Qui se souvient du boulanger du 207 rue de Tolbiac ?
Moi, qui allais lui acheter sa fameuse Sachertorte.
La boulangerie a disparue, c’est aujourd’hui une agence du Crédit Agricole.
Le boulanger, un grand gaillard lunaire au regard cerclé de grosses lunettes d’écaille, en blouse blanche de pharmacien, savates, semblait porter tout l’ennui du monde. Il faisait du bon pain à l’ancienne et, une sachertote à damner un Saint.
Derrière le comptoir, la boulangère, une sainte femme souriante, prenait le temps, attentionnée, d’une voix douce, tête légèrement inclinée, elle était toujours soucieuse de la santé du client, de leurs maux et malheurs, dame de charité à l’association la Mie de Pain toute proche.
Et puis, y’avait aussi, leur fils, balourd, sans ressort, celui qui refusa de prendre la succession de ses parents, trop fatiguant le métier. Et sa mère, pour une fois peu charitable, attribua ce refus à sa bru.
Qui se souvient de Klemens Wenzel von Metternich ?
Le 26 juin 1813, Clément de Metternich, ministre des Affaires étrangères de l’empire d’Autriche, passe neuf heures en tête-à-tête avec Napoléon, qui se trouve alors dans un château à côté de Dresde. Après sa défaite en Russie, le Français fait face à l’alliance du tsar et du roi de Prusse, tous deux biens décidés à le perdre - c’est le « commencement de la fin ».
L’envoyé de Vienne vient marchander la position de l’Autriche, qui prétend ne pas savoir encore dans quel camp elle se rangera. La rencontre est importante, savoureuse aussi, puisqu’elle confronte deux hommes que tout oppose, le chef de guerre et le diplomate, le fougueux « petit caporal » qui se prétend l’héritier des idéaux de la Révolution et l’aristocrate madré, pur produit de l’aristocratie d’Ancien Régime.
Napoléon - Metternich : le commencement de la fin
Histoire Réalisateur Mathieu Schwartz , Christian Twente
Télérama
Critique par Gilles Heuré
De nombreux duos étaient possibles : Bonaparte avec Barras, Talleyrand, Fouché ou Pie VII, protagonistes célèbres. Mais les auteurs de ce docu-fiction réussi ont choisi la difficulté : Napoléon avec Klemens Wenzel von Metternich, ministre des Affaires étrangères de l’Autriche. La rencontre eut lieu pendant neuf heures, le 26 juin 1813 à Dresde. La fortune de l’empereur a décliné : la campagne de Russie de 1812 a tourné à la débâcle et considérablement affaibli la Grande Armée, la guerre en Espagne vire au désastre et des sentiments nationaux commencent à se dessiner, notamment chez les Allemands pénalisés par le blocus continental imposé par Bonaparte. Celui-ci a bien réussi à lever une nouvelle armée de quatre cent mille soldats composée de jeunes conscrits inexpérimentés, surnommés les « Marie-Louise », mais son invincibilité, malgré la peur qu’il inspire toujours, semble écornée. L’enjeu de ce tête-à-tête est important : il s’agit de savoir si l’Autriche va ou non rejoindre la coalition, qui regroupe le Royaume-Uni, la Prusse ou encore la Suède, décidée à en découdre une bonne fois pour toutes avec celui que ses membres nomment « l’ogre assoiffé de sang ». Tout oppose les deux hommes. Napoléon (David Sighicelli) est droit dans ses bottes, combatif et déterminé à ne pas se contenter d’une trêve : « Mon empire est détruit si je cesse d’être redoutable. » Metternich (Pierre Kiwitt), lui, aristocrate tout en diplomatie feinte, joue une dernière carte en demandant, en vain, à l’empereur des concessions territoriales. Mais sa décision est prise et Bonaparte en est convaincu : l’Autriche va rejoindre la coalition. Une journée historique qui annonce la fin et que les historiens interrogés commentent avec clarté.
Au sommaire
Le 26 juin 1813, Clément de Metternich, ministre autrichien des Affaires étrangères, vient rencontrer Napoléon Ier à son quartier général de Dresde, capitale du royaume de Saxe. L'hiver précédent, pour la première fois, la Grande Armée a été vaincue et décimée lors de la désastreuse campagne de Russie. Depuis, même s'il domine toujours l'Europe, les signaux d'alerte se multiplient dans l'immense Empire français : alors qu'au sud l'Espagne a été perdue, au nord la Prusse s'est ralliée à la Russie pour lui faire la guerre, avec le soutien financier de la couronne britannique, son ennemie de toujours. Même si, en mai, il a remporté contre ses adversaires deux batailles successives, l'empereur est inquiet.
La “Sachertorte”, gâteau princier
Publié le 08/05/2021 - 06:10
La Sachertorte, un gâteau traditionnel viennois au chocolat, avec une ou deux couches de confiture d’abricot. ILLUSTRATION / CAROLE LYON / COURRIER INTERNATIONAL
OUVRIR DANS LE RÉVEIL COURRIER
La Sachertorte, ou tarte Sacher, porte le nom de son créateur, Franz Sacher. Ce gâteau au chocolat et à la confiture d’abricots a traversé près de deux siècles et régale encore Viennois et touristes attablés dans les cafés de la capitale autrichienne. Une recette en infographie proposée par 1843, le magazine de The Economist, pour un nouvel épisode de notre rendez-vous hebdomadaire Le Courrier des recettes.
À Vienne, les cafés sont des endroits “dédiés à la consommation de temps et de café, mais seul le café vous est facturé”. C’est ainsi que l’Unesco décrit ces célèbres institutions. Du temps et de l’espace, voilà peut-être de quoi combler un philosophe viennois mais, pour la plupart d’entre nous, une part de gâteau reste la meilleure alliée de notre boisson caféinée. Et, en la matière, difficile d’imaginer mieux que la Sachertorte.
La légende raconte que ce gâteau a été créé en 1832 lorsque le prince de Metternich, chancelier impérial d’Autriche, demanda la confection d’un dessert pour un dîner officiel. La charge incomba à Franz Sacher, jeune apprenti juif âgé de 16 ans. Il proposa un gâteau au chocolat – ingrédient nettement moins commun à l’époque qu’aujourd’hui – et ainsi naquit la Sachertorte.
C’est son fils, Eduard, qui en fit un trésor national : un gâteau au chocolat moelleux, entrecoupé de confiture d’abricots, enveloppé d’un glaçage lisse et surmonté d’une généreuse cuillerée de crème fouettée. C’est à la boulangerie Demel qu’il perfectionna la recette avant de fonder l’hôtel Sacher en 1876. Ses liens avec ces deux établissements aboutirent à une bataille juridique – “la guerre de sept ans” – pour déterminer lequel pouvait prétendre utiliser l’adjectif “original” dans sa description. Les différences étaient ténues, les discussions enflammées. La Sachertorte de Demel ne comportait qu’une seule couche de confiture d’abricots, sous le glaçage ; celle de l’hôtel en contenait une seconde, au milieu du gâteau. Finalement, ce fut l’hôtel qui l’emporta : ses gâteaux sont à présent authentifiés par un sceau en chocolat – et un prix élevé.
Pour un gâteau source d’amères batailles, la Sachertorte est étonnamment austère. Si elle est réalisée par des mains novices, le résultat peut être sec – et l’ajout de crème fouettée relever autant de la nécessité que de la gourmandise. Son charme réside toutefois dans sa simplicité et la modération de ses saveurs.
Les recettes pullulent, bien qu’il n’en existe aucune officielle. Celle du Sacher Cookbook se rapproche probablement de l’originale. Commencez par faire fondre du chocolat au bain-marie. Fouettez le beurre et le sucre avant d’y ajouter les jaunes d’œuf. Choisissez si vous êtes plutôt vanille ou expresso, les deux mettant parfaitement en valeur le goût du chocolat sans l’éclipser. Remuez le chocolat fondu et ajoutez-le à la farine tamisée. Battez les blancs en une neige ferme. Ajoutez du sucre selon votre goût. Versez d’abord une cuillerée de blancs au chocolat avant d’y incorporer le tout. Mettez au four. La confiture d’abricots devrait être filtrée pour être étalée en couches fines et uniformes.
Pour cette recette, le glaçage est un mélange de chocolat, de sucre et d’eau. Certains proposent une version plus riche avec du beurre ou de la crème pour former une ganache. Tracez le nom de Sacher à la surface et servez avec de la crème fouettée.
La recette de la Sachertorte (ou tarte Sacher) en infographie, publiée par le magazine 1843 de The Economist et traduite par Courrier international. Jake Read pour The Economist - 1843 / Catherine Doutey pour Courrier international
Josie Delap