Ainsi, la Beauce, devant lui, déroula sa verdure, de novembre à juillet, depuis le moment où les pointes vertes se montrent, jusqu’à celui où les hautes tiges jaunissent. Sans sortir de sa maison, il la désirait sous ses yeux, il avait débarricadé la fenêtre de la cuisine, celle de derrière, qui donnait sur la plaine ; et il se plantait là, il voyait dix lieues de pays, la nappe immense, élargie, toute nue, sous la rondeur du ciel. Pas un arbre, rien que les poteaux télégraphiques de la route de Châteaudun à Orléans, filant droit, à perte de vue. D’abord, dans les grands carrés de terre brune, au ras du sol, il n’y eut qu’une ombre verdâtre, à peine sensible. Puis, ce vert tendre s’accentua, des pans de velours vert, d’un ton presque uniforme. Puis, les brins montèrent et s’épaissirent, chaque plante prit sa nuance, il distingua de loin le vert jaune du blé, le vert bleu de l’avoine, le vert gris du seigle, des pièces à l’infini, étalées dans tous les sens, parmi les plaques rouges des trèfles incarnat.
C’était l’époque où la Beauce est belle de sa jeunesse, ainsi vêtue de printemps, unie et fraîche à l’œil, en sa monotonie. Les tiges grandirent encore, et ce fut la mer, la mer des céréales, roulante, profonde, sans bornes. Le matin, par les beaux temps, un brouillard rose s’envolait. À mesure que montait le soleil, dans l’air limpide, une brise soufflait par grandes haleines régulières, creusant les champs d’une houle, qui partait de l’horizon, se prolongeait, allait mourir à l’autre bout. Un vacillement pâlissait les teintes, des moires de vieil or couraient le long des blés, les avoines bleuissaient, tandis que les seigles frémissants avaient des reflets violâtres. Continuellement, une ondulation succédait à une autre, l’éternel flux battait sous le vent du large. Quand le soir tombait, des façades lointaines, vivement éclairées, étaient comme des voiles blanches, des clochers émergeant plantaient des mâts, derrière des plis de terrain. Il faisait froid, les ténèbres élargissaient cette sensation humide et murmurante de pleine mer, un bois lointain s’évanouissait, pareil à la tache perdue d’un continent.
Émile Zola, La Terre
La Beauce est une région agricole française située au sud-ouest de l’Île de France (Essonne, Yvelines) et au nord-est du Centre-Val de Loire (Eure-et-Loir, Loiret, Loir-et-Cher). Elle s’étend sur environ 575 000 hectares de surface agricole dans 5 départements français dont 203 000 dédiés au blé (90% en blé tendre). Région particulièrement fertile rattachée géologiquement au bassin de l’Île-de-France, elle concentre une part importante de la culture de blé française.
Elle est ainsi devenue la première région productrice de céréales en Europe. La part de la population travaillant dans le secteur primaire est d’un peu plus de 7% (France : 2,8%) ; toutefois ce chiffre important cache une diminution du nombre d’exploitations poussée par la mécanisation toujours croissante, le non-renouvellement des générations et l’accroissement de la productivité.
Les rendements céréaliers y sont très bons, de l’ordre de 75 quintaux de blé à l’hectare, grâce à un sol limoneux et la nappe souterraine d’Europe la plus étendue d’Europe (9500 km2). Si le blé est toujours la culture la plus pratiquée dans la Beauce, les oléagineux comme le colza sont en forte progression du fait de la demande constante notamment dans les bio-carburants. Le colza représente actuellement 70 000 hectares.
Souvenirs du blocus de Paris par les gros tracteurs beaucerons ICI
Le 23 juin 1992, au moment où la réforme de la politique agricole commune (PAC) est amorcée, c’est en bloquant avec un cortège de tracteurs le réseau autoroutier autour de Paris que la Coordination rurale fait irruption dans le paysage syndical. « Front du refus » réunissant à l’origine des militants de tous bords, ce mouvement ne tardera pas par la suite à s’appuyer sur sa composante la plus à droite, la Fédération française de l’agriculture (FFA), avec laquelle elle fusionnera en juin 1994, pour donner naissance à la Coordination rurale-Union nationale. Quelques années plus tard, le 31 janvier 2007, avec près de 19 % des voix aux élections professionnelles agricoles et en remportant deux présidences de chambres d’agriculture, elle s’affirmera comme l’un des partenaires professionnels majeurs de la scène agricole française…
J’étais aux manettes au 78 rue de Varenne, c’était chaud bouillant…
Les temps ont changé, le paysage syndical s’est enrichi de deux OPA, l’une plus à droite que la FNSEA : la Coordination Rurale et l’autre à gauche : la Confédération Paysanne.
De tout temps, à la FNSEA, de par leur puissance financière, les céréaliers : l’AGPB étaient les faiseurs de roi. Intelligemment ils ne poussaient pas en avant l’un des leurs mais adoubaient un éleveur ambitieux, ce fut le cas de mon camarade Luc Guyau, éleveur laitier en Vendée. Même procédure pour la présidente actuelle, Christiane Lambert, éleveuse de porc en Maine-et-Loire.
La fameuse PAC, via l’Organisation Commune des céréales, a été formaté, sous plume française, les hauts fonctionnaires et le président Deleau, en fonction des intérêts des céréaliers qui, excusez-moi de l’expression, se sont fait pendant des décennies des « couilles en or ». La réforme, avec ses aides compensatoires surface, pérennise cet avantage par rapport aux autres productions.
Pentecôte. Le 39e grand pèlerinage de Chartres fait des petits en régions ICI
Les milliers de fidèles du « pélé de Chartres » ne chemineront cette année entre Paris et les plaines de Beauce. Pour sa 39e édition, le pèlerinage de Pentecôte de Notre-Dame de Chrétienté se déconcentre en 240 pèlerinages locaux, organisés partout en France et à l’étranger, afin de respecter les protocoles sanitaires. En Bretagne, ce sera dans le Morbihan, avec une messe célébrée dimanche 23 mai, à 16 h, au sanctuaire de Sainte-Anne d’Auray.
Bref, tout ça pour vous dire :
Un céréalier de la Beauce opte pour la viticulture ICI
Les faits
Désireux de diversifier sa production, Rodolphe Couturier, céréalier de la Beauce de 45 ans, a planté des vignes dans une partie de son domaine de 215 hectares. Les aléas climatiques l’ont poussé vers cette décision qui éveille l’intérêt d’autres agriculteurs d’Eure-et-Loir.
- Xavier Renard, le 14/11/2021
Rodolphe Couturier est le premier vigneron de la Beauce du XXIe siècle. Cet agriculteur spécialisé dans les grandes cultures céréalières et betteravières, issue d’une famille d’exploitants établie à Mérouville (Eure-et-Loir) depuis sept générations, s’est lancé dans la production de vin.
Prenant les commandes de l’exploitation en 2010, il comprend rapidement qu’il lui faudra diversifier sa production pour s’adapter aux aléas climatiques fragilisant les récoltes et sa trésorerie. Son souhait de bouleverser ses habitudes prend réellement forme en 2016 « une année très difficile » pour ce domaine qui s’étend sur 215 hectares, très affecté par la baisse des rendements causés par un été trop sec succédant à de fortes précipitations printanières.
Deux ans plus tard, l’organisme public France Agrimer l’autorisait à planter son premier hectare de vignes, un mélange de chardonnay pour le vin blanc et de pinot noir pour le vin rouge, connus pour leur résistance au phylloxéra. L’aventure de la Nouvelle Plaine, le nom de son vignoble, pouvait commencer.
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