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C’est une nouvelle guerre, un nouveau front, ici le stop au Covid a laissé la place au stop au camembert Président, et ce ne sont pas les anti-Macron qui ont encore frappé mais les défenseurs du lait cru. Depuis le 1er janvier, il faut bénéficier de l'appellation AOP pour inscrire « Fabriqué en Normandie » sur l'étiquette de son camembert.
Jocelyne pousse son chariot vers le rayon. S’exclame : « Le Président ? Je le laisse à l’Élysée. Moi, je n’achète que de l’AOP, c’est un gage de qualité et je sais d’où vient le lait. » Son choix s’est porté sur deux boîtes de Réo. Fabriqué à Lessay, dûment estampillé. « Je sais que c’est le meilleur. »
Elle n’en finit pas, cette « guerre du camembert » depuis qu’en 1926, la cour d’appel d’Orléans a fait du mot « camembert » un terme générique.
Deux camps se sont longtemps opposés : d’un côté, les petits producteurs normands défenseurs du Label Rouge (1968), puis de l’Appellation d’origine protégée (AOP en 1983) ; de l’autre, les fabricants qui ont fait le choix de ne pas entrer dans le cahier des charges contraignant de l’AOP et vendent près de 90 % de la production.
En 2007, sous l’égide de l’Institut National des appellations et origines (INAO), les deux parties avaient fait des efforts et adopté un cahier des charges permettant la création d’une « grande AOP normande » qui concilie quantité et qualité.
Ce compromis aurait accordé à partir de 2021 la dénomination «Camembert AOP de Normandie» à tout fromage, y compris les industriels au lait pasteurisé, fabriqués dans une zone définie en Normandie, à condition que les industriels s’engagent à avoir plus de vaches de race normande dans leur cheptel. Une autre étiquette portant la mention « Véritable camembert de Normandie » aurait réuni les puristes du lait cru.
Mais, en début d’année 2020, l’assemblée générale des professionnels du camembert de Normandie a finalement rejeté l’ensemble du projet. Et les étiquettes « Fabriqué en Normandie » ont continué à fleurir dans les rayons.
Lait cru ou lait pasteurisé ?
La DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) a réagi et, le 9 juillet 2020, ordonné aux industriels de se mettre en conformité avant le 31 décembre 2020 et de ne plus arborer cette mention « Fabriqué en Normandie » sur un fromage ne répondant pas aux règles de l’AOP.
Le 21 décembre, le Syndicat normand des fabricants de camemberts (SNFC), qui rassemble notamment Lactalis (devenu propriétaire de nombreux petits fabricants), Savencia, Isigny Sainte-Mère, Gillot…, a demandé au Conseil d’État de suspendre cet avis. Selon lui, l’avis portait atteinte aux droits des fabricants de camembert hors AOP en offrant une protection trop forte à la dénomination « camembert de Normandie » et introduisait une rupture d’égalité avec les fabricants qui élaborent leurs produits dans une autre région ».
Le juge des référés liberté a admis que « durant quelques années, l’administration n’a pris aucune mesure à l’égard des camemberts étiquetés « fabriqués en Normandie », afin de laisser à l’ensemble des producteurs concernés la possibilité de s’entendre sur un aménagement du cahier des charges de l’AOP.
Mais pour autant, cela n’a pas entériné le droit d’entretenir la confusion avec l’AOP « camembert de Normandie ». Le Conseil d’État signale au passage que rien n’interdit aux fabricants de camembert hors AOP d’assortir leur produit d’une indication d’origine géographique dès lors que celle-ci ne mentionne pas la Normandie et n’introduit donc aucune rupture d’égalité ». La requête du SNFC est donc rejetée.
Pour l’heure, l’étiquette « Fabriqué en Normandie » devra disparaître des rayons. Les consommateurs devront donc alors choisir entre un simple « Camembert », dont le lait peut être pasteurisé et provenir de diverses origines et un « Camembert de Normandie » AOP au lait cru produit selon un strict cahier des charges dans l’aire d’appellation (Calvados, Manche, Eure et Orne).
Mais qu’on se rassure, le syndicat des industriels n’a pas dit son dernier mot et entend poursuivre le combat.
Privé de la mention fabriqué en Normandie pour son camembert Président, Lactalis contre-attaque et y appose désormais la ligne suivante: Fabriqué dans l'Orne, le département normand où se situe l'usine de production de sa vedette du rayon frais des supermarchés.
Bien moins vendeur que le "made in Normandie", le groupe laitier joue la carte de l'offensive en faisant la promotion de sa nouvelle appellation dans une publicité diffusée dans le quotidien Ouest-France.
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60.000 tonnes jusqu'alors nommé "Fabriqué en Normandie vs. 6000 tonnes pour les camemberts AOP
Le Président n'est pas seul: on peut désormais lire :
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- Fromagerie de Ducey – Manche sur l'étiquette du Cœur de Lion
- Fabriqué dans le Pays d'Auge sur celle du Lanquetot, qui appartient aussi au groupe Lactalis
- ou tout simplement "fabriqué en France" voire "lait français" pour les marques de distributeurs. Ce changement d'étiquette n'est pas anodin: on compte chaque année 60.000 tonnes de camembert jusqu'alors nommé "Fabriqué en Normandie", contre 6000 tonnes pour les camemberts AOP.
L’AOP camembert de Normandie c’est de la merde vs le défunt Jean-Pierre Coffe, les vaches de toutes races bouffent de l’ensilage maïs, pissent du lait, même cru ça n’a rien à voir avec le terroir, il n’y a qu’un seul camembert authentique : celui-ci
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Périco Légasse en compagnie des sénatrices normandes Sonia de la Provosté et Catherine Morin-Desailly...
Le sujet de la discorde - ou du « débat intensément républicain », selon les termes du critique gastronomique Périco Legasse, est un accord conclu l’an dernier pour que cesse la guerre entre le camembert normand « de Normandie » (au lait cru, moulé à la louche) protégé par l’Appellation d’origine protégée, et son avatar industriel, « fabriqué en Normandie », au lait pasteurisé.
Conséquence de cet accord, à partir de 2021, la mention « fabriqué en Normandie » disparaîtra, et l’AOP « de Normandie » pourra être au lait pasteurisé. En échange, ses conditions de production sont durcies : il devra comporter au minimum 30 % de lait de vaches normandes nourries majoritairement à l’herbe dans une zone couvrant la Manche, l’Orne, le Calvados et une partie de l’Eure.
Remis en cause par M. Ramos et la présidente de l’association Fromages de Terroir, Véronique Richez-Lerouge, l’accord a été défendu au Sénat par Patrick Mercier, président de l’organisme de défense et de gestion du camembert de Normandie, comme une « solution » qui permet aux productions artisanales comme aux fabrications industrielles de « trouver leur place ».
« Oui, c’est une concession. On laisse l’AOP "de Normandie" aux industriels », a admis Périco Legasse, mais avec « une compensation énorme », a-t-il assuré : « la création d’une dénomination "véritable Camembert de Normandie" ».
AOP À DEUX VITESSES
La crème du camembert en quelque sorte, est exclusivement au lait cru, avec une production comportant 66 % de vaches normandes, mais aussi l’absence totale d’OGM dans leur alimentation.
« La guerre du camembert est finie », veut croire M. Mercier. Mais Mme Richez-Lerouge, qui a assisté à la conférence de presse, n’a pas désarmé. Selon elle, l’introduction de « deux niveaux de gammes » dans une AOP « va créer une instabilité juridique ». Et de défendre, face au buffet odoriférant agrémenté de bouteilles de jus de pomme, cidre et Calvados, la mise en place d’une Indication géographique protégée, en lieu et place d’une AOP à deux vitesses.