Trouver quelque chose de franchement ennuyeux concernant la France et taper dessus : voici le but que s’est donné cette semaine Nadia Pantel dans sa chronique “La Boum”, qu’elle tient pour la Süddeutsche Zeitung. Sauf que le projet s’avère plus difficile à réaliser que prévu. ICI
J’adore !
Cette semaine, j’ai pris un café avec un collègue français. Je lui ai parlé de cette chronique. “Oh, génial, m’a-t-il dit, et tu tapes sur les Français ?” J’ai rapidement réfléchi. “Non, je ne crois pas.” Il a eu l’air déçu. Il ne comprenait pas vraiment le sens que pouvait avoir un billet sur la France dans lequel on ne s’en prend pas aux Français. “Bon, après, lui ai-je dit, il n’y a que les Allemands qui le lisent.” “Tu vois, m’a-t-il répondu, on est même trop bête pour apprendre la langue de notre voisin.”
OK, il ne l’a pas dit exactement en ces termes, mais je lui ai promis que cette semaine j’écrirai un billet antifrançais, et il est grand temps que je m’y mette. Pourtant, au moment même où j’allais vraiment me lancer (France ! C’est vraiment la dernière fois !), la tristesse m’a envahie. Je voyais déjà mon premier livre : La France, plus jamais. Et puis ? Et puis, rien d’autre ne m’est venu. J’avais le cerveau en paix, aussi satisfait que celui d’une vieille tortue. Avant d’écrire, j’aurais dû me refuser à manger une tarte au citron*, ça vous englue la colère, lui ôte tout mordant. J’ai ouvert une bière, parce que ça ne va pas du tout avec une tartelette au citron, et j’ai cherché à faire disparaître toute cette douceur. Puis j’ai regardé dans mon frigo, et j’y ai trouvé un camembert qui avait été noyé dans le calvados, puis saupoudré de noisettes. Dis-moi si tu es un peu amer, voilà ce que j’attendais de lui. Mon camembert m’a jeté un regard agacé. Il était imbibé de calvados et saupoudré de noisettes, il était le meilleur fromage du monde, il ne se posait pas de questions.
Et la revoilà, cette arrogance française. J’ai essayé de me pousser à bout toute seule. Il a ri, le camembert – d’accord, maintenant, y a l’Allemande qui nous en fait tout un fromage. Je lui ai chipé la grosse noisette qu’il portait comme un chapeau en son milieu. Et puis j’ai refermé le frigo. Gare à lui si, à l’intérieur, il rallume la lumière, pour avoir le loisir de moisir au grand jour, et c’est moi qui vais devoir payer la facture d’électricité.
C’est quoi ton problème, avec la France ?
C’est qu’en France on peut dilapider du courant comme nulle part ailleurs dans le monde. Car la France, comme l’a répété encore cette semaine Emmanuel Macron, est bénie par le dieu de l’atome. Et, bientôt, ce dernier va nous offrir, à nous autres utilisateurs du réseau électrique français, non seulement de grands réacteurs, mais aussi des petits, des subtils, des mignons. Oui, c’est vrai, ça aussi Macron l’a promis, la France prévoit de se doter de minicentrales nucléaires. Et si l’Allemagne développait aussi des minicentrales au charbon ? Est-ce que tout ce qui pose problème va réduire comme ça ? Comme mon loyer, par exemple ?
“La paix”, a aboyé le camembert depuis le frigo. J’ai éteint la lumière. “Tant mieux”, lui ai-je rétorqué. Et là, il m’a fait de la peine, tout seul dans le noir. Je l’ai sorti du frigo, nous nous sommes donné rendez-vous pour plus tard dans la soirée. Mais c’est quoi ton problème avec la France, m’a-t-il demandé avant que je revienne à mon bureau. Rien, ai-je soupiré, malheureusement rien.
* En français dans le texte.
Nadia Pantel