- Je pense que c’est une sacré pétaudière que cette affaire, vous pouvez rien mettre dans l’ordre… Comment ça s’appelle ? Vous savez dans un syllogisme…
- La concaténation
- La concaténation, quel mot ce mot !
Quel est le point commun entre la tirade d’une pièce de Molière, une comptine pour enfants et la chanson d’un boys band anglais ?
À première vue pas grand-chose ! Pourtant elles utilisent toutes les trois un procédé stylistique fondé sur la répétition et qui répond au doux nom de « concaténation ».
« Mourir pour des idées, l’idée est excellente », chante Georges Brassens. Avez-vous remarqué que le mot qui termine la première proposition est repris au début de la proposition suivante ? Ce procédé de redoublement s’appelle l’anadiplose. Et une suite d’anadiploses forme une concaténation.
La concaténation, comme d’autres figures fondées sur la répétition, permet d’accentuer une idée ou un mot et peut être utile pour donner force et conviction à ses propos.
1- La concaténation dans Dom Juan de Molière
Si la concaténation a vraisemblablement été définie au XVIIIe siècle, Molière la pratiquait déjà dans sa pièce Dom Juan ou le Festin de pierre, jouée pour la première fois en 1665.
En effet, dans l’acte V – scène 2, la célèbre tirade de Sganarelle est un cas d’école de concaténation. Jugez plutôt :
« Sachez, Monsieur, que tant va la cruche à l’eau, qu’enfin elle se brise ; et comme dit fort bien cet auteur que je ne connais pas, l’homme est en ce monde ainsi que l’oiseau sur la branche ; la branche est attachée à l’arbre ; qui s’attache à l’arbre suit de bons préceptes ; les bons préceptes valent mieux que les belles paroles ; les belles paroles se trouvent à la cour ; à la cour sont les courtisans ; les courtisans suivent la mode ; la mode vient de la fantaisie ; la fantaisie est une faculté de l’âme ; l’âme est ce qui nous donne la vie ; la vie finit par la mort ; la mort nous fait penser au Ciel ; le ciel est au-dessus de la terre ; la terre n’est point la mer ; la mer est sujette aux orages ; les orages tourmentent les vaisseaux ; les vaisseaux ont besoin d’un bon pilote ; un bon pilote a de la prudence ; la prudence n’est point dans les jeunes gens ; les jeunes gens doivent obéissance aux vieux ; les vieux aiment les richesses ; les richesses font les riches ; les riches ne sont pas pauvres ; les pauvres ont de la nécessité ; nécessité n’a point de loi ; qui n’a point de loi vit en bête brute ; et, par conséquent, vous serez damné à tous les diables. »
Ici, la concaténation est parfaite, mais il peut arriver que le mot repris ne soit pas exactement le dernier, comme dans ces vers de Joachim du Bellay :
Comme le champ semé en verdure foisonne,
De verdure se hausse en tuyau verdissant,
Du tuyau se hérisse en épi florissant,
D’épi jaunit en grain, que le chaud assaisonne…
Mais bon, on ne va pas chipoter !
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PHILOSOPHIQUE : rare. Enchaînement nécessaire, lien logique, rapport de cause à effet.
« Ne lui demandez [à M. d'Aube] ni finesse ni observation : la concaténation du raisonnement lui suffit; il vous met à la chaîne
Sainte-Beuve, Nouveaux lundis, t. 5
La concaténation en langage informatique
L’opérateur arithmétique + permet de faire des concaténations entre plusieurs chaînes de caractères.
La concaténation consiste à ajouter une chaîne de caractères à la fin d'une autre...
L’anadiplose est une figure par laquelle on répète le dernier mot d’une proposition (un même ensemble de termes) au début de la proposition suivante.
Je vis ce beau Lyon, Lyon que tant je prise. Du Bellay, Les Regrets, Lyon
Il y a anadiplose car le mot Lyon est répété dans deux propositions différentes, séparées par une virgule.
L’absence, c’est Dieu. Dieu, c’est la solitude des hommes. Sartre, Le Diable et le bon Dieu
Quand plusieurs anadiploses se suivent, on peut parler de concaténation.
L’être vulgaire ne se connaît lui-même qu’à travers le jugement d’autrui, c’est autrui qui lui donne son nom, ce nom sous lequel il vit et meurt comme un navire sous un pavillon étranger. Bernanos, Romans, cité par le Gradus
Anaphore, épanalepse et épanadiplose
L’anaphore répète un même mot ou un même groupe de mots en tête de phrases, de vers, de paragraphes qui se suivent
Paris, Paris outragé ! Paris brisé ! Paris martyrisé ! mais Paris libéré !… Charles de Gaulle
L’épanalepse répète un ou plusieurs mots
L’ombre d’elle-même ! l’ombre d’elle-même ! la malheureuse a vieilli de cent ans ! de cent ans ! Colette, Chéri
L’épanadiplose (une variété d’épanalèpse), répète un même mot en début et en fin de phrase de deux propositions juxtaposées par une virgule ou un point-virgule.
Je vous salue, ma France, aux yeux de tourterelle Jamais trop mon tourment, mon amour jamais trop Aragon, Le Musée Grévin
Et les princes et les peuples gémissaient en vain ; en vain, Monsieur, en vain, le roi lui-même tenant Madame serrée dans de si étroits embrasements. Bossuet, Oraison funèbre de la duchesse d’Orléans
La mélancolie et la tristesse sont déjà le commencement du doute ; le doute est le commencement du désespoir ; le désespoir est le commencement cruel des différents degrés de la méchanceté. Lautréamont, Chants de Maldoror