« Rien n’est sale quand on s’aime », fera dire Clouzot à l’un des personnages de son film Manon. Dans Quai des Orfèvres, déjà, tout poisse, s’encrasse, sauf l’amour, qu’il soit filial, conjugal ou lesbien.
Ce film est né dans l’année qui précède ma naissance, 1947, je pense l’avoir vu dans le cadre de Ciné-Culture.
Aujourd’hui c’est « Quai des Orfèvres »
Attention, chef d’œuvre !
C’est le moment de rappeler que « Ciné papy » ce n’est que des coups de cœur d’un amateur de cinéma, cinéphage par ailleurs plus que sage cinéphile.
C’est donc avec beaucoup de modestie que cette œuvre va être abordée et tenter de vous expliquer ce qu’elle a de magique. Exercice d’autant périlleux qu’il ne faudrait pas moins de trois fiches pour vous en parler.
Pourquoi ce film ?
Parce que, comme dirait Fabrice Luchini, c’est du lourd. Du très lourd au regard de tous ceux qui de près ou de loin ont participé à ce film. Les divers renvois que permet cette richesse montrent ce que fut l’histoire du cinéma français pendant la deuxième guerre mondiale.
Mais voir aussi en fin de fiche
Quelle est l’histoire ?
Il s’agit d’un roman policier dont l’intrigue est particulièrement alambiquée. Clouzot traite cela avec brio et en profite pour dresser le tableau d’un monde artistique de cabaret et une vie de policier d’une tristesse affligeante. C’est Louis Jouvet qui mène l’enquête qui s’avère ardue en raisons des mensonges des uns et des autres, soit pour protéger quelqu’un, soit pour dissimuler quelque chose comme, par exemple, la chanteuse Suzy Delair qui n’a rien à se reprocher sauf d’avoir été sur le lieux du crime et qui craint la jalousie de son pianiste accompagnateur de mari, Bernard Blier. Il faut souligner l’humanité dont fait preuve Louis Jouvet, tout au long de l’enquête, jusqu’à sa conclusion
Source
C’est le roman « Légitime Défense » de Stanislas-André Steeman. C’est, entre autre, un auteur belge de roman policier à succès. Il a créé le personnage de Monsieur Wens, surnom de Wenceslas Vorobeïtchik, détective privé dont les aventures seront portées sept fois à l’écran dont « L’assassin habite au 21 » (1942) adapté et mis en scène par Clouzot avec dans le rôle de Monsieur Wens le grand Pierre Fresnay dont on ne peut oublier la très élégante interprétation dans « La grande illusion » (1937) de Jean Renoir , du capitaine de Boëldieu, un aristocrate fier et nostalgique . Nous aurons l’occasion d’y revenir.
Réalisation
Henri-Georges Clouzot est à la mise en scène. C’est quelqu’un d’important dans l’histoire du cinéma français. Son pessimisme le porte vers le film noir Ses films n’ont jamais laissé indifférents. « Le Salaire de la peur »(1952) et « Les Diaboliques »(1952), sont placés par la critique au nombre des plus grands films des années 1950.
Le Salaire de la peur a remporté les trois récompenses suprêmes des principaux festivals européens à savoir le Lion d'or, la Palme d'or et l'Ours d'or. Honneur qu’il partage avec deux autres cinéastes seulement, Michelangelo Antonioni et Robert Altman. C’est dire l’importance du bonhomme. Le suspens distillé dans ses films le qualifiera d’ « Hitchcock français »
Qui fait quoi
Louis Jouvet : l'inspecteur Principal-Adjoint Antoine
Simone Renant : Dora Monnier, la photographe
Bernard Blier : Maurice Martineau, le mari de Jenny
Suzy Delair : Marguerite Chauffonnier dite Jenny Lamour, la femme de Maurice
Pierre Larquey : Émile Lefort, le taxi
Jeanne Fusier-Gir : Paquerette, la dame du vestiaire de l'Eden
Claudine Dupuis : Manon, la prostituée sous les verrous
Charles Dullin : Georges Brignon, l'homme d'affaires
Henri Arius : Léopardi, auteur compositeur
Charles Blavette : Poitevin, l'employé de la SNCF
René Blancard : le commissaire divisionnaire chef de la Brigade Criminelle
Robert Dalban : Paulo, ferrailleur et mauvais garçon
Jean Daurand : l'inspecteur Picard
Jean Dunot : Nitram, le chanteur comique qui répète
Jacques Grétillat : Auguste, de l'agence artistique
Gilberte Géniat : Mme Beauvoir, la concierge
Gabriel Gobin ou Gabriel Gobain : le patron du café
François Joux : l'officier de police Faillard
Léo Lapara : l'inspecteur Marchetti
Henri Niel : l'inspecteur à la dinde de Noël
André Numès Fils : l'inspecteur comptable
G. Peran ou Claude Peran : le magicien de Médrano
Annette Poivre : Madeleine, la standardiste
Georges Pally : Poiret, le régisseur de l'Eden
Fernand René : Mareuil, le directeur de l'Eden
Jean Sinoël : le vieux journaliste
Raymond Bussières : Albert, le truand arrêté
Bob Ingarao : un inspecteur (non crédité)
Il n’est pas question de vous les présenter les uns après les autres. Les petits curieux peuvent aller sur interlope pour plus de renseignement si nécessaire.
Par exemple Dora Doll, nom à la connotation américaine. On découvre une carrière importante et méconnue aujourd’hui, même de vieux Ciné papy.
Les plus anciens reconnaîtront des acteurs encore connus comme Pierre Larquey qui tient un rôle important dans « Le Corbeau » grand film également réalisé par Clouzot. Mais aussi Raymond Bussières ou encore Robert Dalban que tous les amateurs de cinéma, y compris les jeunes connaissent pour sa participation dans ce monument qu’est le film « Les Tontons flingueurs » de Georges Lautner, (pour la petite histoire, fils de Jeanne Fusier-Gir)
Je laisse à une autre fois l’occasion de parler de Louis Jouvet qu’on ne présente plus ou de Charles Dullin grand acteur de théâtre ou enfin de Bernard Blier qui commençait une très longue carrière.
Si contrairement à une annonce du début des fiches j’impose au lecteur cet impressionnant casting c’est pour attirer l’attention sur ce que l’on pourrait, non sans un certain mépris, parler de second rôle. Quand on aime le cinéma et les acteurs ont ne peut que souscrire à ce que rapporte Dominique Zardi, un des plus constants seconds rôles du cinéma français et plus particulièrement de Claude Chabrol. Le petit aux cheveux ras pour ne pas dire rasés, c’est lui.
Il nous dit : « Vous savez, dans le gigot, ce qui est bon, c'est pas la viande, c'est les pointes d'ail. C'est pas moi qui dit ça, c'est Raimu » Lequel Raimu précisait souvent : « Il n'y aurait pas de grands acteurs sans de grands seconds rôles"
C’est toujours un plaisir de les retrouver dans l’un ou l’autre film.
Mention aussi pour les costumes de Jacques Fath grand couturier de l’immédiat après-guerre.
Temps forts
La remarque de Louis Jouvet à Simone Renant, la photographe Dora Monnier amoureuse de Suzy Delair.
«Dans le fond, vous êtes un type dans mon genre, vous n’avez pas de chance avec les femmes.»
Rien que pour cela j’idolâtre « Quai des Orfèvres ». Clouzot dialoguiste de ce film, montre qu’il n’était pas qu’un simple metteur en scène
Pax
Prochainement « Un dimanche comme les autres »