Aujourd’hui c’est « Un dimanche comme les autres » (1971) V.O Sunday Bloody Sunday
J’entends déjà les critiques : encore un film anglais ! Ciné papy a déjà expliqué le choix de ses films. Des acteurs, une atmosphère, des décors, des dialogues, bref tous ces ingrédients qui vont faire un superbe cocktail mais qui attirera l’œil car l’un de ces ingrédients apparaîtra comme la tranche de citron entaillée sur le haut du verre ou l’olive au fond du verre d’un martini dry.
Pour moi, les acteurs anglais ont une présence que n’ont pas les acteurs français. Je me suis laissé dire que cela pourrait tenir, en partie, au régime social des acteurs. En France, il y a le régime des « intermittents du spectacle » alors qu’en Angleterre, si tu bosses pas, tu ne bouffes pas. Alors, tu te défonces, tu mouilles ta chemise. Par ailleurs, si on lit la biographie des acteurs qu’on aime, on apprend, qu’ils ont, presque tous, débuté par le théâtre et en Angleterre qui dit théâtre, dit Shakespeare. Certes, cinéma et théâtre, ce n’est pas la même chose. Louis Jouvet disait : « Au théâtre on joue, au cinéma on a joué » Mais, il me semble, que faire ses classes au théâtre vous donne une assurance, une présence que n’a pas forcément un acteur de cinéma.
Sur scène, il faut se faire voir et se faire entendre, de l’orchestre au poulailler en passant par les baignoires (toujours en passant ce facétieux Ciné papy ne résiste pas à vous donner cette définition de mots croisés en huit lettres, de Tristan Bernard : « Vide les baignoires, rempli les lavabos ». Ceux qui connaissent la solution savent que nous sommes en plein dans le sujet ! Les autres patienteront un petit peu.)
Le sujet
Depuis Fernand Raynaud on sait qu’en Angleterre jusqu’à il y a quelques années les dimanches à Londres était long comme un jour sans pain parce que tout était fermé « Sunday close ! » Cependant la vie continuait, bien sûr, dans l’intimité.
Quelle est l’histoire ?
Ce pourrait être un vaudeville, Alex, ravissante jeune divorcée, et Daniel, médecin juif new yorkais quinquagénaire, partagent les faveurs de Bob Elkin, jeune artiste londonien bisexuel. C’est plein de nostalgie et de non-dit. Les deux amants se connaissent de vue mais préfèrent ne rien dire, par peur de perdre Bob quitte à en souffrir. Et, le cœur serré, chacun voit évoluer le jeune bohême insouciant. Avec, en toile de fond, la crise économique des années 70, dans un Londres brumeux. Aucun cafard cependant, juste un dimanche comme les autres ce que chacun d’entre nous a certainement déjà vécu.
Réalisation
C’est John Schlesinger qui est derrière la caméra. Il s’agit, là encore, d’un cinéaste particulier. Son premier long métrage de fiction, « Un amour pas comme les autres »(1962), est couronné par l'Ours d'or au Festival de Berlin l'année de sa sortie... Son troisième film, « Darling » (1965), emporte entre autres récompenses trois Oscars.
Il est capable de réaliser un film intimiste comme « Un dimanche comme les autres » et d’afficher dans sa filmographie des succès comme « Macadam cow-boy » (1969) Plaidoyer pour l’homosexualité lui qui affichait cette préférence sexuelle. Ce film, au succès planétaire, on n’est quand même qu’en 1969, fut couronné de deux Oscars : Meilleurs film et meilleurs réalisateur. Tout le monde se souviendra également de « Marathon Man » (1976) ou l’on retrouve Dustin Hoffman déjà présent au générique de « Macadam cow-boy » et surtout Laurence Olivier auquel, tout cinéphile ne manque pas de penser quand il se rend chez le dentiste en se rappelant son doucereux « C’est sans danger » qu’il prononce avant de torturer Dustin Hoffmann.
Je ne résiste pas au plaisir d’évoquer son téléfilm pour la BBC « An Englishman Abroad » (1983) Il s’agit de l’histoire vraie de ce que l’on appelle « Les Cinq de Cambridge » un groupe d’espionnage composé essentiellement de cinq anciens étudiants de l’université de Cambridge. Kim Philby Guy Burgess, Donald Duart Maclean Anthony Blunt Johnson) et John Cairncross. C’est Alan Bates qui joue Guy Burgess. Il est formidable dans la déchéance qui fut sa récompense pour sa trahison dans son exil « doré » en Union Soviétique ou il songe avec une nostalgie inconsolable à La Grande Bretagne. Il faut le voir se rapprocher anonymement d’Anglais de passage et ou de soviétiques pouvant voyager pour se faire ramener des choses que l’on ne trouve pas à Moscou. Fabuleux ! Ceux qui savent manipuler le « streaming » interlope ou le « Vod » pourront voir ce téléfilm. Ce n’est que du bonheur.
Qui fait quoi
Peter Finch : Dr Daniel Hirsh
J’ai une passion particulière pour cet acteur qui n’a pas chômé plus de cinquante films en trente-neuf ans de carrière. Sydney Lumet et Robert Aldrich l’ont dirigé. Finch a interprété quelques-uns de ses meilleurs rôles sous la direction de Jack Clayton représentant du réalisme cinématographique en Grande Bretagne mais aussi les metteurs en scène malheureux de « Gatsby le magnifique » (1974 -The Great Gatsby en V.O.) qui fut un échec commercial. Ses faits d’armes :
- 1971 : Nommé à l'Oscar du meilleur acteur - Un dimanche comme les autres - 1976 : Oscar du meilleur acteur - Network (à titre posthume)
- 1976 : Golden Globe du meilleur acteur dans un film dramatique - Network (à titre posthume).
Glenda Jackson : Alex Greville
Encore une actrice hors du commun. Elle a joué pour de grands metteurs en scène avec des partenaires de sa trempe. Alan Bates bien sûr, Dirk Bogarde, Vanessa Redgrave, Lauren Bacall. Dans « Une Anglaise romantique » (1975 - The Romantic Englishwoman en V.O de) Joseph Losey, elle a pour partenaire Michael Caine et Helmut Berger. Pour moi, son physique, très agréable, dénote sa forte personnalité. Elle reçut deux Oscars. Le premier dans « Love » (1969) d’après de roman de D.H.Lawrence et le second dans « Une maîtresse dans les bras, une femme sur le dos » (1973 -A Touch of class en V.O.) de Melvin Frank; film pour lequel elle remporte un deuxième Oscar. N’oublions pas non plus son rôle de l’épouse nymphomane de Tchaïkovski dans « La symphonie pathétique » (1971 – Music Lovers en V.O) Deuxième film de Ken Russel.
Personnalité atypique Glenda Jackson donne l'image d'une femme intelligente, libertaire et aristocratique, souvent ironique et pince-sans-rire, associant caractère affirmé, froideur et érotisme troublant nous dit Wikipédia.
Ce fut également une redoutable femme politique de 1092 à 2015 .Elle a siégé à la Chambre des communes pour le compte du Parti travailliste comme députée de Hampstead and Highgate, située dans le district londonien de Camden. Elle n’a pas sa langue dans sa poche. En 2013 lors de la séance d’hommages à Thatcher à l’occasion de son décès, aucun éloge funèbre de sa part mais une descente en flamme de la Dame de Fer et de son bilan catastrophique pour les couches populaires.
Une très grande actrice et une grande dame.
J’ai une affection toute particulière pour un film policier tourné avec Walter Matthau. Les deux, plus pétillant de malice l’un que l’autre donne l’impression que rien n’est sérieux alors que l’intrigue avance à grand pas. « Jeux d'espions » (1980 – Hopscotch en V.O) Peut être une future fiche.
Murray Head : Bob Elkin
C’est un acteur et musicien anglais qui connut la célébrité en Angleterre et en France entre les années soixante et quatre-vingt-dix. Son rôle dans « Un dimanche comme les autres » a été marquant car c’était un des tous premiers films à parler ouvertement de la liberté de mœurs et de l’amour homosexuel masculin dans le cinéma anglais.
Temps forts
Quand Daniel Hirsch suit la leçon d’Italien qu’il apprend, à l’aide d’une méthode type Assimil en vue d’un prochain voyage. Il s’applique mais on sent bien que le cœur n’y est pas car le voyage est envisagé avec Bob Elkin ne se fera vraisemblablement pas. Bob a dit oui par pure gentillesse.
La déception qui suit les relations intimes de chacun avec Bob. A chaque fois cette relation leur permet d’espérer une avancée aussitôt déçue par ce que Bob a d’autre idée en tête et qu’il s’éclipse aussitôt.
Solution du mot croisé : Entracte.
Pax
Prochainement « Le pont des espions»