En ouverture de son livre Finis terrae : imaginaires et imaginations cartographiques Gilles A. Tiberghien cite Jean-Pierre Abraham, Fort Cigogne.
« J’ai oui dire que dans les grands voyages de découvertes, ceux qui avait mission de lever la carte des archipels nouveaux y introduisaient volontiers une île à leur façon, qu’ils baptisaient du nom de la dame de leurs pensées. C’était un fait avéré, admis, nul ne s’en émouvait quand on n’en retrouvait pas trace aux navigations suivantes. C’était disait-on « l’île de la femme du cartographe. »
Il évoque les cartes produites par la littérature :
- La carte du Tendre de Mme de Scudéry,
- Celle de Jonathan Swift pour illustrer Les voyages de Gulliver,
- L’île au trésor, L’île mystérieuse, l’île Lincoln.
- Celles de de Tolkien ou celles de Jack Vance dans le cycle de Tschaï,
- Celle de d’Iputupi réalisé par Georges Perec,
- Deux ces cartes, au moins, méritent une attention particulière. Celle de l’Utopie, le grand livre de Thomas More et celle de L’Isle au trésor de Stevenson.
Michel de Certeau distingue : ceux qui pensent « en cartes » et ceux qui raisonnent « en parcours » Lire une carte suppose en effet un apprentissage de ses codes et une particulière tournure d’esprit que je n’ai pas : pour preuve lorsque j’ai remonté le sentier Stevenson avec mon ânesse, muni d’une carte, combien de fois j’ai pris les sentiers à l’envers pour m’apercevoir quelques temps après que je m’étais planté, comme me le disait mémé Marie « quand on n’a pas de tête, on a des jambes », je suis fasciné par les cartes mais je suis un piètre navigateur sauvé depuis l’irruption du GPS.
Finis terrae signifie les confins de la terre, mais pas seulement. Gilles A. Tiberghien reprend cette locution latine parce que les anciens faisaient une distinction entre les terres connues et les terres inconnues, c’est-à-dire qu’aux frontières du monde habité « ils laissaient libre cours aux spéculations sur l’au-delà ».
La minute de l’école à la maison étant passée je vous conduis au sujet du jour (pour les accros voir l’article de fond en annexe)
Avaler des couleuvres, faire l’autruche, clouer au pilori, monter au créneau, annoncer la couleur, autant de lieux communs, d’expressions toutes faites qui émaillent encore notre langage parlé, et se retrouvent régulièrement sous la plume ou dans la voix des journalistes de tous médias.
Dans quelle mesure ces lieux soit disant communs, le sont encore ?
Parce qu’ils viennent du fond des âges, des mythologies grecques et romaines, de la bible et de la pratique religieuse chrétienne des siècles passés, de la civilisation agraire ou de l’art militaire des XVIe et XVIIe siècles. On continue à les utiliser largement, parce qu’on croit qu’il s’agit d’une sorte de fond commun de connaissance qui nous relie les uns aux autres par le langage en quelque sorte. Mais on peut se demander pour qui ces métaphores, ces citations à l’origine lointaine font encore sens aujourd’hui.
Si je vous dis « ça me fait une belle jambe »
L’expression vient du XVIe siècle. À l’époque, les belles jambes, les jambes coquettes, celles qu’on voyait étaient celles des hommes, moulées dans les hauts de chausse. On disait faire la belle jambe, se pavaner faire le beau.
« C’est la croix et la bannière »
La croix et la bannière, en effet, datant de l’époque où toutes les processions et autres défilés officiels devaient accorder autant d’importance à la bannière, c’est-à-dire au pouvoir temporel, celui des armées et du roi, qu’à la croix, le pouvoir spirituel de l’Eglise et de ses dignitaires. Obligation d’égalité de traitement, qui donnait lieu à des discussions diplomatiques interminables.
Bref, la présente cartographie des « lieux communs » ouvre grande la porte aux commentaires, bien sûr du commentateur en chef, mais pourquoi pas de quelques émules aventureux