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14 juin 2021 1 14 /06 /juin /2021 06:45

Enfant terrible. Jean-Pierre Chevènement, alors ministre de la Défense, au côté de François Mitterrand, le 5 octobre 1990 à Paris. Leur relation a souvent été orageuse. © AFP - Michel Clément

« J’ai de plus en plus républicanisé mon socialisme, jusqu’au point où je ne discerne plus l’un de l’autre »

 

Jean-Pierre Chevènement l'invité de l'émission « Les Clefs d'une vie » sur Sud Radio. Il répondait aux questions de Jacques Pessis, dimanche 27 septembre 2020. ICI

 

Congrès d’Epinay, juin 1971 : Pierre Joxe, François Mitterrand, Jean-Pierre Chevènement et Jean-Marcel Bichat. (coll. FJJ-MPG)

 

De mon temps, Chevènement ce fut le CERES, l’aile gauche du PS qui s’accoquina, à Épinay, avec Gaston Deferre, l’ex-Monsieur X de JJSS, pour porter Mitterrand, au nez et à la barbe de ce pauvre Savary, à la tête du nouveau PS.

 

« … nous avions créé le CERES en 1964 avant de connaître François Mitterrand, ou peut-être même nous nous en méfiions un petit peu. Nos préventions avaient disparu parce que nous l'avions trouvé tout de même très attachant et intéressant, et c'était réciproque, il y avait un petit coup de foudre. Néanmoins nous grandissions très vite et en 1970 au Congrès de Grenoble nous faisions déjà presque 20 % des mandats dans le parti, ça commençait à peser lourd. Donc au dîner de jubilé de François Mitterrand, celui-ci s'approche de ma table où j'étais assis avec ma femme et Dalida, née en Égypte comme ma femme, il s'approche donc et glisse à ma femme : « Vous savez il ne faudrait pas que Jean-Pierre me prenne pour Naguib. » Naguib c'était celui qui avait pris le pouvoir en Égypte et qui avait évincé un jeune colonel ambitieux, Gamal Abdel Nasser. Moi je n'étais pas du tout désireux d'évincer François Mitterrand, ça me paraissait un procès très injuste, je ne l'ai pas pris au sérieux, j'ai trouvé ça plutôt marrant, ma femme était elle-même extrêmement surprise de découvrir le jeune homme qui venait de l'épouser sous les traits de Gamal Abdel Nasser. Alors cela se passe comme ça.

 

Le Congrès d'Epinay, j'ose le dire, je le fais, parce qu'il n'y a pas de majorité au Parti socialiste indépendamment du CERES, c'est-à-dire du petit groupe de jeunes gens que j'anime avec Didier Motchane, Georges Sarre, Pierre Guidoni. Nous avons 8,5 % des mandats, et les deux coalitions adverses, Savary-Mollet d'un côté 45 %, Mitterrand-Defferre-Mauroy 45 %. Donc c'est selon que nous votons avec l'une ou avec l'autre que les majorités se font. Sur les structures, par exemple la désignation à la proportionnelle des courants pour les organismes dirigeants du parti, nous votons avec Guy Mollet, mais la fois suivante pour ce qui est de la désignation du Premier secrétaire et de la majorité qui va diriger le parti, nous votons avec François Mitterrand et nous mettons en minorité Alain Savary et Guy Mollet qui le soutenait. Donc c'est la fin d'une période dans l'histoire du socialisme, celle qui commence en 46 et qui se termine en 71, et c'est le début d'une autre période avec François Mitterrand mais sur une base politique qui est la conclusion d'un programme commun avec le Parti communiste, sur la base d'un programme socialiste que Mitterrand me chargera de préparer. Donc j'ai en main au soir du 12 juin 1971 beaucoup d'instruments d'influence puisque, encore une fois, il n'y a pas de majorité sans nous dans le Parti socialiste.

 

Et en 1974 quand il a été battu par Valéry Giscard d'Estaing, il pensait que c'était fini et vous faites partie de ceux qui lui ont dit : «Non ça va marcher un jour ou l'autre».

 

Didier Motchane, Pierre Guidoni, Jean-Pierre Chevènement et Georges Sarre (Congrès de Metz du PS, avril 1979)

Didier Motchane, Pierre Guidoni, Jean-Pierre Chevènement et Georges Sarre (Congrès de Metz du PS, avril 1979)

 

Jean-Pierre Chevènement : Oui j'ai continué à la soutenir parce que dès qu'il a été battu, il a commis une petite imprudence, il a dit : « Il faudra que d'autres, plus jeunes, prennent le relais et poursuivent le combat pour le socialisme. » C'était un moment de déprime, au lendemain de l'élection. Naturellement, Michel Rocard y a vu un présage, les ailes lui ont poussé, et ensuite, après que François Mitterrand nous a mis dans la minorité, il était très content de nous retrouver pour s'opposer à Michel Rocard au Congrès de Metz en 1979 et l'écarter de la direction du Parti socialiste. C'est nous qui encore une fois lui avons fourni l'appoint nécessaire. Il m'a confié la rédaction du projet socialiste, la suite ne m'a pas appartenu car il en a très peu tenu compte !

 

Le 7 février 1983. Vous rétablissez la vérité sur une phrase historique que vous aviez prononcée ce jour-là : « Un ministre, ça ferme sa gueule. Si ça veut l’ouvrir, ça démissionne. » Cette phrase a fait le buzz, comme on ne disait pas encore, pendant des semaines.

 

Jean-Pierre Chevènement : Cela continue à le faire… C’est un principe de déontologie qui est valable mais il faut, pour bien comprendre cette affirmation devant des journalistes (il s’agit d’une conférence de presse que je donne en tant que ministre de la Recherche et de l’Industrie, avec le titre de ministre d’État que m’avait accordé François Mitterrand en prime), se souvenir du contexte. C’est quelques jours après avoir remis une lettre de démission en mains propres à François Mitterrand. Celui-ci, il faut le dire, m’a saboté le travail lorsque j’essayais d’organiser les entreprises nationales avec une petite feuille de route avec quelques chiffres sur leurs résultats en matière d’investissements, de commerce extérieur, de recherche, d’emploi, de dialogue social, etc. Cela a été le prétexte d’une offensive organisée d’une main de maître par un certain nombre de gens qui ne souhaitaient pas voir mettre en œuvre une politique industrielle, chose qui me tenait beaucoup à cœur car je considérais que la France était sur une mauvaise pente, celle de la désindustrialisation.

 

Mes convictions d’enfance, c’est celles que m’a léguées ma mère, mes parents instituteurs dans le Haut-Doubs. Disons que c’est une éducation républicaine. Mes parents ont voté socialiste, mais n’étaient pas socialistes, ils étaient plutôt mendésistes, moi-même je suis devenu mendésiste à l’âge de 15 ans et j’aimais Mendès France. Je me suis tourné vers de Gaulle, car j’ai trouvé que de Gaulle était quand même plus efficace pour résoudre le problème des guerres coloniales et pour éviter à la France une guerre civile désastreuse.

 

Et dans ce livre vous évoquez aussi vos trois semaines dans le coma. Je crois que c’est France soir qui a annoncé votre mort et vous êtes bien vivant, on le voit aujourd’hui. Vous avez eu un accident thérapeutique mais qui aurait pu mal finir Jean-Pierre Chevènement.

 

Jean-Pierre Chevènement : Ça tient essentiellement au fait que, pour une opération bénigne qui n’a d’ailleurs pas eu lieu, une opération de la vésicule biliaire, qui m’a fait souffrir le soir même de la victoire de la France à la coupe du monde de football, on m’a administré une dose de curare. Et cette dose de curare qui devait immobiliser mes viscères, a tellement bien fait son travail que mon cœur s’est arrêté pendant 55 minutes et que grâce à, non pas aux électrochocs, une bonne douzaine, mais grâce aux médecins militaire du Val-de-Grâce, manu militari, qui m’ont ranimé et au bout de 55 minutes mon cœur est reparti. Alors j’étais en mauvais état, ma femme ne voulait pas qu’on me voie dans cet état-là.

 

 

Plutôt qu’une « une espèce de retraite pas très glorieuse », Jean-Pierre Chevènement préfère « mourir en combattant ». Il décide donc de se présenter à la présidentielle de 2002 et de défendre « un projet alternatif aux politiques néolibérales pratiquées par la droite et par la gauche ». Un temps crédité de 14% des intentions de vote, il ne recueille que 5,4% des voix le 21 avril 2002. Mais il récuse le « procès très injuste et faux » qui lui est fait d’avoir fait chuter Lionel Jospin, écarté du second tour par Jean-Marie Le Pen : « Il faut dire les choses, Jospin n’avait pas de vrai programme ».

 

Ce dont il a rêvé, Emmanuel Macron l’a fait en 2017. « J’ai trouvé qu’il était assez fort ", reconnaît-il. Mais s’il " souhaite " la réussite de l’actuel président, il en doute car " il reste prisonnier d’une base sociale beaucoup trop étroite ». Au terme d’un demi-siècle d’engagement, l’Histoire l’a-t-elle déçu ? Non, « parce que l’Histoire est longue. Je pensais qu’un jour on me comprendrait, donc ça valait la peine.»

 

Jean Pierre Chevenement en 2019

 

Chevènement : « La dégradation du niveau du débat politique est consternante »

 

ENTRETIEN. Incarnation de l’autorité républicaine, l’ancien ministre socialiste revient sur la gifle qu’a reçue Emmanuel Macron et sur les enjeux électoraux.

 

 

 

Propos recueillis par Jérôme Cordelier

 

Entre les déclarations complotistes de Jean-Luc Mélenchon qui ont fait scandale et la gifle infligée au président de la République, la vie publique française cabote dans des marécages de plus en plus nauséabonds. Ce n'est pas bon signe alors que la présidentielle se jouera dans moins d'un an maintenant et que, dans un pays sous pression, la surenchère verbale et éditoriale et la radicalisation des positions tiennent lieu de débat. Dans cette atmosphère délétère, nous sommes allés interroger celui qui incarne encore « l'ordre juste » républicain, l'ancien ministre de la Recherche et de l'Industrie, de l'Éducation nationale, de la Défense et de l'Intérieur – sous François Mitterrand – Jean-Pierre Chevènement.

 

Le Point : Le débat politique, si l'on peut parler encore de débat, est-il devenu un cloaque ?

Jean-Pierre Chevènement : La dégradation du niveau du débat politique est évidemment consternante. Mais à quoi faut-il la rattacher ? Ne sommes-nous pas victimes d'une sorte de maladie infantile ou peut-être sénile de nos institutions parce que le système des partis politiques ne répond plus ou pas encore à la demande ? Je m'explique. Il ne suffit pas de détruire. Il faut remplacer. Le général de Gaulle a mis près de dix ans pour substituer aux anciens partis de la IVe République une majorité gaulliste, d'ailleurs trop écrasante pour ne pas lui échapper. Les anciens partis se sont adaptés aux institutions de la Ve République, le Parti socialiste à Épinay en 1971, quand son premier secrétaire a été considéré comme le candidat naturel à l'élection présidentielle, mouvement auquel la droite a répondu avec la création du RPR par Jacques Chirac en 1976. Dès lors, chaque parti devenu « parti de système » a prospéré sur son orbe, les socialistes de 1981 à 2017, la droite de 1995 à 2012. Les Français ont d'abord considéré cette opposition inscrite dans l'histoire comme naturelle, avant de s'en détourner de plus en plus manifestement. En 1993, le PS est écrasé et, en 1997, Jacques Chirac se piège avec sa dissolution ratée. Les abstentions et les votes extrêmes ne cessent de monter tout au long de cette période, jusqu'à donner corps au « dégagisme » que nous connaissons aujourd'hui. Les partis de gouvernement qui avaient adapté leurs modes de fonctionnement aux institutions ne recueillent plus en 2002 que 35 % des voix au premier tour et, en 2017, ils sont renvoyés sèchement dans les cordes, la droite avec François Fillon et le PS avec Benoît Hamon ne totalisent à eux deux que 26 %

La suite ICI  

 

 

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