Le président français a préféré ne pas répondre. Car le sujet est explosif.
OPINION
Richard Werly
Publié mercredi 28 avril 2021
L’Insee, l’institut national français de la statistique, aime d’ordinaire empiler les chiffres. Un classement annuel, pourtant, échappe aux mathématiques: celui des prénoms les plus utilisés au pays de Molière, de Voltaire et de Napoléon. Résultat pour 2019: Emma et Gabriel restent, selon l’Insee, les plus populaires devant Jade, Louise, Léo, Raphaël… Les deux premiers caracolent en tête depuis 2017. Tandis que, dans le peloton de tête des dix premiers, figurent aussi Anna, Maël, Manon, Nathan et Jules…
Vous avez bien lu. A lire ce classement basé sur les actes de naissance, les prénoms typiquement français se portent plutôt bien. Et pourtant, voici que l’incendie des patronymes s’est remis à flamber le 18 avril, lors d’une visite d’Emmanuel Macron à Montpellier, dans le quartier de la Mosson, présenté souvent comme l’un des plus pauvres de la capitale de la région Occitanie. Une habitante, membre du conseil de quartier, l’interpelle alors face caméra sur le thème de la mixité sociale: «Mon fils, qui a 8 ans, m’a demandé si le prénom Pierre existait vraiment ou si ça n’était que dans les livres. […] Cela m’a vraiment choquée.» Le chef de l’Etat français hausse les sourcils et reste coi. Les caméras des chaînes d’information filment la scène qui, bientôt, repasse en boucle sur les écrans. Le prénom Pierre – issu du latin petrus, traduction du mot grec πέτρος (petros) signifiant… «pierre» (souvent évoqué, à l’origine, dans le sens de «pilier» ou de «fondation») – devient soudain une sorte de grenade dégoupillée. Puisque plus personne ne porte ce prénom, la «francité» doit être en train de disparaître. «Il n'est pas impossible que les Pierre et Corinne de France ne soient pas exagérément enthousiastes à l'idée d'évoluer dans un environnement urbain qui leur donnera la désagréable impression d'être devenus minoritaires dans leur propre pays» assénait samedi dans Le Figaro le chroniqueur souverainiste Mathieu Bock-Coté
« Vivre en France, et y naître, implique-t-il de donner à ses enfants des prénoms bien français? »
Cette guerre des prénoms n’est pas une surprise. Un éditorialiste en a fait l’une de ses lignes d’attaque pour dénoncer l’immigration de masse et ses conséquences sur les cours d’écoles de la République: Eric Zemmour. En septembre 2018, sur un plateau de télévision, le polémiste du Figaro et de CNews – objet depuis quelques jours d’une plainte pour harcèlement sexuel pour des faits prétendument commis en 2004 – s’en prend à celle supposée lui apporter la contradiction: Hapsatou Sy, animatrice et chroniqueuse d’origine africaine. «Votre prénom est une insulte à la France», lâche-t-il, ce qui lui vaudra d’être renvoyé devant la justice pour «injure raciale» après dépôt d’une plainte par l’intéressée.
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