« Les problèmes majeurs de notre société résultent de plus en plus du fait qu'imposteurs, bavardeurs et tricheurs attirent de plus en plus attention et confiance alors que honnêteté, droiture et vie intègre subissent la méfiance ! »
Edgar Morin
L’intégrité est un mot intéressant, car il peut signifier à la fois l’intégralité, la cohésion d’un système, et la probité et l’honnêteté de l’homme. Au sens moral l’intégrité est donc un concept très puissant, signifiant l’accès à la plénitude à travers la droiture et le refus du mensonge. Ce magnifique terme est un mot-clé dans le credo du corpus du renseignement militaire de l’armée américaine des États-Unis : « Et surtout, je serai intègre, parce que la vérité mène à la victoire. »
Le capitaine Clifton Patridge songeait au credo de sa formation et se demandait s’il ne serait pas plus honnête – plus intègre – de dire à tous les soldats qu’ils seraient désormais au service du mensonge, des manipulations, au lieu de leur ordonner de réciter les larmes aux yeux, ces formules grandiloquentes qui ne contenaient pas une once de vérité. Et ordonner de les réciter à des officiers du renseignement, dont le travail consistait à corrompre, était tellement curieux que, s’ils avaient un minimum de jugeote, ils éclateraient de rire durant leur serment.
Au début de sa carrière, il se l’expliquait en se disant que c’était nécessaire, que l’idéologie était importante, que la fin justifiait les moyens. La bonne blague. Quelle fin, d’ailleurs, bordel ? L’objectif de chaque armée, l’objectif de chaque combattant en général, devrait être la protection de ses frères plus faibles contre un agresseur. Cependant, jamais, au cours de son histoire, la puissante armée des États-Unis n’avait dû protéger ses concitoyens, parce que les concitoyens américains n’avaient jamais été attaqués. Ils n’avaient jamais eu besoin de protection de vaillants guerriers contre de méchants envahisseurs venus prendre leurs terres, leurs biens et leurs vies.
Mais puisque l’armée existait, il fallait lui donner quelque chose à faire. C’est pourquoi, au lieu de servir les citoyens, les militaires américains servaient les intérêts particuliers du gouvernement et des enjeux politiques plus ou moins raisonnables. Ils étaient envoyés aux quatre de la planète pour y mourir, non pas au nom du peuple, mais au nom du fic, du pouvoir et des manigances diplomatiques.
Oui, même officiellement, l’armée américaine ne servait pas la vérité mais l’arnaque. Officieusement, il le savait mieux que quiconque, car il avait commis des actes pour lesquels les civils finissaient derrière les barreaux, et même dans certains États, directement sur la chaise électrique. Malgré cela, il était tombé sur des missions si sales que son organisation criminelle, dont le budget annuel s’élevait à six cents quatre-vingts milliards de dollars, n’était pas habilitée à s’en occuper. Il fallait pour les accomplir faire appel à diverses entreprises militarisées, c’est-à-dire à de vulgaires mercenaires.