Pierre Emmanuel Taittinger a convenu que les Anglais avaient inventé le Champagne, bien que ce soit à leur insu. « Ils ont créé le Champagne… à cause d’une erreur, ». Très fair play, il explique que des vins rouges et blancs encore élaborés par des moines bénédictins avaient été expédiés de l’autre côté de la Manche, mais que les Anglais les avaient laissés dans les docks de Londres, où les conditions avaient été à l’origine d’une seconde fermentation. « Comme tant de grandes erreurs, cela a conduit à une grande invention« . Rendons à César …
QUI SE FAIT MOUSSER LE PREMIER ?
Et bien sûr, ce type de phrase n’est pas passée inaperçue chez les Anglais. De quoi faire réagir le célèbre magazine de vins Décanter qui n’oublie pas d’ajouter son petit grain de sel : Les véritables origines de la Champagne ont été débattues à plusieurs reprises au fil des ans.Certains ont attribué au moine Dom Perignon le développement de la « Méthode Champenoise » à la fin du 17 ème siècle. Cependant, les registres de la Royal Society au Royaume-Uni montrent qu’en décembre 1662, le scientifique anglais Christopher Merret présenta un article sur la vinification et expliqua comment les marchands anglais ajoutaient du sucre et de la mélasse aux vins pour «les faire boire pétillant et mousseux ».
Et Décanter d’ajouter son petit pique « british’ : » Il a été rapporté que les premiers travaux de Dom Pérignon dans les caves françaises visaient en fait à empêcher une seconde fermentation en bouteille; une caractéristique initialement considérée comme une faute par les producteurs. Cette position a ensuite changé, bien sûr. »
Tremblez, chers Français, le vin anglais sort de sa cave
THE DAILY TELEGRAPH - LONDRES
Publié le 12/11/2021 - 06:02
À la faveur du réchauffement climatique et d’investissements importants, y compris de la part de maisons françaises, la production et la qualité du pétillant britannique explosent, s’enthousiasme ce journal londonien. Les vins tranquilles, quant à eux, signent une percée remarquée.
Un ciel limpide surplombant des coteaux verdoyants qu’on croirait faits de velours côtelé – de plus près, on s’aperçoit qu’il s’agit de rangées de vignes qui mûrissent au soleil –, ce n’est pas ainsi qu’on s’imagine d’ordinaire la campagne anglaise. Le vin, les habitants de [l’Angleterre], cette île humide et frisquette, se sont contentés pendant des siècles de le boire, goulûment. Dans le meilleur des cas, ils produisaient de la piquette. Puis, à l’aube des années 2000, un domaine du Sussex [sud-est de l’Angleterre] nommé Nyetimber a marqué les esprits, au point que Stephen Skelton, œnologue et Master of Wine [diplôme prestigieux décerné aux meilleurs spécialistes] anglais, l’a comparé à Cloudy Bay [domaine néo-zélandais qui a largement contribué à la notoriété des vins du Nouveau Monde].
S’inspirant du champagne, les propriétaires américains avaient planté en 1988 du chardonnay, du pinot noir et du pinot meunier en lieu et place des cépages allemands qui, jusque-là, avaient la préférence des vignerons britanniques. Puis ils se sont mis à produire des pétillants élégants, aux arômes d’amande grillée, au lieu des vins qui sentaient le fruit rouge. Le réchauffement climatique commençait tout juste à faire sentir ses effets, le raisin arrivait davantage à maturité, les diverses productions gagnaient des médailles. D’autres viticulteurs leur ont emboîté le pas, et tout un pays a découvert ces vins effervescents en disant : “Attendez, mais ils ne sont pas mauvais du tout !”
Un mégadomaine inédit
Cette ascension des vins gallois et anglais nous a vite blasés, ou presque. On ne ressent plus d’excitation à l’idée de profiter d’un jour férié pour aller arpenter des vignes chez un producteur du coin, et on ne s’étonne plus d’apprendre qu’une compagnie aérienne sert un vin effervescent anglais en première classe.
Le secteur n’en affiche pas moins une croissance spectaculaire depuis dix ans, et la société Vineyard Farms vient de soumettre à la collectivité de Medway, dans le sud-est de l’Angleterre, un projet audacieux [en août dernier]. À une échelle inédite pour le pays, elle prévoit d’investir jusqu’à 70 millions d’euros dans des infrastructures et des vignobles, à quoi s’ajoutent 35 millions d’euros supplémentaires pour le matériel de vinification. Ces dix-huit derniers mois, la société a d’ores et déjà planté plus de 280 hectares de vignes sur les 485 hectares qu’elle possède près de Chatham, dans le Kent, donnant naissance au premier vignoble du Royaume-Uni par la taille. Quatre-vingts hectares de plus devraient être plantés dans les deux ou trois années à venir.
Si l’administration donne son imprimatur, le Kentish Wine Vault [littéralement “cave du Kent”] sera en mesure de produire jusqu’à 5 millions de bouteilles par an.
Des investissements à la pelle
Quand je relaie l’information auprès d’un ami négociant, il est soufflé. “Mais c’est l’équivalent de la production annuelle de tout le pays !” Oui, à peu de chose près. Jusqu’en 2018, le meilleur millésime pour le pays, c’était 2014 : les vendanges avaient alors permis de sortir 6,3 millions de bouteilles. Plus récemment, l’apparition de nouveaux vignobles, conjuguée à une météo exceptionnellement clémente, a permis quelques récoltes pléthoriques, dont une année 2018 hors norme. Autrement dit, quel que soit le bout par lequel on le prenne, le Kentish Wine Vault est un gros, très gros projet.
Ce qui pose plusieurs questions sur l’avenir des vins de Grande-Bretagne. Le secteur viticole y a fait beaucoup de chemin en peu de temps, et beaucoup de gens, par ambition ou par opportunisme, y investissent aujourd’hui des sommes folles. Quelle peut être la marge de progression du pays sur la scène internationale ? À quoi ressemblera le secteur dans dix ans ? Que nous réserve le prochain chapitre ?
L’ambiance était guillerette, en septembre, aux Royal Horticultural Halls de Londres pour une dégustation à laquelle participaient 40 vignerons exposants britanniques et quelques centaines de goûteurs. Ce regain
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Victoria Moore
ÉPISODE 3. Et si l'inventeur à l'insu de son plein gré s'appelait Robert Mansell… Décidément, dans l'aventure moderne du vin, les Anglais sont partout.
Par Jacques Dupont