- Rien !
- …
- Rien de productif, je suis au rencart depuis plus de 6 ans, je vis de mes rentes, 5 caisses de retraite, suis un boomer privilégié, je consomme…
- Ça n’a pas été trop difficile de passer d’un statut de reconnu à celui d’avoir été ?
- Non, je n’ai jamais aimé travailler, mon rêve c’eut été d’être entretenu par un mécène pour me consacrer à…
- À quoi ?
- D’abord à qui et un peu à quoi ?
- Tout ça est bien vague, bien flou…
- J’adore le flou !
- Facile…
- Faux, je suis un être léger, l'exigence de transparence est un leurre, pourquoi diable devrais-je ouvrir le portillon, « le barreau » comme on disait dans ma Vendée crottée, de mon petit jardin d’intérieur ?
- Tu le fais quand même sur ton blog ?
- Si peu, rien que des souvenirs…
- Tu devrais les rassembler dans un livre ?
- Trop fainéant…
- Coquetterie !
- J’assume, je vis au présent…
- Certes, mais quand on a occupé, comme toi, de « hautes fonctions » de responsabilité je suis sûr qu’il y a, au fond de toi, de la nostalgie…
- Absolument pas, j’ai tourné la page sans problème, je suis suffisamment orgueilleux pour ne pas avoir cédé à l’encens du pouvoir, je connais bien mes forces et mes faiblesses, j’ai changé…
- Han ! bon, explication…
- Je me suis dépouillé des oripeaux du paraître, coupé les ponts avec ma vie d’avant, heureux ne plus avoir à supporter les contraintes d’une vie professionnelle et sociale cadenassée… Ceci dit, j’ai eu la chance d’avoir une vie professionnelle riche et heureuse…
- Rocard !
- Oui, c’est ma fierté d’avoir travaillé 10 ans à ses côtés.
- Des regrets qu’il n’ait pu franchir la dernière marche ?
- Sur le moment oui, depuis j’ai acquis la conviction, renforcée par ce que nous vivons en ce moment, que ce pays est ingouvernable, contre tout, conservateur, allergique à ceux qui parlent vrai.
- Plus de politique alors ?
- Ayant vécu dans l’ombre d’hommes politiques, je n’ai jamais été tenté par un mandat électif, la descente aux enfers du PS était inscrite dans ses contradictions, Mélenchon en étant la figure emblématique, la gauche sociale-démocrate n’a jamais pris pied dans le paysage politique français, le pays est profondément de droite, Macron l’a bien compris…
- Macroniste ?
- Non, même si son exécration par les extrêmes me choque, c’est un anti-Rocard, ce qui pose problème c’est le vide sidéral face à lui.
- Revenons à tes moutons, que fais-tu de ta vie ?
- J’aime !
- Vaste programme !
- Le plus beau, mais là encore : silence radio !
- T’es chiant ! revenons à ton fond fr commerce, le vin, permets-moi tout de même de souligner que tu as, souvent sur ton blog, la dent dure, tu ne te prives pas de railler les ouvriers de la 25e heure des vins nus.
- Pourquoi me priverais-je, ils sont si peu crédibles, toujours en train de s’agiter tels des cabris, des révolutionnaires en peau de lapin, rois de l’entre soi, un petit monde qui n’est pas le mien. Désolé, suis un vieux con et je ne me soigne pas.
- Et les affaires du monde, elles ne t’intéressent plus ?
- Que si ! Plus que jamais mais il n’y a plus de débat, chacun est dans son camp, défend son bout de gras, les grands médias sont moribonds, la démocratie représentative est en danger. Qui puis-je ? Pas grand-chose, je suis désespéré de l’état de notre planète, du monde que nous léguons à nos petits-enfants…
- Guilty or not guilty ?
- Je ne me défilerai pas comme Georgina Dufoix, à propos du scandale du sang contaminé, « responsable mais pas coupable », nous portons tous notre part de responsabilité et sommes tous coupables de l’état de notre planète avec bien sûr des degrés différents selon la place qu’on occupe dans la société. À ce propos, je suis effaré par la propension des citoyens à judiciariser les responsabilités, on porte plainte, on se défausse sur des juges qui n’ont de compte à rendre à personne, la République des juges est la pire, je la crains.
- Tu la crains mais tu te mets en retrait, je pointe là une contradiction…
- Je le concède, mais j’ai déjà donné au temps où j’exerçais des responsabilités, il est un temps pour tout, aujourd’hui, avec les moyens qui sont les miens, modestes, j’épaule ceux qui dans le bain. Quand viendra l’heure du choix, celui de la future présidentielle qui occupe déjà tout l’espace politique, je choisirai : choisir est toujours une douleur.
- Donneras-tu des indications sur ton choix ?
- Bien sûr que non, je ne l’ai jamais fait, une fois mon choix fait je me rendrai dans l’isoloir et je glisserai sans hésiter dans la petite enveloppe un bulletin. (anecdote, lors de l’élection de Pompidou en 1969, je n’avais pas encore atteint mes 21 ans je ne pouvais donc pas voter alors que j’étais en 3e année de Droit, ma chère mémé Marie me demanda pour qui elle devrait voter, je répondis sans hésiter : Michel Rocard, ce quelle fit. 816 470 voix 3,61 %, il est à noter que Michel Rocard a obtenu près de 7 % des voix auprès des 21−34 ans, un peu mieux que Gaston Deferre 1 133 222 voix 5,01 %, Jacques Duclos éclatait les compteurs du PCF 4 808 285 voix 21,27 % et avec l’art de la formule qualifiait le choix au second tour entre Poher et Pompidou : de blanc bonnet et bonnet blanc)
- Tu vois, quand tu y mets du tient tu te racontes…
- L’avantage de tenir chronique sur un blog depuis bientôt 16 ans c’est de pouvoir vérifier ce que je racontais au temps où certains me qualifiait de « haut-fonctionnaire parisien », 9 août 2006
Ce matin j'enlève le haut
Comme le dit le bon sens populaire : on ne prête qu'aux riches... Ainsi dans les gazettes ou dans les propos des apparatchiks professionnels on me qualifie de haut-fonctionnaire parisien, soit l'abomination de la désolation, la totale : peste, choléra et MST réunis... Ben non, au risque de leur déplaire : je ne suis ni haut, ni fonctionnaire et un parisien d'adoption et heureux de l'être. Je m'explique. ICI
- Comment conclure cette interview ?
- Tout d’abord en soulignant que je n’en voyais pas l’utilité et que j’avais raison, la bonne question était : qu’as-tu fait de ta vie ?
- Fort bien, alors réponds !
- Oui, mais ce sera sous la forme d’une citation de Milan Kundera : « On sort de l’enfance sans savoir ce qu’est la jeunesse, on se marie sans savoir ce que c’est d’être marié, quand on entre dans la vieillesse, on ne sait pas où l’on va. En ce sens, la terre de l’homme est la planète de l’inexpérience. »