Puisque Gabriel Lepousez docteur en dans l’unité perception et mémoire de l’Institut Pasteur se passionne pour les buveurs de champagne, je vous propose une vision très crue des neurosciences par un écrivain polonais Zygmut Miloszewski
Saoul comme un Polonais
Un exploit d'un régiment polonais en 1808
Si les Polonais ont une solide réputation en matière d'alcool, c'est à cause de Napoléon ! En 1808 pendant la campagne d’Espagne, un assaut final doit être donné à 1.500 mètres d’altitude et c’est un régiment d’élite polonais qui fait la différence grâce à sa détermination et sa puissance. Après l’affrontement, quand les généraux français présentent à l'empereur les valeureux combattants, ils tentent de minimiser leur exploit en soulignant qu’ils avaient bu pour se donner du courage.
Mais Napoléon répondit : « alors la prochaine fois, sachez être saouls comme des Polonais ». Selon une autre version de l'histoire, l'empereur aurait dit « il fallait être saoul comme un Polonais pour accomplir cela ».
Tout est en Histoire une question de mémoire.
- Mais il continue à oublier, répliqua-t-elle. Comment est-ce possible ?
- Nous ne le savons pas, admit le médecin avec tristesse. Quand on lit le supplément scientifique du Newsweek et qu’on y découvre que les américains ont greffé une électrode sur une souris pour la pousser à appuyer sur un bouton rouge dès qu’elle a faim, ou quand on apprend que telle région de notre cerveau est active si on pense au tennis et telle autre si on songe à boire un café, alors on a l’impression de tout savoir sur les réseaux neuronaux et qu’on est sur le point de télécharger notre conscience sur Internet. Or, nous ne connaissons presque rien sur notre cerveau. Et toutes nos spécialisations neurologiques et psychiatriques se jouent dans ce « presque ». Imaginez un monde où tous les mécaniciens de la planète ne sauraient réparer que la carrosserie des voitures, et pour tout ce qui concernerait le moteur, ils ne feraient qu’émettre des hypothèses. Le cerveau c’est cent milliards de neurones hyperactifs dont les connections électriques changent à la vitesse de la lumière. C’est un peu comme si l’on voulait dessiner la carte d’un monde où les villes, les mers et les continents changent sans cesse de place, puis qu’on voyage à l’aide de cette carte.
[…]
Vous avez certainement lu des articles sur l’IRMf, commença-t-il. On vous place dans un scanner et on étudie l’activité de votre cerveau. Sur la base des images obtenues, on en déduit qu’ici, c’est la zone dédiée au tennis, là au sexe et encore ailleurs une zone qui s’allume lorsqu’on pense à du chocolat saupoudré de copeaux de noix de coco. Et on annonce en grande pompe qu’on est capable de lire dans les pensées, de communiquer avec des gens plongés dans le coma ou de soigner la démence sénile.
- Quelqu’un m’a récemment dit qu’on n’y connaissait rien au cerveau.
- Une personne bien sage. Nous n’y connaissons rien au cerveau, mais nous n’en connaissons pas plus dans bien d’autres domaines, qu’on parle de biologie humaine, de physique quantique ou de météorologie.
[…]
- Je vais vous raconter l’histoire du saumon mort.
[…]
- Pour en revenir au saumon mort, des doctorants devaient calibrer leurs appareils et ils ont placé un poisson mort dans un IRMf, puis lui ont posé pour rire les mêmes questions qu’on pose aux humains. Ils lui ont demandé d’imaginer un match de tennis, de stimuler son désir et d’effectuer une prière. Et il s’est révélé que les différentes régions du cerveau de ce poisson mort s’illuminaient au cours de l’étude. Ils ont donc enregistré son activité et inscrit dans leur rapport que soit nous ne jugeons pas la vie émotionnelle des poissons morts à leur juste valeur, soit il y a un biais sérieux dans notre méthodologie d’étude du cerveau.
Zofia en fut sincèrement amusée.
La seconde vie du saumon mort ICI
Publié par Laurent Vercueil, le 4 décembre 2017
en 2009, Craig Bennett et ses collègues présentèrent une communication originale au congrès mondial des spécialistes de l’imagerie cérébrale fonctionnelle. C'est un euphémisme de dire qu'elle a suscité l'intérêt des congressistes. Les chercheurs avaient installé un saumon atlantique dans l’antenne d’une IRM, tout en lui confiant une tâche de cognition sociale. Le principe est de mesurer l’activité cérébrale du salmonidé telle que traduite par les variations du signal BOLD corrélées statistiquement à la présentation de la tâche. Nul n’ignore que le saumon est tout ce qu'il y a de plus mort, et que, même vivant, il eut été improbable que la consigne revêtît une quelconque signification pour lui (mais va savoir, avec le saumon).
Cependant, voilà qu'en réalisant le traitement statistique des variations de signaux les chercheurs trouvent une activation localisée dans le cerveau du saumon mort. Lorsque le saumon est censé être engagé dans une tâche de prise de perspective sociale (la personne d'une situation sociale est-elle incluse ou rejetée par les autres protagonistes ?), le cerveau et la moelle épinière du saumon s'activent, si l'on en croit la tâche rouge qui signale la variation statistiquement significative. C’est un saumon mort qui pense encore ! D’où la communication provocatrice des chercheurs facétieux.
Le but des auteurs n’était cependant aucunement ésotérique. Le but était d’alerter sur le risque des comparaisons multiples dans le cas de variations d’un signal constitué, en l'occurence, de bruit statistique. Rechercher une corrélation entre deux évènements (la réalisation d’une tâche et une variation dans un signal) est au principe de l’imagerie fonctionnelle. En IRM, cette corrélation est mesurée avec une résolution qui est définie par le voxel, l’unité spatiale de l’information. Il y a un intérêt évident à traiter un grand nombre d’informations car cela permet de disposer de données précises sur la localisation des structures impliquées ou associées à la tâche étudiée. Mais, plus vous recherchez une association entre deux évènements, plus il existe un risque que l’association que vous constatiez ne soit liée qu’au simple hasard. C’est le problème plus général des comparaisons multiples et du risque de faux positifs. De fait, aussitôt que les chercheurs appliquèrent les facteurs correctifs des comparaisons multiples, le saumon devint silencieux. Comme tout bon saumon mort qui se respecte.
(en passant, ce fameux saumon mort valu un Prix IgNobel aux auteurs de l'étude, ce qui donne un peu une idée des ressources de l'animal dont on aurait tort de croire que la mort a mis fin aux propriétés les plus intéressantes...)
D'ailleurs, voici qu'en 2017, un nouveau saumon mort sort du placard.
La suite ICI
A quoi peut bien penser un saumon mort ? ICI
Pierre Barthélémy - IMPROBABLOLOGIE
Chaque année depuis 1991, la remise des prix Ig Nobel est à la science improbable ce que la palme du plus gros mangeur de saucisses est au camping de Trifouilly-les-Oies : l'occasion d'une consécration.