- Chouchou, il est hors de question que tu t’impliques dans notre merdier !
- Et pourquoi ?
- Pour plein de bonnes raisons…
- Lesquelles ?
- Je vais te donner la seule qui vaille, c’est trop dangereux …
- En quoi est-ce dangereux de séduire notre futur Lawyer X ? Tu es jaloux ?
- Non, même si tu le fais bander…
- Ne sois pas vulgaire Ambrose !
- Ce n’est qu’un pur constat et, très chère, alors que, depuis le temps qu’il te tourne autour, tu n’as pas cédé à son petit ballet de séduction, soudain tu lui tomberais dans les bras. Bizarre… Vous avez dit bizarre…
- Souvent femme varie Ambrose…
- Je sais mais j’ai une meilleure idée d’appât…
- Qui ?
- Ne soit pas impatiente, écoutes-moi !
- Ne me fais pas avaler des couleuvres Ambrose !
- Rassure-toi, tu seras une pièce maîtresse dans notre dispositif, pas en première ligne, en retrait tu seras notre agent dormant…
- Tu es vraiment très doué pour dorer la pilule Ambrose…
- Tu te goure chouchou, nous nous engageons sur un terrain fangeux : le chantage, ce n’est pas très glorieux mais nous n’avons que ça en magasin. Comprends que je veuille t’épargner de te retrouver au centre de cette vilenie.
- D’accord, je t’écoute…
- Notre homme, est vaniteux, il se pavane, s’expose sur les réseaux sociaux, tout en se la jouant bon père de famille qui va à la messe au bras d’une bobonne qui n’est plus de la première fraîcheur, à 50 ans, il ne rêve que de stupre et de fornication dans les bras d’une jeune minette…
- Tu devrais écrire des romans érotiques Ambrose…
- J’y songe chouchou. Mais je vais me contenter de te citer Montaigne Les Essais, livre III, chapitre IX: De la vanité. Tu vas voir c’est raccord avec notre futur Lawyer X…
« J'ai la complexion du corps libre, et le goût commun autant qu'homme du monde. La diversité des façons d'une nation à autre ne me touche que par le plaisir de la variété. Chaque usage a sa raison. Soient des assiettes d'étain, de bois, de terre: bouilli ou rôti: beurre ou huile de noix ou d'olive: chaud ou froid, tout m'est un: et si un, que vieillissant, j'accuse cette généreuse faculté et aurais besoin que la délicatesse et le choix arrêtât l'indiscrétion de mon appétit et parfois soulageât mon estomac.
Quand j'ai été ailleurs qu'en France, et que, pour me faire courtoisie, on m'a demandé si je voulais être servi à la française, je m'en suis moqué et me suis toujours jeté aux tables les plus épaisses d'étrangers. J'ai honte de voir nos hommes enivrés de cette sotte humeur de s'effaroucher des formes contraires aux leurs: il leur semble être hors de leur élément quand ils sont hors de leur village. Où qu'ils aillent, ils se tiennent à leurs façons et abominent les étrangères. Retrouvent-ils un compatriote en Hongrie, ils festoient cette aventure: les voilà à se rallier et à se recoudre ensemble, à condamner tant de mœurs barbares qu'ils voient. Pourquoi non barbares, puisqu'elles ne sont françaises? Encore sont-ce les plus habiles qui les ont reconnues, pour en médire. La plupart ne prennent l'aller que pour le venir. Ils voyagent couverts et resserrés d'une prudence taciturne et incommunicable, se défendant de la contagion d'un air inconnu.
Ce que je dis de ceux-là me ramentoit, en chose semblable, ce que j'ai parfois aperçu en aucuns de nos jeunes courtisans. Ils ne tiennent qu'aux hommes de leur sorte, nous regardant comme gens de l'autre monde, avec dédain ou pitié. Otez-leur les entretiens des mystères de la cour, ils sont hors de leur gibier, aussi neufs pour nous et malhabiles comme nous sommes à eux. On dit bien vrai qu'un honnête homme c'est un homme mêlé.
Au rebours, je pérégrine très saoul de nos façons, non pour chercher des Gascons en Sicile (j'en ai assez laissé au logis): je cherche des Grecs plutôt, et des Persans: j'accointe ceux-là, je les considère: c'est là où je me prête et où je m'emploie. Et qui plus est, il me semble que je n'ai rencontré guère de manières qui ne vaillent les nôtres. Je couche de peu, car à peine ai-je perdu mes girouettes de vue.
- Bien vu mon Ambrose, mais le sexe ?
- Monsieur, vous aimez vous regarder ? Alors, entrez ! [....] venez tenter votre chance, entrez, entrez, l’homme est un éternel pourceau, l’ange aussi sommeille en lui, le divin angelot. »