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15 avril 2021 4 15 /04 /avril /2021 06:00

WWII German Motorcycle R75 Lion Roar L3509 1/35ème maquette char promo

La nuit porte toujours conseil.

 

La Toile étant scannée par nos limiers du boulevard Mortier, ceux de la DGSI de Levallois-Perret, nos douaniers chers à Fernand Raynaud, nos as de Tracfin, je risquais gros de révéler les dessous de la filière blanche, j’ai donc renoncé à lever le voile sur elle, même si l’opération était bouclée.

 

Bref, allais-je pour autant mettre fin à mon projet fou de m’exfiltrer de Paris sans être inquiété par la maréchaussée ?

 

L’opération Petite Vadrouille aurait-elle lieu ?

 

P’tète bien que oui, p’tète bien que non…

 

Tout est prêt, le scénario bouclé, l’itinéraire minuté, le chat confié aux bons soins de madame Gomes, les plantes du balcon aussi, mon sac à dos au pied de mon lit, alors si c’est oui je vais devoir choisir l’une des branches de l’alternative que la situation m’offre, si je puis m’exprimer ainsi.

 

Mon choix est fait mais, comme je souhaite maintenir le suspens, je fais comme si j’hésitais encore…

 

Comme je suis bon prince je vous livre deux indices

 

N°1

 

L’autorail se traînait, de gare en gare, à chaque démarrage le diesel exhalait des remugles acides, hoquetait, la carlingue vibrait. Les loupiotes jaunasses donnaient à mon reflet sur la vitre piquée des contours mous, fienteux. Nous étions, en tout et pour tout, trois : une grosse femme sans âge qui tricotait avec une obstination mécanique, un jeune type au faciès de cheval somnolant la bouche grande ouverte, et moi. Le contrôleur devait avoir couché avec son uniforme. Il dégageait un mélange de tabac froid, de slip ancien et d'huile de friture. Lorsqu'il poinçonna mon ticket je remarquai ses ongles longs, bombés et incurvés, sales. On aurait dit des serres d'aigles. Ça me donnait envie de gerber. Il fallait que j'en grille une. Je fourrageai dans mon sac à la recherche de ma boîte à rouler. Mes calbars, mes chaussettes se mêlaient avec tout un fatras de papiers que je trimballais en permanence. Officiellement pour écrire, des notes, ça faisait un sacré temps que je n'avais pas aligné une phrase. Le petit bouquin, que j’avais récupéré dans la salle d’attente, me tomba dans la main. Je le caressai.

 

Dans un craillement de freins notre équipage stoppait en gare d'Evreux. Les néons du quai lâchaient dans l'habitacle une lumière crue de scialytique. Deux bidasses montaient en parlant fort. La tricoteuse nous quittait. Dans ma main droite le titre du petit bouquin m'étonnait : « Extension du Domaine de la lutte », ça sonnait comme du pur jus d'intello post-soixante-huitard non révisé, prétentiard. Si je l'ai ouvert c'est qu'il était édité par Maurice Nadeau. J'ai toujours eu un faible pour Nadeau. Y’avait un nom écrit au crayon au revers de la couverture : Chantal Dubois-Baudry. Les patronymes à tiret m'ont toujours fasciné, à la manière de la transmutation d'un vil métal en or. Mon doyen de fac s'appelait Durand-Prinborgne et, comme raillait mon pote Bourrassaud, quand je m'extasiais sur un Moreau-Chevrolet ou une Debrise-Dulac « et mon chauffe-eau c'est un Saunier-Duval... »

 

La Dubois-Baudry était la reine du soulignage, j'ai survolé les phrases soulignées du petit bouquin fripé, y'en a une que j'ai relu trois fois « Au métro Sèvres-Babylone, j'ai vu un graffiti étrange : « Dieu a voulu des inégalités pas des injustices » disait l'inscription. Je me suis demandé qui était cette personne si bien informée des desseins de Dieu. » J'ai fait machine arrière et je me suis plongé dans le petit bouquin fripé au titre étrange.

 

Arrivé à St Lazare j'ai trouvé refuge dans un café graisseux où un garçon aux cheveux pelliculeux et aux ongles sales, c'était le jour, m'a gavé de demi de bières tiédasses. Quand j'eus fini de lire le petit bouquin j'allai pisser. Les toilettes étaient à la hauteur du standing de l'établissement ce qui ne m'empêcha pas de me poser sur la lunette. C'est alors que j'ai découvert le nom de l'auteur : Houellebecq. Étrange, ça sonnait comme un nom d'abbaye. Ce Houellebecq me dérangeait, son style atone, minimal, s'élevait parfois jusqu'à devenir Bovien, son Tisserand, l'un de ses personnages, venait de détruire mon postulat de la laideur. Ce type « dont le problème - le fondement de sa personnalité, en fait - c'est qu'il est très laid. Tellement laid que son aspect rebute les femmes, et qu'il ne réussit pas à coucher avec elles. Il essaie de toutes ses forces, ça ne marche pas. Simplement elles ne veulent pas de lui… » Grotesque, lamentable…

 

N°2

 

« C’est mon drame, j’ai un beau cul mais je suis plate comme une limande Par bonheur je suis entière et avec une bonne douche, un ravalement de façade et un broc de café je serai d’attaque pour vous faire passer les Andes... » Une bonne heure après nous enfourchions la R 75 qui, elle, ne s’offrait pas une gueule de bois et feulait doucement sous le poignet ferme de Marie-Amélie. Elle me bluffait. La route 765 traversait des prairies verdoyantes où paissaient des vaches qui ressemblaient aux vaches normandes de mon grand-père. La comtesse ménageait notre monture dans la perspective des rampes rudes et les lacets que nous allions devoir affronter à El Juncal. Son plan de vol, si je puis dire, elle me l’avait délivré avant notre départ : nous roulerions jusqu’aux environs de midi pour atteindre le pied de la Cordillère puis, afin de ne pas affronter les pentes sous le soleil, car le refroidissement de notre monture n’est pas son fort, nous ferions une halte afin d’attendre le déclin du soleil. Prévoyante la comtesse avait fait préparer un panier de pique-nique au service d’étage. Cette femme m’étonnait vraiment et, alors que dans la tenue d’Ève elle venait de passer commande elle trouvait le moyen de me balancer « Je suis sûre que vous allez me regretter »

 

En quittant Los Andes nous passâmes sous les bras d’une statue de la Vierge juchée sur une rocaille et, comme nous n’avions pas mis nos casques, je hurlai dans les oreilles de Marie-Amélie « Avec ce qu’elle a vu hier au soir, nous sommes bons pour l’Enfer ! » Relâchant un peu les gaz elle se tournait vers moi pour me répondre « Vous ne perdez rien pour attendre. La maison ne fait pas crédit. L’air des cimes vous redonnera de la vigueur... » À Rio Colorado nous passions à côté d’une Centrale électrique et le paysage devenait de plus en plus lunaire. Nous nous arrêtâmes au confluent des rios Juncal et Bianco. Marie-Amélie se défaisait de sa combinaison de cuir, enfilait un pull de laine et pieds nus dans ses croquenots étendait un plaid sur un petit promontoire herbeux.

 

Nous déjeunâmes de poulet froid et de fruits accompagnés d’un Carménère d’assez bonne composition. Les eaux tumultueuses et pures chantaient. Le café lui aussi se révélait à la hauteur. « C’est le mien ! » me fit remarquer la comtesse en constatant mon ravissement. J’en restais pantois et je n’eus pas le temps de me remettre que Marie-Amélie ôtait son pull et sa lingerie fine « Si ça vous dit moi je me baigne. L’eau glacée va me purifier des miasmes de cette nuit. » Mon air horrifié lui tirait un rire chevalin. « Rassurez-vous, vos cojones ne risquent rien ! Venez, je vous les réchaufferai en sortant ! » Je pris le parti d’y aller tête baissée sans réfléchir. Passé la brutalité de la morsure première le plaisir fut au rendez-vous après des jeux de mains qui n’avaient rien d’enfantins. La comtesse me comblait. La comtesse m’épuisait. La comtesse m’émouvait. La comtesse me murmurait des mots de gamine. La comtesse adorait l’écho de ses égarements

 

Voilà, comprenne qui pourra… à demain…

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commentaires

P
Nul pour les devinettes, voilà la vérité. Déjà le 18 janvier 2017 La mouche du coche s’était lamentablement plantée avec à la clé un grand coup dans la gueule de son ego.<br /> Alors elle rend les armes.<br /> 1) Aucune trace de « filière blanche » sur interlope sauf à parler de lait ou d’une marque de meuble. Maintenant s’il faut aller sur « le darknet » ne compter pas sur elle. C’est déjà beaucoup qu’elle puisse citer son existence.<br /> 2) Bon prince le Taulier nous donne deux indices. Mais là, c’est nous mener en bateau et la R75 ne sera d'aucune utilité pour nous mettre sur la piste ni prendre l’autorail qu’il indique . Et s'il décrit ce moyen de locomotion « aller de gare en gare » sans autre précision ce n'est que pour mieux nous égarer.<br /> 3) Observons simplement qu’avec ses deux indices, le taulier fait du surplace.<br /> 4) En effet il s'agit tout simplement de citations de diverses chroniques à propos et reprenant des extraits des œuvres de Houellebecq. Ainsi :<br /> - 18/11/13 catégorie roman sans commentaire<br /> - 07/05/13 catégorie roman sans commentaire<br /> - 05/02/18 catégorie roman sans commentaire<br /> et ainsi de suite 06/09/15 – 14/08/15 déjà un « Grand Concours de l’été »<br /> 5) Avec ça, vous allez ou vous voulez en suivant Houellebecq avec cartes et territoires à explorer.<br /> 6) A moins que le Taulier nous fasse le coup de Xavier de Maistre et son « Voyage autour de ma chambre » récit autobiographique écrit en 17941 Cet officier avait été consigné suite à un duel. Mais nous voilà bien loin des consignes de gare et leurs secrets qui semblent tant plairent à cet agaçant chroniqueur. *<br /> 7) Il ne reste plus à la mouche qu’a se prendre pour Voltaire dont Baudelaire disait : « Voltaire, comme tous les paresseux, haïssait le mystère »<br /> 8) La paresse est la plus forte. Ce matin encore, la mouche du coche termine son thé et va se recoucher<br /> <br /> * Tient si pour l’escagasser à notre tour nous demandions au Taulier où en est son roman <br /> policier.
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