En bon rédachef qui n’en fout pas une rame, profitant de mon séjour au Racou, je suis allé, avec ma cane et mon chapeau, visiter, dans son « palais » battu par les flots, mon infatigable chroniqueur cinéma, nous avons bien mangés, Marie-Louise est un cordon bleu, tout particulièrement une caille en papillote de poivron vert, succulente, et bien sûr bien bu, la cave de Pax recèle de belles bouteilles.
Bref, le Ciné Papy, après un coup de mou, est reparti comme en 40.
Aujourd’hui c’est «L’année du dragon » (1985)
Pourquoi ce film ?
Pour mille et une bonnes raisons et aussi quelques mauvaises car c’est un chemin détourné pour parler de l’Immense Michael Cimino et l’importance de sa place dans l’histoire du cinéma. Le chemin détourné vaut surtout par, pour Ciné papy, une des plus belles images de cinéma.
Quelle est l’histoire ?
Le capitaine Stanley White est un vétéran de la guerre du Viêt Nam. Il est à présent officier de police du NYPD et le policier le plus décoré de New York. Muté dans le quartier de Chinatown, Stanley part en guerre contre les triades chinoises qui gangrènent le quartier. Elles ont la main mise sur le trafic de stupéfiants et le racket les commerçants du quartier. Elles se livrent entre elles à des règlements de compte sauvages.
Nous assistons alors à une guerre ouverte où tous les coups semblent permis entre un flic plus que déterminé et Joye Tai qui, tout aussi déterminé et de manière radicale s’est hissé à la tête de la triade.
La radicalité des moyens employée par Tai est illustrée par le meurtre de Connie la femme de White et de violences faites à sa petite amie.
Réalisation
C’est Michael Cimino qui mène la danse.
Michael Cimino ! En quatre films il bouscule Hollywood « la Machine à Rêves ».
Avec « La Porte du Paradis »1980 il ruine au sens propre du terme la Cie United Artists acculée à la banqueroute. Ce producteur, sur l’énorme succès de «Voyage au bout de l’enfer» 1978 avait confié à Michael Cimino le contrôle total su le film.
Considéré comme le fossoyeur du « Nouvel Hollywood » * Il trouve néanmoins à réaliser « L’année du Dragon » 1985 qui, là encore trouva un accueil public et critique mitigé. Cimino, une fois de plus est « politiquement - trop- incorrect »
* Il s’agit de la prise du pouvoir des cinéastes sur les studios façon Nouvelle Vague en France et Néoréalisme en Italie. Cette période s’est étalée sur une vingtaine d’année de 1960 à 1980. Elle a vue fleurir des cinéastes tels Brian De Palma, Dennis Hopper, Francis Ford Coppola, George Lucas, Martin Scorsese, Michael Cimino et Steven Spielberg.
Michael Cimino et son œuvre aujourd’hui
Voilà ce qu’il disait de lui en 2012 « « Vous êtes la dernière merveille, puis on vous écrase, puis on vous remonte à nouveau. Ce rituel américain est tellement archétypal qu’on en fait même des films : montée, chute, remontée, on pourrait citer mille titres ! Ce schéma exige que vous soyez traîné dans la boue puis que vous renaissiez couvert de sang »
Et de son œuvre en 2014 « Moi, on m'a collé toutes les étiquettes. J'ai été traité d'homophobe pour Le Canardeur, de fasciste pour Voyage au bout de l'enfer, de raciste pour L'Année du dragon, de marxiste pour La Porte du paradis et de violent pour La Maison des otages… »
Quatre œuvres majeurs en 10 ans pour un cinéaste qui vécut quelque 70 ans mais dont l’image de marque restera celle du refus de toutes concessions !
Aujourd’hui :
« Le Voyage » Wikipédia nous dit que, en 1996, le film est sélectionné par le National Film Registry pour être conservé à la Bibliothèque du Congrès des États-Unis pour son « importance culturelle, historique ou esthétique ». En 2007, il est classé à la 53e place de la liste du Top 100 de l'American Film Institute.
Toujours sur Wikipédia à propos de « l’Année du Dragon » Le film figure à la 3e place du Top 10 des Cahiers du cinéma de 1985. Le réalisateur-scénariste Quentin Tarantino classa le film parmi ses préférés, et juge la scène finale de la fusillade sur le pont de chemin de fer comme l'un des meilleurs « Killer Movie Moments ».
Quant à « La porte du paradis » En 2013, lors de la ressortie du film dans sa version director's cut, Jean-Baptiste Thoret parle en revanche dans Charlie Hebdo de la « Renaissance d'un chef-d'œuvre » et évoque « la critique la plus implacable jamais produite de l'un des mythes fondateurs de la Nation, l'impossible alliance du peuple et des élites anglaises, l'exploitation éternelle des premiers par les seconds, le sort peu enviable des émigrants venus d'Europe de l'Est, la lutte des classes bien sûr, en lieu et place de la Pastorale promise, et le fantôme de Marx passé des terres viscontiennes à celles du Wyoming. »
Note sur « Voyage au bout de l’enfer »1978
C’est le premier film évoquant la guerre du Vietnam, juste avant « Apocalypse Now » 1979 de Francis Ford Coppola et bien avant « Full Métal Jacket » 1987 de Stanley Kubrick. Bien évidemment « Voyage au bout de l’enfer » n’a rien à voir avec les autres.
Le film de Coppola, quel que soit le plaisir pris à le voir, le revoir est avant tout un produit, certainement avec raison, multi-récompensé qui n’est que l’adaptation, avec talent semble-t-il, d’une nouvelle de Joseph Conrad datant de 1889 et transposée dans le conflit vietnamien. Pour Ciné papy, ce film relève de ce que Joseph Mankiewicz, un des plus fins et intelligents cinéastes et/ou producteurs d’Hollywood aurait rangé dans la catégorie « Son et Lumière »
Comme on peut s’y attendre, il en va différemment du film de Kubrick. C’est une espèce de reportage sur la formation des Marines, avec toute l’efficacité que les américains savent déployer, sans état d’âmes, quand il y a un but à atteindre, efficacité identique qui leur a permis d’aller sur la lune. Et si Kubrick avec tout le soin qu’il met à soigner les détails illustre parfaitement cette efficacité on se rend vite compte de ses limites. On oublie trop souvent, en hauts lieux qu’il s’agit d’homme et que tout ne se règle pas comme un problème d’horlogerie.
Il y a le premier « accroc » avec l’engagé « Baleine » qui pète un plomb lors de la formation puis, dans la deuxième partie ou l’on voit, quel que soit leur préparation et/ou leur bonne volonté, les soldats auront du mal possible à accomplir leur mission voir tout simplement à sauver leur peau.
Pour « Le voyage », une nouvelle fois Cimino sort des sentiers battus. Le point de vue adopté est celui du départ de copains d’un bled de Pennsylvanie, la fleur au fusil, pour le Vietnam, et surtout, leur retour et l’état dans lequel ils reviennent. Entre les deux, cette saloperie de guerre du Vietnam, moulinette au travers de laquelle ils sont passés.
Reprenons, voulez-vous la suite de la fiche
Qui fait quoi ?
Pardon pour les très bons acteurs du casting mais peu connus des spectateurs européens. On retiendra :
Mickey Rourke
C’est son premier grand premier rôle. Il va vite devenir le nouveau Marlon Brando/James Dean d’Hollywood tant il impressionne par son charisme et une sensibilité à fleur de peau. Il faut dire que, comme eux, il a été élève de l’« Actors Studio » Ses fans se souviendront de lui dans « Angel Heart » 1987 d’Alan Parker ou « Barfly » 1987 de Barbet Schroeder ou encore « 9 semaines ½ » 1986 d’Adrian Lyne avec Kim Bassinger. Par la suite, il eut une carrière cabossée comme sa gueule de boxeur, broyé, comme tant d’autre par le système hollywoodien.
Caroline Kava
Pour la fabuleuse scène « d’après l’orage ». Elle fit ses débuts dans « La porte du paradis » 1980 de Michael Cimino. Et les amateurs de série américaine ont pu la reconnaître ça ou là.
Temps forts
Quand un collègue et ami de Mickey Rourke lui dit qu’il prend les choses trop à cœur. Réponse de Rourke : « Comment peut-on ne pas prendre les choses trop à cœur ? »
Réponse de Stanley White aux instructions qui lui sont données après les derniers massacres de la mafia, dont Connie sa femme: « On y va pour gagner cette fois ? » en référence à la déculottée américaine au Vietnam.
Stanley White, tout à sa détermination et sa rage à vouloir détruire la mafia asiatique, délaisse son épouse Connie. Rien de particulier sauf une histoire ordinaire de couple. Ils ont décidé « de mettre un enfant en route » Ce n’est pas facile. Il faut respecter des dates. Connie commence à être âgée. Il rentre un matin excité par le cours nocturne que vient de prendre sa mission. Il a tout oublié de la soirée prévue. S’en suit une scène de ménage orageuse comme seule Cimino sait le faire.
La scène suivante, nous montre Connie assise sur l’escalier arrière de la maison. Je ne sais plus si elle renifle mais elle reprend doucement son souffle. C’est le silence en contre point les éclats de voix de la scène de ménage. Cimino installe ce silence. La scène et longue. Comme le silence, elle dure. Tout est immobile. Le silence semble tout tenir en respect.
Mais, un peu à droite de l’écran, un linge, un seul, sèche sur sa corde, agité par un peu de vent. Sublime.
Pax
Prochainement « Les Saveurs du Palais »