Ce dernier jeudi, il ventait très fort sur Paris, mon balcon, tel la passerelle d’un cargo, essuyait de violentes rafales, j’étais fort contrarié car j’avais programmé des semis de fleurs pour gazon japonais, de Lupin, d’Ipomée, de Cobée grimpante bleu violet, de Capucine grimpante.
Face à l’adversité du ciel je dus faire retraite à l’intérieur. Après avoir pondu quelques chroniques, je me suis dit : et si tu écoutais sur nibuniconnu L'interview de @EricMorain sur l'INAO.
- La Loi peut-elle protéger le Terroir ? L’INAO doit-elle se mêler du goût ? A-t-elle su choisir entre la valorisation du patrimoine et la protection d’intérêts financiers considérables ?
- Lien vers le podcast : ICI
Ce que je fis.
N’attendez pas que je commente cette interview par de gentils et braves pioupious, je ne suis plus dans le coup et surtout, pour moi, l’INAO a passé l’arme à gauche en même temps que son ancien président réformateur René Renou.
20 juin 2006
Rupture sans préavis
René Renou est mort. En cette circonstance, moi qui les aime tant, je n'aime pas les mots : ils sont trop petits ou trop boursouflés, je leur préfère le silence du recueillement. Alors ce matin je m'incline devant ton courage face à la maladie René, je salue en connaisseur ton anticonformisme : nous nous sommes tant côtoyés à la tribune, je m'associe à la douleur et à la peine des tiens, je me permets de t'offrir la chanson du bougon enterré dans le cimetière marin de Sète les copains d'abord et le premier vers d'une tragédie de Sophocle « C'est une vérité depuis longtemps reconnue des hommes, que nul ne peut savoir, pour aucun mortel, avant l'instant de sa mort, si la vie lui fut douce ou cruelle » Adieu René, avec ceux qui t'aimaient bien nous lèverons nos verres car la vie continue et nous essayerons de faire fructifier ton héritage...
Je me trompais lourdement, avec la reprise en mains de la Droite-RPR, commencée avec Hervé Gaymard, le complexe agricolo-politique personnifié par la FNSEA de Jacques Gravegeal allait mettre la main sur les AOC devenue AOP, fourguer ses IGP, porter sur le pavois le dénommé Despey ex-président du CNJA et vice-président de la FNSEA. Les syndicats d’appellation trépassaient pour laisser aux ODG où les vignerons sont obligés d’adhérer, la maison INAO, devenue INAOQ, se dépouillait au profit des professionnels des contrôles (contrôleur-général je fus chargé d’auditer les organismes de contrôle, 15 jours après le directeur de cabinet du Ministre de l’Agriculture intimait l’ordre à mon chef de corps de m’exfiltrer, je dérangeais), cette vieille maison n’était plus que le bras de l’administration. Comme le dit plaisamment Me Morain, une tranche supplémentaire du millefeuille bureaucratique.
L’INAO subsiste mais comme nous le disions à propos du vieux crabe stalinien Althusser : Althusser à rien !
Je l’ai dit avant son départ à la retraite à un Jean-Luc Dairien fort mari de mes positions sur le classement de Saint-Emilion (il fut conseiller technique au cabinet dont j’étais le directeur)
La nouvelle directrice de l’Institut, Marie Guittard, celle qui m’a dit après la première lecture de mon rapport : « on ne va pas publier ça ! », et ce fut publié sur le Net sans une virgule de changée, qui a tenu le quinquennat de Hollande à Matignon comme conseillère agricole, bis repetita, est allé se fourvoyer à nouveau dans cette galère, sans doute sous l’amicale pression de la conseillère du Président.
La notion d’appellation d’origine est morte par dilution, je ne vais pas entonner mon éternelle chanson. Ça fait un bail que les GCC de Bordeaux s’en sont exonérés, le nom de leur château est une marque bien plus puissante que l’AOP et, il est assez cocasse, de voir le bel Hubert de Boüard, et son Angelus, jouer les vierges effarouchées quant à son rôle au Comité National de l’INAO pour la genèse des règles du dit classement.
Par ailleurs je ne vois le bénéfice pour les vignerons de vin nu de s’être pliés aux désidératas de l’INAO et de la DGCRF, pour leur syndicat des vins méthode nature. Pour l’heure, je n’ai encore jamais croisé chez les cavistes de vin nu, un flacon estampillé du logo.
L’INAO est verrouillé par le complexe politico-professionnel, et sans vouloir jouer les rabat-joie je ne vois pas qui, le rapport de force est bien trop inégal, sera en capacité de le réformer en ouvrant grandes ses portes et ses fenêtres afin que les minoritaires aient voix au chapitre. À quoi bon user son énergie dans un combat sans issue.
L’issue, elle existe, elle est sous nos yeux de consommateurs, c’est à nous consommateurs d’imposer nos choix, nos goûts, en acceptant de nous tourner vers des vins qui nous agréent, en étant conscient que les contraintes, auxquelles se soumettent les vignerons pour nous proposer des vins nu, ont un coût qui doit se répercuter dans le prix des vins, nul besoin de label pour nous rassurer, nous réassurer – l’AOC des pères fondateurs n’en était pas un – à quoi bon se blottir sous le pavillon d’une maison qui estampille la masse des AOP-IGP à deux balles vendus dans les tristes rayons de la GD ?
Dans Cap 2010 nous avions osé lancer un pavé dans la mare : le vin de France territoire d’un espace de liberté, beaucoup de vignerons s’y sont engouffrés, se sont fait un nom, une notoriété, ont créé un lien de confiance avec leurs clients, une proximité qui a déjoué les railleries des prescripteurs patentés, c’est une brèche que les conservateurs n’ont pu colmater, que les politiques devront prendre en compte. Patience et longueur de temps valent mieux que force et que rage. Foin des ayatollahs des deux bords, ils calcifient le débat, font le lit de l’immobilisme. Marquons l’INAOQ à la culotte face à ses velléités uniformisatrices, enterrons la typicité air de famille, laissons les barbons des OPA faire leur petite tambouille dans leurs vieux pots.
L’avenir est là, les petits ruisseaux peuvent vivre leur vie loin des grands lacs de vin, et comme je suis un provocateur-né j’affirme que les vins nu seront les GC de demain et je veux bien aller à Montreuil sous les fenêtres de l’INAOQ chanter le Dies Irae…
ou mener à la baguette comme Désiré Dondeyne dirigeant L'Orchestre des gardiens de la paix
La Grande Symphonie funèbre et triomphale
d'Hector Berlioz.
Je veux que l’on interprète la Grande symphonie funèbre et triomphale d’Hector Berlioz sur la place de la Bastille… ICI
Que voulez-vous, je suis accroc de cette symphonie qui pète, pardon, les cuivres, les percussions, caisses claires, timbales, cymbales. J’aimerais qu’on me porte en terre en la jouant mais ce n’est pas très discret et je n’ai pas les moyens de m’offrir plusieurs centaines de musiciens : instrumentistes et choristes.