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7 juin 2021 1 07 /06 /juin /2021 08:00

Colonna : les méandres de l'enquête – POLICEtcetera

La promenade sur les berges du lac, d’Ambrose et Louis fut, certes digestive, la marche permet de distiller l’alcool, évacuer ses effluves, les filles n’en furent pas pour autant dupes, ces messieurs souhaitaient les tenir à l’écart de leurs petites affaires, les déballer loin de leurs oreilles, les hommes sont de grands enfants, trop souvent dorlotés par leurs mères, qui s’imaginent qu’ils seront capables de résister longtemps à la rouerie de leurs compagnes. Tel fut le cas pour Ambrose, il déballa sur l’oreiller ce que Louis venait de lui révéler. Du côté de Louis, nul besoin de confidences, Clotilde était déjà au parfum, ne lui restait plus qu’à connaître la réaction d’Ambrose, même si elle ne doutait pas de son adhésion aux dérapages de Louis.

 

Louis au temps des ors de la République fut le missi dominici au gouvernement pour piloter l’épineux dossier agricole corse. Mission dangereuse, en ce temps-là les cagoulés du maquis s’en prenaient aux représentants du pouvoir colonial, le GIGN le prenait sous les ailes de leurs gilets pare-balles, dès sa descente d’avion, sur le tarmac d’Ajaccio Campo del Oro. Un vrai sac de nœuds, inextricables, des palabres sans fin sur la dette, les subventions européennes aux vaches égarées dans le maquis, les aides de l’Etat honni détournée par les « mafieux officiels » peuplant les postes des multiples organisations agricoles, syndicales et de gestion. Louis connaissait à la fois Jean-Hughes Colonna, le père d’Yvan, député des Alpes-Maritimes en 1981, ami  de Pierre Joxe et Claude Erignac qui fut préfet du Gers et directeur du cabinet du ministre de la Coopération et du Développement Jacques Pelletier. Le meurtre de sang-froid du préfet Erignac, désarmé, sans escorte, dans les rues d’Ajaccio, ne l’étonna pas, les dérives des plus fanatiques ne pouvaient que déboucher sur un acte aussi lâche.  Il suivi donc avec une grande attention les différents procès d’Yvan Colonna.

 

En mai 2011 Yvan Colonna, qui comparaissait pour la troisième fois, devant la cour d'assises de Paris spécialement composée pour l'assassinat du préfet Érignac, remaniait sa défense. Le berger corse, déjà condamné deux fois à la réclusion criminelle à perpétuité pour le crime du 6 février 1998, désignait A.D.N. L'avocat lillois avait obtenu en 2006, dans le même dossier, l'acquittement de Jean Castela, présenté auparavant comme l'un des deux commanditaires de l'assassinat. L'entrée de Me A.D.N dans le dossier, va entraîner de profondes modifications dans la stratégie de défense. En effet, les moyens soulevés à deux reprises par l'intéressé, mis en cause de manière circonstanciée par les militants nationalistes déjà condamnés et leurs épouses, n'ont pas convaincu les jurés professionnels. Condamné à la perpétuité assortie d'une période de sûreté de 22 ans lors du deuxième procès, qui s'est tenu dans une atmosphère délétère, Yvan Colonna avait formé un pourvoi et la cour de cassation a, pour des raisons strictement juridiques, ordonné la tenue d'une nouvelle audience. Yvan Colonna conservait sa batterie de défenseurs : Me Pascal Garbarini, Antoine Sollacaro, Gilles Simeoni et Philippe Dehapiot.

 

Louis se rendit au procès le lundi où Roger Marion vint à la barre témoigner lors de ce troisième procès. Costume bleu, cheveux teints, l’ancien responsable de la division nationale antiterroriste a été soumis à la question par A.D.N, un des avocats de Colonna qui l’alpague d'emblée en ironisant sur le fait que l'affaire corse ne lui a pas valu une réelle promotion, au contraire, puisqu'il est au placard, devenu désormais un «préfet sans évêché». Puis il lui rappellera toutes ces «certitudes» qu'il avait, transformées en fiascos. Ainsi, Marion s'est «complètement planté», lorsqu'il a conclu que le rédacteur du communiqué officiel de revendication de l'assassinat était Mathieu Filidori. Même topo lorsqu'il a cru savoir que Jean Castella était «le nouveau rédacteur des communiqués», un agrégé d'histoire qui écrit avec des fautes d'orthographe à toutes les lignes! Pas sérieux, pour A.D.N. Plus loin, l'avocat lui reprochera «la cuisine» à laquelle il s'est livré, «les magouilles, les écoutes, la balise sous la voiture de Colonna. Il y a un dossier parallèle et un vrai, voilà le problème, monsieur Marion!» A chaque fois, Marion s'en tire en disant «il faudrait relire les PV, je ne me souviens plus», ou «je n'ai pas pratiqué d'écoute dans cette enquête, ce n'est pas mon service». Il balance des: «c'est tout ce que j'ai à dire», s'en tire à coup de: «je témoigne par rapport à ce que j'ai vu, ce que j'ai entendu». Et puis, il a ce tic de répéter des «bien évidemment», ou «à partir de ce moment-là» à l'envi.

 

Dans la salle des pas perdus du Palais Justice il croisa A.D.N qui conversait avec le père d’Yvan et Me Gilles Simeoni que Louis connaissait bien depuis sa mission corse. Louis leur serra la main, puis celle d’A.D.N. qui engagea la conversation avec lui. Ils descendirent se jeter une mousse derrière la cravate à la terrasse à L’annexe. Louis et A.D.N. échangèrent leur 06 et, depuis cette date, à chaque passage de Louis à Paris ils déjeunaient ensemble. Le parcours de la petite entreprise, qui ne connut pas la crise, d’Ambrose&Louis passionna A.D.N. friand de nouveaux clients bien pourvus en blé. L’arrivée d’A.D.N. dans le marigot politique, où il pataugeait lourdement, fit que celui-ci sollicita Louis pour le guider dans cet univers de prédateurs, il devint son visiteur du soir.

 

 

- Pourquoi ne m’as-tu rien dit, grommela Ambrose.

 

 

- Pour ne pas troubler ta vie de coq en pâte.

 

 

- Et là, soudain, tu y fais irruption…

 

 

- Ben oui, mon grand,  sans toi je ne peux rien faire…

 

 

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commentaires

P
Quelle bande de pignouf les assassins du préfet Erignac ! Cela m’a tout l’air d’un pari d’après boire. Et si on frappait un grand coup ! Si on leur montrait de quoi on est capable ! Chiche ?<br /> Et c’est parti . Comme d’infantiles derniers de classe on se relance. T’avais dit que. Dégonflé va. On ne dit pas dégonflé à un Corse. Tu vas voir ce que tu vas voir. Et on à vu.<br /> Sitôt fait, passé un ouf de soulagement aussi bref qu’un éclair pour avoir tenu parole et l’énormité de la chose leur est revenu en pleine tronche. Dégrisement express. Là, il n’y a plus personne. Et la justice permet de revendiquer un procès équitable et je suis le premier à m’en réjouir, même pour eux. On ne transige pas avec un principe aussi sacré.<br /> Cependant ils me font pitié. Je pense à cette scène dans « Le deuxième souffle » (1966) de Jean Pierre Melville. Raymond Pellegrin est devant les flics qui l’on alpagué. Il a fait partie du commando de truands ayant fait main basse sur un transport de fond en tuant, de sang froid, sans aucune légitime défense de motards. Il s’offusque d’entendre, dans le bureau d’à coté, un de ses complices gueulant sous les questions un peu motivée des enquêteurs . « On est de hommes quand même clame t’il » Réponse de celui qui dirige l’enquête, en parlant des motards « Et eux, c’étaient pas des hommes peut être ? Aujourd’hui il reste deux veuves et trois orphelins.<br /> Je pense aussi à ce jeux de massacre relaté dans « Vendetta » ouvrage vertigineux sur la connerie humaine, évoqué par le Taulier dans la chronique du 29/08/20.<br /> Qui est fou, eux pour ce qu’ils font ou moi qui suit incapable de comprendre ce monde.<br /> Et dire que Ange est un des prénoms les plus présents en Corse. Alors, c’est sur, moi je suis Belzébuth.
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