Dans son dernier numéro, dans sa rubrique Livres, LeRouge&leBlanc, sous la plume de Jean-Marc Gatteron, couvre de fleurs la Catherine Bernard dont le livre : Dans les Vignes 2011 vient d’être réédité en format poche par Babel avec un chapitre supplémentaire.
Elle vous l’offre.
Des nouvelles des vignes
Neuf ans ont passé depuis la première impression de Dans les vignes. Ce livre m’a apporté beaucoup de joies. J’ai reçu, et reçois encore, de nombreux messages de lecteurs, soit pour me dire simplement que ce récit de ma première année dans les vignes les a touchés et leur a donné envie de connaître le goût du vin, soit parce qu’ils ont aussi le projet d’aller à la terre. Dans tous les cas, ce livre a eu l’effet d’une injonction à donner corps aux mots, à les incarner, ce qui a fini par m’amener à dire en plaisantant que je suis l’auteur qui connaît tous ses lecteurs. Quelques-uns sont devenus des amis, m’accompagnent et prennent part à cette aventure. Ce fut la plus inattendue des surprises.
Depuis, selon la belle formule, de l’eau a coulé sous les ponts : j’ai continué à planter, j’ai pris quelques vignes en fermage, j’ai appris à élever le vin ce qui est encore autre chose que le faire, mon corps s’est endurci, bien que vieillissant, je suis plus résistante à la tâche, plus efficace dans mes gestes, j’ai créé un Groupement foncier agricole, d’abord pour financer une remise et la récupération d’eau de pluie, ensuite, et ce fut là un véritable investissement, un enracinement même, une cave. Franchir ce cap a parfois été vertigineux. Dans ce GFA, je suis une parmi quatre-vingt-cinq associés, des amis, des lecteurs devenus des amis, des amis d’amis, des fils et filles d’amis, des neveux et des petits-enfants des membres de ma famille. Je vis ce GFA comme un point de notre inscription dans le temps et aussi la conjugaison de l’individuel et du collectif. Peut-être est-ce ce dont nous avons tous le plus grand besoin.
À mon tour j’héberge la cuve de mon jeune voisin de vignes qui s’installe. Un de mes fils a pris le virus de la terre, son frère a trouvé sa place dans les travaux saisonniers de la vigne. L’année 2016, pour la première fois depuis qu’ils ont quitté l’enfance, ils m’ont tous les deux accompagnée pendant les vendanges, chacun acceptant le rôle de l’un et de l’autre. Je m’étais alors dit que je pouvais mourir, j’avais fait ce que j’avais à faire sur terre. C’était sans compter l’irruption du climat dans le cours de la vie.
Le 28 juin 2019, aux jours les plus longs de l’année où le soleil est au zénith, le thermomètre est monté à 45° Celsius sous abri et des courants d’air brûlants comme ceux d’un sèche-cheveux ont balayé le Gard et l’Hérault. A 18 heures, tandis que j’étais à l’ombre des volets, Laurent, mon jeune voisin de vignes, m’a appelée :
- Là-haut à Pioch Long, les syrahs sont brûlées.
- Comment ça brûlées ?
- Oui, brûlées, les feuilles, les raisins, comme si on les avait passées au chalumeau.
J’ai pris ma voiture, et je suis allée dans les vignes. J’ai vu à La Carbonelle, les grenaches, feuilles et grappes brûlées, grillées, par zones, sur la pente du coteau exposée sud-ouest. J’ai vu que certaines étaient mortes, que d’autres survivraient à demi, amputées d’un, deux bras. Il faisait encore très très chaud et j’ai été parcourue de frissons. La pensée m’a traversée que c’était là l’annonce de la fin de l’ère climatique que nous connaissons, la manifestation de la limite de l’hospitalité de la terre. Le réchauffement climatique, ce phénomène qu’on évoque froidement come une information parmi d’autres, que je voyais à l’œuvre depuis quelques années me faisant différer le projet d’une nouvelle plantation, était là, sous mes yeux, dans sa toute puissance destructrice.
La Carbonelle est un mamelon en forme de parallélogramme bien exposé au vent et au soleil. Les vignes y profitent de leurs bienfaits depuis 1578. Ce qui s’est passé le 28 juin 2019 dit que l’ordre des choses s’est littéralement inversé. Le vent et le soleil ne sont plus des alliés, ou plus exactement, comme dans l’Odyssée, les Dieux ont fait entendre leur colère contre un demi-siècle de pratiques anagronomiques, la cupidité de l’homme et ses rêves prométhéens. Cette colère s’est d’abord abattue sur les abeilles. Mais nous ne l’avons pas entendue.
J’ai connu enfant les clapiers au fond du jardin, les mûres des ronciers, les troupeaux déféquant sur la chaussée. Adulte, j’ai vidé le ciel, pris la pilule, désiré des enfants. Eux ont été nourris au Round Up et à la potasse.
Que ferai-je de mes cinquante ans ?
L’idée de quitter le navire m’a traversée. Mais non. Je ne serai pas une réfugiée climatique. Je ne céderai pas non plus aux sirènes de l’irrigation. J’ai passé l’été à pleurer, à réfléchir, à lire, à faire des recherches. Les vendanges et les vinifications achevées, nous avons avec mon fils aîné décidé d’expérimenter sur la parcelle de la cave une manière radicalement différente de cultiver la vigne, de retrouver l’esprit de Vitis sylvestris, l’ancêtre de nos Vitis vinifera, qui, pluri-centenaire, prospère dans les forêts de Géorgie.
Au nom de la terre.
Sommières, janvier 2020
Bien évidemment le gratte-papier, qui n’en gratte plus d’ailleurs, avait tartiné sur ce livre. (Voir plus bas)
Mais puisque je tartine ce matin sur le magazine dit Le Rouge&leBlanc j’en profite pour vous faire part de mon amour pour le blanc de Catherine :
Le Terret 2019
C’est une première : « Enfin ! Après trois essais insatisfaisants, le Terret devient un vin à lui seul. C’est un blanc à mi-chemin du muscadet, d’où je viens, tendre et vif donc (3,17 de Ph) et du Jura, pour ses notes de noix fraîche à l’ouverture de la bouteille. »
À la vigne : « Le Terret, sélection massale, est complanté avec du mourvèdre sur le versant ouest de la Carbonelle. C’est le cépage historique de Saint-Drézéry. Il a été planté pour la première fois à la Carbonelle en 1578. »
Travaillés en agriculture biologique certifiée avec des pratiques biodynamiques.
Vendange manuelle en caissettes.
Le reste est trop technique pour moi (voir la fiche technique plus bas).
J’adore ce vin, il est vif, frais, droit sans fioritures, un vin de printemps, un antidépresseur à nul autre pareil en ce temps de confinement, un blanc sans chichi, tendre sans niaiserie, franc, un vin qui porte la patte de Catherine : il laisse une trace, une envie de revenez-y…
Pour satisfaire mon addiction j’ai raflé tout le stock de Claire à Ici Même.
4 avril 2014
Le sécateur cet obscur objet du désir de puissance…« quand je rentre de mes vignes, je pense droit… » ICI
25 octobre 2017
2004-2017 : Catherine Bernard « Dans les Vignes » Chroniques d’une reconversion, j’ose l’écrire, réussie… ICI
Le Terret 2019
À la vigne
Le Terret, sélection massale, est complanté avec du mourvèdre sur le versant ouest de la Carbonelle. C’est le cépage historique de Saint-Drézéry. Il a été planté pour la première fois à la Carbonelle en 1578.
Travaillés en agriculture biologique certifiée avec des pratiques biodynamiques.
Vendange manuelle en caissettes.
Vinification
Pressurage direct, après, pour une partie, un repos de la vendange au frais pendant 12 h.
Vinification en barriques d’acacia
Sulfitage après la fin de la fermentation alcoolique, à 2,5g/hl
Malo faite.
Elevage
Six mois en cuve fibre.
Mise en bouteille
Pas d’ajout de sulfites, filtré.
Composition du vin
Un tout terret à 11° d ‘alcool.
Esprit du vin
Enfin ! Après trois essais insatisfaisants, le Terret devient un vin à lui seul. C’est un blanc à mi-chemin du muscadet, d’où je viens, tendre et vif donc (3,17 de PH) et du Jura, pour ses notes de noix fraîche à l’ouverture de la bouteille.
Catherine Bernard
14 bis av. Jean Jaurès, Le Village n°93, 34 170 Castelnau-le-lez
email : cb.castelnau@wanadoo.fr
http://www.rue89.com/mise-en-bouteille
Tel : 04 67 79 02 01 / 06 83 03 35 55