Georges Archipoff dans sa classe en 1957-1958 à l'école de Clerval
Jean-Yves Bizot ce fut le 25 novembre 2008
3 Questions à Jean-Yves Bizot vigneron à Vosne-Romanée ICI
Vigneron, mais pas que… Jean-Yves Bizot, l'ésotérique de Vosne-Romanée ICI
Bourgogne | TOP 25 des vins les plus chers aux enchères du 1er semestre 2019 ICI
Notons aussi la présence du domaine Bizot (Echezeaux grand cru 2002 : 1 034€, +14%) qui, lui, vinifie ses vins de façon naturelle.
Domaine Bizot €4183 Échézeaux Grand Cru 2018 ICI
Lorsque Jean-Yves s’interroge – j’ai un faible pour les « je m’interroge ? » prononcés à la manière de l’ex-cardinal, archevêque de Paris, Mgr Marty avec l’accent rouergat – ça me rassure, je me dis mon coco tu as pointé hier le doigt dans la bonne direction.
Donc, un titre sage, ça vous reposera de mes excès d’hier, mais, comme le dit un vieux proverbe du pays de Caux : « Méfie-té de … », sous la sagesse se niche de la pertinence, parfois même de l’impertinence, et ça met le doigt là où ça fait mal.
Jean-Yves Bizot
Le texte débute mal. Rien n’empêchait que ce ne soit pas le cas, mais on achoppe sur deux points, Déjà la question est trop réductrice.
Pourquoi la limiter au vin ?
Et puis, traduction d’une forme de présomption : une note n’est pas donnée, elle est attribuée. Pour qu’il y ait don, il faut quelqu’un pour le recevoir. UN vin ne reçoit rien ici.
Ou alors, la note comme distinction ? Allez savoir...
La question donc : à quoi sert une note ?
Avant de savoir à quoi elle sert, on peut déjà se demander ce qu’elle est. C’est une mesure, rien d’autre qui satisfait bien sûr celui qui la met, peut-être celui qui la reçoit et répond à une une finalité très simple : établir un classement.
Un outil, un simple outil de mesure, qui permet les comparaisons : bon, moins bon, très bon... Outil à prétention de valeur absolue, car rationnelle : un nombre est une valeur et deux valeurs différentes indiquent deux mesures différentes.
Sauf que l’étalon reste à créer, et je m’amuse encore de voir des copies notées au 25ème de point quand l’erreur peut porter sur 2 ou 3 points suivant les matières, et ce même en mathématique. En fait c’est juste une estimation, qui révèle plus de la personne qui l’attribue que de l’objet jugé lui-même.
Avoir pratiqué l’exercice de correction de copies, de loin en loin, m’a amené bien sûr à me poser des questions. Comme je n’ai ni la compétence, ni la légitimité des enseignants pour le faire, ni une habitude qui deviendrait réflexe, attribuer une note à une copie m’a beaucoup perturbé. Et ce d’autant plus que la double correction était de rigueur… 2 ou 3 points d’écart sont monnaie courante.
Ça se gère.
Moins quand 12 points d’écart surviennent : dans ce cas on se demande nécessairement si on a corrigé la même copie. Admettons que les deux correcteurs deviennent l’un et l’autre plus exigeant ne changera rien à l’affaire, même si l’écart diminue.
Mais, d’interrogation en interrogation, j’ai fini par ne plus rien noter, pas même et surtout mes collègues. Plus de jurys de dégustation, et surtout je me refuse à participer aux séances de dégustation d’agrément, m’estimant non- compétent pour juger leur travail. Ni la morale de groupe, ni le grégarisme, ni la curiosité ne me convaincront jamais de changer de point de vue.
Deux articles pour compléter, bien sûr parce qu’on ne peut pas parler de notes sans parler d’école : ICI et ICI
Le second est extrêmement révélateur d’une tendance de fond : l’existence de comportements ou d’habitudes les justifie puisqu’ils sont. Ce qui évite la question à un niveau supérieur, qui serait quant à lui le plus légitime.
Pourquoi la note est-elle ?
Il constate : la note EST dans notre société. En quoi son existence est-elle naturelle, et est-ce parce qu’elle EST qu'elle est utilisée partout et par tous ? ou est-ce parce que tout le monde l’a subie à un moment de sa vie, celui de l’éducation, qu’on se trouve, à l’état adulte, passer dans le rôle du sachant et donc habilité à mettre des notes ?
Parce qu’en fait plus qu’une question de compétence de celui qui la met, ce que traduit l’attribution de la note est une question de pouvoir, de subordination de l’autre. Je note, donc j’ai le pouvoir. Subordination qu’on retrouve dans la première phrase du texte de en Magnum : donner, c’est asservir. Exercice à double jeu car si on note, on est noté, partout et par tout le monde : dans son travail, par ses pairs, par ses supérieurs, par ses clients, par la gendarmerie… On note donc peut-être aussi par revanche, qui sait ?
Mais le fait est là. Il y a des notes partout, et qui dit note… nous devons tous êtres des élèves modèles. A moins qu’il ne faille parler du modèle élève ?
Le citoyen serait-il devenu un élève ?
J’avais déjà évoqué sur ce blog mon ressenti lors de la réception d’un courrier de SIQOCERT. Je ne reviens pas dessus mais la réception d’un courrier du ministère de l’Intérieur, à l’occasion de la restitution d’un point perdu de mon permis (permis à point, donc….) de conduire m’a conduit à la même perception psychologique : j’étais retombé en enfance, et je recevais un bulletin scolaire. Elle me semble très gentille la personne qui l’a signée, mais mon statut de citoyen comme son statut de fonctionnaire, aussi élevé soit-il, ne lui accorde nullement le droit de me traiter avec cette condescendance. Je l’ai hélas égaré sinon vous l’auriez eu en photo, mais ceux qui ont récupéré un point savent de quoi je parle.
Allez, encore un article, c’est l’avant dernier, promis. ICI
Bref, pour en revenir à ces histoires de notes de En Magnum, je me suis demandé où il ne fallait pas rire, car si l’argumentation et les justifications paraissent solides, l’article tourne en rond et aboutit à de l’autojustification. Des arguties plutôt que des arguments.
Disons simplement que les Bordeaux de 2020, sont très bons, très très bons. Sincèrement, qui en aurait douté ?
Sauf que la bonne volonté et ses petits bras musclés d’ En Magnum ne changeront pas grand-chose au marché de Bordeaux. Le Bordeaux Bashing ne sera pas lavé hélas par cet article et probablement pas davantage après la révolution opérée dans la notation des vins. Un pschitt est resté célèbre en politique. Je doute pour celui-ci. Ce n’est pas la note qui crée l’adéquation au marché, ni même le marché. L’auteur en a bien conscience puisqu’il évoque l’épuisement du système Parker.
Un 100/100 de Parker ou d’un autre ne m’a pas forcément procuré d’émotions particulières, pas plus qu’un chapeau bas de Michel Bettane dans ses grandes heures. C’est vrai pour le vin, mais c’est vrai aussi pour d’autres créations. Ce n’est pas non plus parce que toute la critique s’accorde pour porter au pinacle une œuvre littéraire que j’y adhère de facto.
ça m’a valu des séances de lecture obstinée, qui ne m’ont rien apporté, si ce n’est l’ennui, l’ennui, l’ennui. C’est très long la Montagne magique...
L’inverse est vraie aussi : j’ai aimé des textes rejetés ou dédaignés (Et la Forêt les dévora, de Robert Gaillard chez Fleuve noir, improbable pépite d’une bibliothèque de grenier).
Et il y a des cas, où je suis en phase : Proust, que j’ai dévoré dans tous les sens pendant 10 ans. J’en suis incapable aujourd’hui. Tout est donc possible.
Alors comment se fier à une note de critique ?
D’autant que cette note change au cours des temps, donc qu’elle est relative : le jugement sur les œuvres évolue. Nous ne lisons pas les mêmes œuvres aujourd’hui qu’il y a 100 ans. Fort heureusement. Au cours d’une vie aussi : à 20 ans on ne lit pas les mêmes livres qu’à 50. Fort heureusement. De même, je ne bois pas les mêmes vins aujourd’hui qu’il y a 20 ans.
Je ne suis pas certain que le goût s’affine avec l’âge. La connaissance dans la construction de celui-ci n’y est pour rien, mais l’acuité de la perception.
Ce propos n’est pas neutre. Qu’en est-il de cet article sur Bordeaux ? Oui, bien sûr, une région de grands vins. Les Grands Vins des années 80, 90, 2000, incontournables. Ils ont servi d’exemples, de référence. Leurs techniques d’élaboration, répondant à une esthétique forte et affirmée, s’est installée partout, de manière presque exclusive, là parfois où elle n’avait rien à faire. Mais ce sont aussi les vins d’une carrière, et finalement cet article ne dit rien d’autre.
Bordeaux continue à faire de bons vins, sur ce modèle. Il semblerait qu’on aime à En Magnum. Rien à redire, mais un tel article n’oblige pas à prendre conscience de ses limites. Pour le (ou les) dégustateurs, une manière de se conforter, de se rassurer dans un monde qui se transforme, face aux choses qui changent. Pour la région aussi de production aussi peut-être, et à ce niveau la responsabilité est plus grande. Les potentialités de Bordeaux sont immenses, mais le risque est de continuer à jouer une partie datée. Comme les autres régions viticoles, perdurer reviendra à dépasser son modèle de réussite.
La viticulture française en est là. Bordeaux doit dépasser son modèle technique, la Bourgogne son modèle terroir, la Champagne son modèle industriel, d’autres régions encore leur modèle artisanal. Et ce petit article en dit sur le niveau d’accompagnement dont bénéficie la filière dans sa transformation.
Là je ne ris plus.
« Changeons les graduations du thermomètre pour que la température affichée soit 36°5. Tout ira mieux. » On ne va guère plus loin dans ICI. Ce n’est pas en révolutionnant la notation qu’on changera la critique. Il faut, là aussi, un autre modèle. Car finalement, à quoi ça sert, l’évaluation ?
Steven Spurrier dans la cave de sa maison du Dorset, août 2020. Lucy Pope , Author provided