Bertrand Tavernier : décès d'un cinéaste engagé
Hommage - Le réalisateur français Bertrand Tavernier, auteur de films comme "Coup de Torchon" et "L.627", est mort ce jeudi 25 mars à l'âge de 79 ans. Artiste engagé et éclectique, avec une ...
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Je n’aurai pas l’outrecuidance de rendre un hommage à Bertrand Tavernier mort, jeudi à 79 ans.
C’est un monument du cinéma français qui s'est éteint. Bertrand Tavernier est décédé à Sainte-Maxime, dans le Var, a révélé La Croix. Cette information a ensuite été confirmée par l'Institut Lumière. Le cinéaste était âgé de 79 ans. « Avec son épouse Sarah, ses enfants Nils et Tiffany et ses petits-enfants, l'Institut Lumière et Thierry Frémaux ont la tristesse et la douleur de vous faire part de la disparition, ce jour, de Bertrand Tavernier », a tweeté l'institution dédiée au septième art.
J’ai aimé beaucoup de ses films :
L’Horloger de Saint-Paul son premier long-métrage en 1974 Que la fête commence, 1975 Le Juge et l’Assassin, 1976 Coup de torchon 1981,Un dimanche à la campagne, 1984 L.627 sorti en 1992, chronique très documentée sur une petite brigade de policiers spécialisée dans la lutte contre la drogue que le manque de moyens matériels conduit au délabrement moral et social. Et L’Appât 1995 portrait de trois jeunes gens piégés par le goût du paraître, prisonniers de l’illusion de l’argent facile, et que leur inculture et un manque de repères conduisent à commettre deux crimes sordides.
Mort de Bertrand Tavernier : ses dix films les plus marquants ICI
Au fil de ses 34 longs-métrages, seuls ou en collaboration, le cinéaste avait abordé plusieurs genres, signé de grands succès populaires et mis en scène des pépites, coups de cœur critiques ou publics. Sélection.
Par Renaud Baronian
Le 25 mars 2021
«L'Horloger de Saint-Paul» (1974)
Lyonnais de naissance et attaché à sa ville, le réalisateur y situe ce qui sera son premier succès public, ainsi que sa première d'une longue collaboration avec Philippe Noiret. Ce drame puissant, adapté de Georges Simenon, conte comment un homme qui élève seul son fils découvre à quel point il ne le connaît pas lorsqu'il apprend qu'il a commis un meurtre, avant de tenter de se rapprocher de lui. Bouleversant.
«Que la Fête commence…» (1975)
Changement radical de registre l'année suivante : Tavernier surprend toute la France avec cette fresque historique qui décrit les débauches insensées dans lesquelles se vautre, au XVIIIe siècle, le duc d'Orléans (Noiret à nouveau) à coups de parties fines, ce qui va provoquer des conspirations contre lui. Un film décoiffant, chaud, fascinant, récompensé de deux Césars.
«Coup de torchon» (1981)
Féru de romans policiers américains, le cinéaste adapte l'un de ses auteurs favoris, Jim Thompson. Transposant l'action dans l'Afrique coloniale des années 1930, il suit ici un flic (Noiret toujours, face à Isabelle Huppert et Guy Marchand) méprisé par tous, qui va subitement assassiner tous les gêneurs avec un cynisme effroyable. Son plus grand succès en salles, avec 2,2 millions d'entrées.
«Un dimanche à la campagne» (1984)
En 1912, un vieux peintre connu mais sans génie va remettre sa vie et son œuvre en question à l'occasion de la visite dominicale de ses enfants et petits-enfants. Très touchant, ce succès populaire de Tavernier offre des rôles en or à Sabine Azéma, Louis Ducreux et Michel Aumont, et un nouveau César au réalisateur.
«La Vie et rien d'autre» (1989)
Après la Première Guerre mondiale, un officier a pour mission de recenser les soldats disparus au front. Il va croiser deux femmes qui recherchent leur compagnon, puis découvrir qu'il s'agit du même homme. Très émouvant et remarquablement interprété par Philippe Noiret, Sabine Azéma et Pascale Vignal, le film a séduit 1,5 million de spectateurs.
«L.627» (1992)
Retour au polar, mais dans le genre coup de poing : le quotidien d'un groupe de policiers de la brigade des stupéfiants, où la personnalité de chaque membre va se révéler au fil des interventions. Un film très fort tant Tavernier, qui avait souhaité une mise en scène réaliste, y est admirablement parvenu.
«L'Appât» (1995)
Thriller choc, cette adaptation d'un fait divers qui avait défrayé la chronique dans les années 1980 suit une jeune fille qui sert d'appât auprès d'hommes mûrs, avant que ses compagnons ne s'introduisent chez eux afin de les cambrioler, ou pire. La froideur de la jeune femme est remarquablement incarnée par Marie Gillain, superbement dirigée par le cinéaste.
Martin Scorsese et Bertrand Tavernier sur le tournage d’Autour de minuit (1986).Étienne George
L’hommage de Scorsese à Tavernier : « Bertrand était tellement passionné qu’il pouvait vous mettre K.-O. » ICI
Martin Scorsese
Publié le 26/03/21
Le réalisateur italo-américain avait rencontré Bertrand Tavernier dans les années 1970. Il a même joué pour lui dans “Autour de minuit”. Grand admirateur de sa culture cinématographique, il rend hommage, dans un texte adressé à “Télérama”, à son ami disparu jeudi.
La première fois que j’ai rencontré Bertrand Tavernier, c’était au début des années 1970. Il était alors accompagné de son ami et ancien collaborateur Pierre Rissient. Ils avaient vu Mean Streets et le défendaient avec vigueur publiquement. Un soutien qui signifiait beaucoup de choses à mes yeux.
J’ai très vite compris que Bertrand connaissait de fond en comble l’histoire du cinéma. Plus encore, il était un passionné du cinéma : passionné par ce qu’il aimait, passionné par ce qu’il détestait, passionné par ses nouvelles découvertes, passionné par les figures injustement oubliées dans l’histoire du cinéma – Bertrand a été celui qui nous a permis de redécouvrir le réalisateur Michael Powell –, passionné par les films qu’il a lui-même réalisés.
Bertrand était un cinéaste singulier, à nul autre comparable. J’ai particulièrement aimé son film de 1984, Un dimanche à la campagne. Ce film a été conçu avec tant de subtilité que j’ai l’impression qu’il est sorti tout droit du monde des impressionnistes. J’ai également adoré ses films historiques, comme Que la fête commence… et Capitaine Conan, et ses adaptations de Simenon (L’Horloger de Saint-Paul, son premier film) et de Jim Thompson (Coup de torchon, adapté de 1275 âmes).
En 1983, je déjeunais avec Bertrand et Irwin Winkler quand ils ont décidé, tous les deux, de faire le magnifique Autour de minuit. C’est pour moi un merveilleux souvenir d’avoir fait une petite apparition dans ce film, dans le rôle de l’agent de Dexter Gordon.
Bertrand connaissait intimement tous les aspects du cinéma français. C’est une chance incroyable pour nous tous que Bertrand ait partagé son savoir et sa passion dans son documentaire Voyage à travers le cinéma français, une œuvre d’une grande beauté.
Il connaissait tout aussi intimement le cinéma américain. Bertrand et Jean-Pierre Coursodon ont coécrit, et régulièrement mis à jour, un dictionnaire exhaustif consacré aux réalisateurs américains (50 ans de cinéma américain). Cet ouvrage majeur mériterait d’être traduit en anglais.
Je veux enfin partager une dernière image à propos de Bertrand. Une image bien connue par tous ses amis et par tous ses proches. Bertrand était tellement passionné qu’il pouvait littéralement vous mettre K.-O. Il restait assis, pendant des heures et des heures, argumentant pour ou contre un film, un cinéaste, un musicien, un livre ou une décision politique. Au bout d’un moment, terrassé, vous vous demandiez simplement : mais d’où lui vient toute cette énergie ?
Aujourd’hui, il m’est très difficile de me dire que je n’aurai plus jamais la chance de recevoir toute cette incroyable énergie. Que je n’aurai plus jamais la chance de rencontrer un homme aussi extraordinaire, un homme tellement irremplaçable. »
Bertrand Tavernier, au Festival de Saint-Sébastien (Espagne), en 2013.
Mort de Bertrand Tavernier, inlassable cinéaste et amoureux vorace du septième art ICI
Au fil de ses indignations, le réalisateur s’est promené d’un genre à l’autre, écrivant plusieurs ouvrages de référence sur le cinéma. Il est mort, jeudi à 79 ans.