Longtemps j’ai déjeuné le mercredi, assis au bar de Giovanni Passerini, et puis un soir de passage dans le quartier, heureux hasard, j’ai traversé la rue, poussé la porte d’ICI MÊME qui, à cette époque, portait deux casquettes, cave à manger et galerie. Bien m’en a pris, ce fut une soirée mémorable, j’y découvris, grâce à Claire, une brassée de pépites de vin nu.
ICI MÊME, me séduisit, une belle cave de quartier, près du marché d’Aligre, 68 rue de Charenton dans le 12e arrondissement, des vins en liberté, en toute sincérité, bar à vins en soirée où il fait bon se retrouver entre amis autour d’une belle bouteille, se régaler, pour refaire le monde, tailler des bavettes, causer cépages, découvrir des vins nature.
À Paris, comme ailleurs, nous avons connu avec la Covid 19 l’extension des terrasses, où, enfin démasqués, à l’air libre, certes un peu pollué, il était enfin possible de pratiquer notre sport national : casser du sucre sur le dos des gouvernants, avec une cible majeure : notre jeune président.
À ICI MÊME la terrasse existait déjà, avec la bénédiction et une rétribution à la mairie, sous un bel auvent bleu marine, les déconfinés ont pu grâce à Angel se mettre à l’heure espagnole en savourant des patatas bravas.
Les patatas bravas seraient nées à Madrid dans les années 1960 lorsque deux bars ont décidé de proposer une version peu chère et savoureuse d’un plat de pommes de terre arrosé d’une sauce rouge. Le succès a tout de suite pris et très vite. Depuis 2008, les patatas bravas sont un des nombreux plats traditionnels de l’Espagne qui figurent au classement établi par l’Unesco. Ça ne plaisante pas !
Les patatas bravas sont peut-être le plus moderne des plats typiques de Madrid et, probablement, le seul dont l'origine soit véritablement indigène à la capitale du royaume, en plus d'être l'un des plus populaires et l'un des plus répandus, avec les plus grands ou moins fidélité à la recette originale, pour le reste de la péninsule.
Curieusement, il n'y a pratiquement aucune documentation sur le sujet, et la première référence au terme « patatas bravas » dont nous avons la preuve date de 1967 lorsque Luis Carandell dans son livre « Vivre à Madrid » et dans le chapitre consacré au bavardage écrit : « Las patatas bravas, que l'on appelle dans certains endroits ' patates a lo poor ', ce sont des pommes de terre sautées à la sauce piquante, comme on imagine que les pauvres mangeraient des pommes de terre, c'est-à-dire tartiner du pain sur la sauce »
La pomme de terre a toujours été considérée comme un aliment de base de la paysannerie et du prolétariat industriel. Il n'apparaît pas dans les livres de cuisine classiques et dans les livres modernes il fait l'objet de réticences, ils le décrivent comme « un légume bon marché et vulgaire qui protège les gens de la faim ». D'où les fameuses pommes de terre aux pauvres que l'on mangeait dans le Madrid du XIXe siècle. En accord avec cela, Angel Muro en 1893 a écrit :
« ... n'importe quelle sauce, n'importe quelle vinaigrette, connue ou à connaître, convient aux pommes de terre, [...] même au suif et au safran, c'est ainsi que les pauvres de Madrid les dépensent. »
Angel, est espagnol, né à Segorbe, en castillan (Sogorb en valencien), commune d'Espagne de la province de Castellón dans la Communauté valencienne. Elle est le chef-lieu de la comarque de l'Alto Palancia. Après un premier job en cuisine au Lavinia-Défense (chef Etienne Berg) il part à Lyon à la brasserie Georges puis « remonte » à Paris pour une formation vin, en alternance à ICI MÊME, puis une embauche.
La recette des patatas bravas est simple, pour être “bravas”, les “patatas” doivent être accompagnées d’une sauce rouge et piquante, ce qui les rend “braves, courageuses” (d’où le nom). C’est là que les choses se compliquent car selon où vous vous trouvez en Espagne, la recette de la sauce va changer : l’ingrédient principal sera différent, la sauce sera plus ou moins piquante, plus ou moins élaborée, plus ou moins liquide etc. Pour simplifier, on peut dire qu’il y a deux grands courants : les partisans de la sauce “brava” élaborée avec de la tomate (Madrid), et ceux qui la préparent avec du poivron rouge (Valence, la Catalogne)
Angel est de la province de Valence, donc pas de tomates dans la sauce.
Préparation de la sauce
Dans une poêle faire revenir à feu doux dans de l’huile d’olive un oignon émincé, lorsqu’il est blond saupoudrer de piments poudre AOP Vera (le piquant 1 cuillerée à café, le doux 2 cuillerées à café), ils ne doivent pas roussir : les mélanger à l’oignon avec une cuillère en bois. Ajouter une cuillérée à café de farine, faire un roux blond, verser un verre de fond de poulet tiède, réduire pour obtenir une texture épaisse. Mixer. Passer au chinois.
Pour les pommes de terre deux méthodes : cuisson à l’eau ou au four 180°
Angel conseille de boire avec ses patatatas bravas un pinot noir alsacien…
Brand & Fils
Alsace - Année 2020