang est la cible de sifflements et de quolibets. «On dirait Khadafi», «le carnaval est fini»… Les attaques fusent.
Une bronca qui aura eu raison de l’habit. Même si Jack Lang s’amuse de l’effet produit par sa veste, il ne la reportera plus lors de ses apparitions à l’Assemblée. L’affaire a marqué les esprits – le costume est actuellement exposé au musée des Arts décoratifs à Paris dans le cadre de l’exposition «Couturissime» - mais elle n’a pas tant modifié les habitudes culturelles. Trente-sept ans après, la cravate est toujours «exigée» au sein de l'Hémicycle.
Le vêtement en politique. Représentation, ressemblance et faux pas ICI
Dans Travail, genre et sociétés 2019/1 (n° 41), pages 87 à 104
La présence accrue des femmes dans la sphère politique et la diffusion des études de genre ont permis la publication de nombreux travaux portant sur les représentations médiatiques des femmes (et des hommes) politiques [1]
Ces recherches ont, entre autres, souligné l’intérêt des journalistes pour leurs vêtements, la manière dont cette focalisation ramène plus particulièrement les professionnelles de la politique à leur identité genrée, et par conséquent dont elle contribue à mettre en doute leurs compétences (voir, entre autres, Marlène Coulomb-Gully [2012] ; Delphine Dulong et Frédérique Matonti [2005] ; Frédérique Matonti [2017] ; Aurélie Olivesi [2012]).
Mais penser le vêtement comme un vêtement de travail, ainsi que ce dossier y invite, permet de recentrer le regard sur le métier politique lui-même. Ce recentrement s’inscrit dans ce qu’a permis, depuis une quinzaine d’années, l’introduction des études de genre en science politique : repenser des objets classiques de cette discipline comme les logiques de la carrière, du recrutement ou de la professionnalisation [Achin et al., 2008]. Il est, en effet, a priori déroutant de supposer que les professionnels de la politique portent des vêtements de travail, tant ce type d’habillement paraît le plus souvent réservé aux catégories populaires (très peu présentes dans les assemblées parlementaires et à la tête des ministères), et que l’on parlera plutôt de costume pour les juges ou les avocats. De plus, ces mêmes politiques, y compris lorsqu’ils n’ont pas connu d’autres activités professionnelles, s’empressent de dénier qu’ils exercent un « métier », pour insister au contraire, sur leur « vocation », comme l’ont rappelé encore des travaux récents [Boelaert, Michon et Ollion, 2017]. Comment imaginer donc qu’ils puissent porter des vêtements de travail puisqu’ils n’en exercent pas un ? Pourtant, leurs vêtements sont scrutés, on l’a dit, par les observateurs, journalistes et communicants, ce qui laisse à penser qu’il en existe qui seraient plus ou moins bien adaptés au métier politique et à ses diverses scènes et exercices (à l’Assemblée, interviews, reportages, campagne, meeting, visite officielle, etc.). Enfin, eux-mêmes jouent sur leur style vestimentaire pour être identifiés. Tailleurs aux couleurs acidulées de Roselyne Bachelot, écharpe et chapeau de François Mitterrand, parka rouge de Laurent Wauquiez, les exemples sont légion.
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