2ième Acte : Le mauvais champagne, pas si facile à repérer Par Ophélie Neiman ICI
Qu’est-ce qu’un mauvais champagne ?
« Les symptômes sont divers : une acidité agressive, parfois mal dissimulée par un dosage trop marqué en sucre ; un manque d’acidité qui rend le breuvage lourd ; une palette aromatique grossière ; un défaut manifeste… Les raisons sont également multiples : raisins médiocres, élevage trop court en cave donnant une bulle agressive (un champagne ancien « bulle moins » qu’un millésime récent), vigneron indélicat qui met trop de jus de fin de pressurage, donnant des champagnes sans finesse, manquant d’acidité, à la capacité de garde réduite. »
La parole est donnée à Gabriel Lepousez docteur en dans l’unité perception et mémoire de l’Institut Pasteur.
Le champagne est trompeur. Très différent du vin dans sa dégustation. En cause : les bulles
« Elles provoquent une intensité sensorielle énorme et immédiate ».
Belle à l’œil, la bulle stimule la vue. Elle active le toucher sur la langue et la perception de l’acidité. Le champagne réveille, met en appétit. Enfin, chaque bulle décuple l’aromatique et agit comme un brumisateur de parfum.
« Qu’il soit bon ou mauvais, il y a toujours une forte intensité sensorielle, reprend le chercheur. En bref, le champagne provoque l’effervescence dans votre tête, quelle que soit sa qualité. »
La différence entre un grand et un petit champagne ne se joue donc pas sur la première impression.
« La façade est toujours flatteuse. C’est en fin de bouche que la structure se révèle. Le premier maintient l’intensité sensorielle dans le temps, tandis qu’elle s’effondre immédiatement avec le second »
Dès lors, pour faire la différence entre les deux, il faut prendre le temps d’écouter les sensations jusqu’au bout.
Ce n’est pas si évident.
Une étude d’économie comportementale menée en 2002 par quatre chercheurs de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement en fournit une démonstration radicale.
L'étude a été effectuée afin de comparer deux mécanismes destinés à révéler les préférences des consommateurs : une enchère Vickrey qui mesure la disposition à payer, et un test hédonique classique.
À travers ces deux méthodes, l'objectif était d'estimer les effets respectifs des caractéristiques sensorielles et de l'information externe sur l'évaluation de cinq champagnes brut non millésimés.
Cent-vingt-trois consommateurs ont été assignés au hasard aux deux groupes et ont utilisé l'une des méthodes.
Quelle que soit la méthode, ils ont évalué les champagnes à l'aveugle, puis sur la base d'une présentation des bouteilles et, enfin, après l'observation de la bouteille en une dégustation.
Les résultats ont montré que les deux méthodes étaient équivalentes pour révéler l'effet de l'information externe sur l'ensemble de l'évaluation des champagnes. Les participants étaient incapables de distinguer les champagnes après une dégustation aveugle, alors que les différences signifiantes dans les préférences pour les produits apparaissaient quand les labels étaient connus. Les préférences respectaient la hiérarchie des prix du marché. Néanmoins, des différences entre les deux méthodes ont été observées suggérant que le choix de la méthode doit être fait en fonction des objectifs spécifiques de l'étude. ICI
En clair :
- à l’aveugle, les cobayes sont incapables départager les 5 cuvées, tant sur le plaisir ressenti que sur le prix qu’ils étaient prêts à mettre.
- la bouteille visible, donc l’étiquette et la marque, ils hiérarchisaient nettement leurs préférences. Le goût initial n’est pas, en soi, une variable d’ajustement. L’impact psychologique, l’étiquette, le prix importent davantage.
Sans commentaires.
Je suis prudent maintenant, je fais gaffe de ne pas me faire taper sur les doigts par les gardiens de la réserve des copains…