C’est dans les DNA cher au cœur de Pax
Le roman vrai de Gorbatchev, débordé par l’histoire en marche
S’il est un personnage marquant de la seconde moitié du XXe siècle, le parcours de Mikhaïl Gorbatchev n’en fut pas moins paradoxal. Admiré en occident pour avoir puissamment contribué à l’effondrement de la redoutée Union Soviétique, il est, pour la même raison, unanimement détesté dans la Russie de Poutine.
Par Stéphane BUGAT - 20 févr. 2021
On connaît sa méritoire volonté de réformer, en jouant simultanément sur les leviers politiques et économiques. À la différence de la Chine de Deng Xiaoping qui a concilié son essor avec la mainmise du parti communiste. Ce faisant, Gorbatchev a provoqué un mouvement brownien qu’il fut incapable de maîtriser. Plus qu’une biographie détaillée, c’est cette dimension que Vladimir Fédorovski décrit.
De plus, lui qui a vécu ces événements comme diplomate, puis comme porte-parole d’un parti d’inspiration social-démocrate, met en exergue le rôle joué par Alexandre Yakovlev, son ami et proche conseiller de celui qui était alors le maître du Kremlin. Ce récit se lit bien comme un roman, tout en révélant certains aspects pas toujours très notoires du personnage Gorbatchev.
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Je viens de lire le livre.
Excellent « Fédorovski esquisse une réhabilitation du terrible Béria, aux dépens du trouble Khrouchtchev, quitte à prendre le contre-pied de leurs réputations respectives. »
11 septembre 2019
« Le KGB est arrivé à la conclusion que Gorbatchev est le meilleur candidat » Margaret Thatcher partageait cet avis. « Sa personnalité n’a rien à voir avec les ventriloques figés que sont les apparatchiks moyens. » ICI
Mikhaïl Gorbatchev, fils d’un conducteur de moissonneuse-batteuse, s’était élevé rapidement dans la hiérarchie communiste en devenant à moins de 50 ans un membre à part entière du Politburo. Le KGB avait reconnu en lui le chef énergique qu’elle espérait : un réformateur, un visionnaire qui avait voyagé en dehors du bloc soviétique, le contraire de la gérontocratie étroite d’esprit.
Avec le recul, les trente mois (novembre 1982-mars 1985) qui séparent la mort de Leonid Brejnev de la nomination de Mikhaïl Gorbatchev à la tête du PCUS apparaissent comme une période d’immobilisme, d’attente indécise d’une « gérontocratie au pouvoir » incapable de prendre les mesures urgentes qu’imposait une situation dégradée, tant sur le plan économique que sur le plan international.
Toutefois, la nomination de Iouri Andropov avait suscité sinon l’espoir d’une nouvelle « détente », du moins de très nombreuses interrogations sur le « cours nouveau » que ne manquerait pas d’impulser le chef du KGB. Était-ce le signe que la police politique était en train de prendre le dessus sur le parti ? Le KGB allait-il remettre en cause la légitimité d’un appareil politique gangrené par la corruption et les mafias ? Toutes ces spéculations allaient faire long feu. Non seulement I. Andropov ne resta au pouvoir qu’une quinzaine de mois (novembre 1982-février 1984), mais, après sa mort, le pouvoir suprême revint à Constantin Tchernenko, le rival malchanceux qui avait été évincé de la succession de L. Brejnev au profit d’Andropov. Les treize mois au cours desquels C. Tchernenko occupa le poste de secrétaire général ne se distinguèrent guère de l’« épisode Andropov ». L’interrègne commença et s’acheva dans l’immobilisme.
12 juillet 2015
« Les paysans s’en foutent, les transports sont désorganisés, les fonctionnaires paresseux et incompétents… », Gorbatchev à Tchernenko le 21 juin 1984 devant Mitterrand ICI
Entretien de Mitterrand avec Konstantin Tchernenko le 21 juin 1984 (Verbatim Attali Vol. I)
« Un communiste français qui faisait partie de la délégation fit remarquer que Tchernenko « avait l’air d’un cadavre ». Pour briser la glace Mitterrand demanda à Gorbatchev, qui venait d’arriver et était assis à la gauche de Tchernenko, pourquoi il n’avait pas fait partie de la délégation lors de la réunion plénière du matin. « Cela ne dépend pas de moi, Monsieur le Président », répond Gorbatchev. À la question de Tchernenko, qui demanda pourquoi il était en retard, il expliqua qu’il venait d’une réunion sur la production agricole. « Tout le monde dit toujours que [notre agriculture] va bien, continua-t-il, mais c’est faux, ça n’a jamais marché. » Déconcerté, Tchernenko lui demanda ce qu’il voulait dire. « Les paysans s’en foutent, les transports sont désorganisés, les fonctionnaires paresseux et incompétents… », commença Gorbatchev. « Depuis quand ? » l’interrompit Tchernenko. La réponse fusa : « Depuis 1917 » L’interprète russe, comprenant soudain l’énormité de ce qui venait de se dire, s’arrêta au milieu de la phrase. »
BONNES FEUILLES
"Le roman vrai de Gorbatchev" : l’histoire secrète de la chute du mur de Berlin ICI
Vladimir Fédorovski publie "Le Roman vrai de Gorbatchev" aux éditions Flammarion. Glorifié en Occident pour avoir mis fin à la guerre froide et libéré le monde du communisme, Gorbatchev est aujourd'hui haï par les Russes qui le rendent responsable de toutes leurs difficultés. "Le Roman vrai de Gorbatchev" est une enquête nourrie d'archives inédites et de témoignages encore jamais révélés sur l'une des plus grandes figures du XXe siècle. Extrait 1/2.
Nationalité : Russie
Né(e) à : Moscou , le 27/04/1950
Biographie :
Vladimir Fédorovski (russe : Владимир Федоровски) est un écrivain et ancien diplomate russe.
Vladimir Fédorovski a d'abord été élève à l'Institut d'État des relations internationales de Moscou (MGIMO). Ayant acquis une parfaite connaissance des langues anglaise, française et arabe, il a commencé par travailler comme attaché à l'ambassade soviétique de Mauritanie, avant d'être nommé dans les années 1970 interprète au Kremlin, assistant Léonid Brejnev dans ses rencontres avec les dirigeants des pays arabes. En 1977, il est nommé à l'ambassade soviétique à Paris et en 1985, passe un doctorat d'État en histoire sur le rôle des cabinets dans l'histoire de la diplomatie française.
De retour à Moscou, il travaille au ministère des affaires étrangères comme chef de cabinet du vice-ministre Vladimir Petrovski (qui écrit les discours de Léonid Brejnev et du ministre Gromyko), et fait la connaissance d'Alexandr Iakovlev, émince de Gorbatchev et futur inspirateur de la perestroïka ; Fédorovski sera ensuite nommé conseiller diplomatique pendant la période de la glasnost. Partisan de Gorbatchev, il est porte-parole du Mouvement des réformes démocratiques pendant le putsch de Moscou d'août 1991, s'opposant à la ligne « dure » du Parti communiste.
Devenu écrivain, il enseigne à HEC depuis 1992, a été fait officier des Arts et des Lettres et a obtenu la nationalité française en 1995. Membre de la Société des auteurs de Normandie, il est également conseiller historique au Mémorial de Caen pour la période de la guerre froide, et a été distingué de plusieurs prix littéraires dont le prix d'histoire André Castelot en 2006. Il a publié son premier roman en 1997, Les Deux sœurs (Lattès), puis une série romanesque de l'histoire russe en trois volumes (Le Roman de Saint-Petersbourg, Le Roman de Moscou, et Le Roman de la Russie insolite) de 2003 à 2004 ; il dirige par ailleurs la collection « Le Roman des lieux magiques » des Éditions du Rocher et est Président d'honneur de la Fédération Française des Salons du livre.
Récipiendaire de plusieurs prix littéraires, il a dernièrement publié Le Roman de la perestroïka (éd. du Rocher, 2013) ; Poutine, l'itinéraire secret (éd. du Rocher, 2014) et Dictionnaire amoureux de Saint-Pétersbourg (éd. Plon, 2016).
Source : lefigaro.fr