Dupont-Nanetti, après avoir allumé un Puros, attaqua l’entretien bille en tête : « Au 78 rue de Varenne, tu as géré les chasses du domaine de Chambord, Rambouillet et Auberive, à la plus grande satisfaction des chasseurs. Guy Ligier, le pote de Tonton, ne tarissait pas d’éloges sur ton compte. Cerise sur le gâteau, tu y conviais aussi le petit peuple.
- Oui c’était ma BA, ma façon de me dédouaner moi qui n’ai jamais tenu un fusil de ma vie et, bien sûr, jamais chassé. J’avoue que je ne vois pas d’intérêt personnel à aller battre la campagne pour tirer du gibier et le discours qui affirme que la « chasse aide à dominer sa peur de la nature sauvage, à se la réapproprier, à l’amadouer, à la sentir vibrer, pleine de sève et de fougue… » s’apparente pour moi à de l’autojustification pure et simple.
- Ta maîtresse d’alors chassait…
- Oui, je ne suis pas à une contradiction près et pour alourdir ma croix je devais me taper au château ce grand mégalo de François de Grossouvre…
- Tu as la fibre diplomatique dans ton ADN Ambrose. Mon souci c’est depuis dix ans le domaine national de Chambord, est entre les mains du beau-frère du comte de Paris, prétendant au trône de France, Jean d’Andlau de Cléron d’Haussonville qui se vante d’avoir fait revenir à Chambord le sang bleu et les grandes familles européennes. « Voir un noble à côté́ d’un préfet ou d’un lobbyiste, cela crée des mises en relation que personne n’aurait imaginées. Plus c’est chic, plus c’est attractif.»
- C’est un c… !
- Je ne te le fais pas dire. Pour faire tourner l’entreprise, le grand chambellan a fait planter des vignes afin de créer trois cuvées Chambord, et le domaine commercialise désormais 13 tonnes de cervidés par an et 33 de sangliers pour 91 000 euros de chiffre d’affaires.
- Ok, tu chalutes dans le bottin mondain et people : Gérard Larcher, le pape des salons de coiffure, Franck Provost, l’écolo Nicolas Vanier, l’ancien avocat de Laëtitia Hallyday, Me Ardavan Amir-Aslani, le financier Henri de Castries, l’archiduc du Luxembourg, le gros David Douillet, le patron du Medef Geoffroy Roux de Bézieux, le Guy Drut du 110 mètres haies, le balourd Christian Jacob, le socialo Claude Bartolone, des ministres, des capitaines d’industrie, des généraux et des ambassadeurs...Tu ne souhaites pas que je te trouves quelques gilets jaunes pour faire peuple ou que je fasse les yeux doux à Méchancon ou à Ruffin…
- La présidence des chasses présidentielles ça te tente ?
- Pas le moins du monde mon ami, j’ai mieux à faire que de me fader l’élite de la République…
- Tu réfléchis, je t’ai fait constituer un dossier, tu y jettes un œil et tu me rappelles.
- Si ça te fais plaisir, je veux bien…
- Dès que les restaurants rouvrent, on se casse une petite graine dans l’une de tes mangeoires préférées…
- Tope-là !
La belle Annabelle tendit à Ambrose une grande enveloppe cachetée à la cire. ADN, salua Ambrose d’un signe de la main, « Sacré renard… » pensa celui-ci en mettant ses pas dans les pas de l’attaché de presse. Celle-ci, alors qu’ils allaient se quitter, lui précisa « J’ai constitué le dossier de presse mais le Garde a tenu à mettre l’ensemble du dossier sous pli de sa main. Vous devez être quelqu’un de très important… »
- Un faisan surtout Annabelle, ou pire un pigeon d’argile…